La musique pour héritage
Karl Thomas Mozart naît le 21 septembre 1784 à Vienne. Deuxième enfant du compositeur Wolfgang Amadeus Mozart et de son épouse Constanze, il est cependant le premier à survivre à la petite enfance. Il grandi choyé par ses parents, au rythme des opéras de son père et des problèmes financiers de la famille qui poussent les Mozart à changer souvent de logement. Il est également très apprécié de sa grand-mère, Caecilia Weber, qui lui apporte toutes sortes de choses : gourmandises, vêtements, etc… Cependant, son grand-père, Léopold Mozart, ne le reconnaît pas comme le « digne héritier » de son fils, n’aimant pas Constanze. Pour le père Mozart, son vrai petit-fils est l’enfant de sa fille Nannerl.
Dès son plus jeune âge, Karl Thomas est éduqué pour marcher dans les pas de son père mais l’enfant n’aime que peu la musique et ne la travaille pas assez. Pour parfaire son éducation, il est envoyé – probablement vers ses 3 ou 4 ans, aucune date précise n’existe – en pension à Perchtoldsdorf. Cependant, les effets escomptés par ses parents de cette éducation ne portèrent pas leurs fruits. Ainsi, Karl Thomas retourne à Vienne chez ses parents. Il grandit avec son frère cadet, Franz Xaver, deuxième enfant Mozart à survivre à l’enfance. Karl Thomas était destiné à suivre les pas de son père, mais suite à une anecdote musicale, ce fut son frère qui devint le « nouveau Mozart ». En 1791, à la mort de son père, Karl Thomas et son frère sont confiés par Constanze à leur grand-mère Caecilia, mais elle les récupère rapidement. Puis elle confie Karl à des amis de Prague, Franz Xaver Niemetschek et Franz Xaver Duschek. Il sera alors élevé là-bas, apprendra la musique et deviendra un excellent pianiste. Dès lors, il ne reverra pas son frère avant vingt longues années.
Il relate également dans ses courriers les quelques fois, lorsqu’il était encore à Vienne, où sa mère l’emmenait au cimetière Saint Marx afin qu’elle retrouve le crâne de Mozart dans l’ossuaire, certaine de pouvoir le retrouver parmi tous ceux qui étaient là. Ces épisodes ont été traumatisants pour Karl Thomas. En outre, Constanze faisait beaucoup de différences entre ses deux fils. Si le cadet était un digne Mozart dans ses « dons » pour la musique, le premier, bien que l’aîné, devait gagner sa vie par son travail et non par la musique.
En 1797, âgé de treize ans, il quitte Prague pour Livourne où il travaille dans une maison de commerce pour s’y former au métier et apprendre l’Italien. Plus tard, en 1805, il s’installe à Milan où il travaille, toujours dans le commerce. A Milan, il travaille la musique avec Bonifazio Asioli. Lorsqu’il en avertit sa mère, elle lui écrit une lettre (n°933 des Correspondances Mozart) où elle admet avoir tenté de minimiser son intérêt pour la musique au profit de son jeune frère, voulant les protéger d’une rivalité musicale qui aurait pu les opposer. Cependant, elle accepte qu’il prenne de nouvelles leçons de musique, tout en prenant soin de préciser le grand talent de son fils cadet. Au passage, elle lui fait envoyer le piano-forte de son père afin qu’il joue dessus. En 1810, Karl Thomas cesse de suivre les cours d’Asioli et abandonne la musique pour entrer au service de Murat, devenu Vice-Roi de Naples, à Milan.
En 1820, Franz Xaver, le cadet de Karl Thomas, fait une tournée musicale en Europe avec les partitions de son père. Parmi ses dates se trouve Milan, où il retrouve son frère. Karl notera dans le journal de Franz : « L’émotion que j’ai ressentie à son arrivée et celle que j’éprouve en le voyant partir son inexprimables. Que le ciel nous épargne une nouvelle séparation de vingt ans ». En septembre 1840, Karl Thomas revient à Vienne quelques temps et y retrouve son frère avec lequel il a encore de nombreuses choses à partager ou de souvenirs sur leur père à raconter.
En 1842, Karl Thomas s’apprête à aller à Salzbourg pour l’inauguration de la place Mozart (où vivaient sa mère et sa tante Sophie) et celle du Mozarteum de Salzbourg. Mais Constanze meurt quelques jours avant et au passage, il enterrera sa mère. Il repart peu de temps après : c’est la dernière fois qu’il voit son frère, mort en 1844.
En 1853, il acquiert la propriété de Caversaccio, à Valmora, dans la province de Côme. Sa retraite est dédiée à la pêche et à l’écriture, loin de l’administration milanaise. A sa mort, il lègue la maison à la ville et une plaque commémorative lui y est dédiée.
Le 4 mars 1856, deux ans avant sa mort, il rédige cette lettre au journal Bohemia : « Par une décision souveraine de ma mère, il fut arrêté que ce ne serait pas moi, mais mon frère, âgé de deux ans à peine, qui deviendrait musicien ; je n’en fus pas satisfait à l’époque, mais par la suite, après mûre réflexion, j’en fus très content, m’étant persuadé que les fils d’un père qui s’est illustré ne doivent jamais courir la même carrière, car, même en possession de plus grands talents que ceux que je reconnais en moi, ils ne peuvent jamais répondre aux exigences placées en eux. Cette conviction qui s’était malheureusement aussi enracinée chez mon frère aujourd’hui décédé, l’avait indisposé, rendu méfiant de son propre talent qui n’était vraiment pas ordinaire, empoisonné, et a peut-être même abrégé sa vie. Karl Mozart, le 4 mars 1856. »
En septembre 1856, il fait une dernière fois le voyage pour Salzbourg à l’occasion des cent ans de la naissance de Mozart, puis il repart peu après. Peu avant sa mort, il reçoit 8000 francs de la part de la Société des Auteurs Compositeurs dramatiques pour la représentation des Nozze di Figaro à Paris.
Il reste célibataire mais laisse cependant une fille naturelle qu’il reconnaîtra, Constance, qui meurt en 1833.
Il meurt dans sa demeure de Côme le 31 octobre 1858 et est enterré à Mojazzo le 2 novembre, mais ses cendres furent transférées au cimetière monumental de Milan. Une messe commémorative avec est donnée en sa mémoire le 12 novembre à Salzbourg avec une chorale chantant le Requiem de son père.