Presque Reine
Wallis Warfield naît (officiellement) le 19 juin 1896, à Baltimore, dans le Maryland. Fille de Teackle Warfield et d’Alice Montague, elle a de lointaines origines françaises, dont ses parents sont très fiers. Son père meurt un an après son mariage et la famille croule sous les dettes depuis la guerre de Sécession (rappelons que c’est une famille Sudiste). Wallis est donc élevée le mieux possible par sa mère et grâce à l’aide aléatoire de son oncle Sol. A seize ans, son oncle lui paye ses études à Oldfields School, une institution pour les jeunes filles de la bonne société. Mais Wallis est une élève médiocre, elle préfère de loin faire le mur pour retrouver les garçons.
A dix-neuf ans, elle hérite quatre-milles dollars de sa grand-mère et part vivre en Floride avec une amie qui a épousé un officier de la Marine. Wallis y rencontre Earl Winfield Spencer, un pilote de l’aéronavale, qu’elle épouse le 8 novembre 1916. En avril 1917, les États-Unis entrent dans la Première Guerre mondiale. Le mari de Wallis – alcoolique notoire, qui trompe et bat sa femme – est muté en Californie, à San Diego. Wallis y rencontre l’une de ses plus grandes amies, Katherine Bigelow. Le couple Spencer bat de l’aile, aussi, quand le mari de Wallis est nommé au Ministère de la Marine à Washington, en 1921, la jeune femme ne le suit pas. Par la suite, il est envoyé à Canton, en Chine, et là encore, elle reste aux Etats-Unis où elle mène une vie sulfureuse en collectionnant les amants.
En 1924, Wallis est elle aussi enrôlée dans la guerre et envoyée en Chine afin de servir de liaison entre Europe/USA et Extrême-Orient, afin d’éviter que les télégrammes ne soient interceptés. Elle retrouve son mari à Hong Kong, le couple se reforme alors que quelques années plus tôt, elle songeait au divorce. Des rumeurs circulent sur le compte de Wallis, et on affirme qu’elle se serait initiée à la prostitution et y aurait appris des techniques érotiques bien particulières. Tout du moins, c’est ce que les services secrets anglais affirmeront plus tard, sur instigation du Premier ministre Stanley Baldwin. Peu après, Wallis quitte son mari et part vivre à Shanghai, où elle mène la grande vie en fréquentant clubs et autres salons. On la dit en mission secrète, d’autres pensent qu’elle est entretenue par ses amants. Quoi qu’il en soit, elle est riche et se lance corps et âme dans la vie mondaine. C’est là qu’elle rencontre le Comte Ciano, le gendre de Mussolini, dont elle tombe enceinte. Mais elle avorte et en devient stérile. Puis Wallis part vivre à Pékin, chez son amie Katherine Bigelow et son nouveau mari, et ce jusqu’en mars 1925. Cette période de sa vie reste sombre et imprécise, on ne sait pas exactement ce qu’elle y a fait.
Wallis retourne vivre aux États-Unis, en Virginie. En 1927, elle obtient le divorce avec entièreté des torts pour son mari, alcoolique et ayant abandonné le domicile conjugal. Wallis cherche alors un nouvel homme à épouser, un homme qui lui permettra de maintenir ce train de vie qu’elle avait tant apprécié en Chine. Par des amis, elle rencontre, à New York, Ernest Simpson. Pour elle, il divorce et s’installe à Londres, puis la demande en mariage. Wallis ne lui donnera sa réponse que durant ses vacances à Cannes, chez son amie Katherine. Wallis épouse Ernest le 21 Juillet 1928, à Londres. Là, Wallis trouve la sérénité d’un ménage auprès d’un mari amoureux d’elle et assez riche, qui lui offre un certain luxe : femmes de chambre, chauffeur, cuisinière…
Surtout, elle tente de se rapprocher de la bonne société londonienne. Elle reçoit chez elle toutes les semaines, notamment des Américains. Mais la crise de 1929 va l’obliger à réduire son train de vie. C’est lors d’un dîner organisé chez elle que la jeune femme va croiser son destin. En effet, elle reçoit le secrétaire d’ambassade des États-Unis, Benjamin Thaw, dont la belle-sœur, Thelma Furness, est la maîtresse du Prince de Galles, Edouard. Et un soir de janvier 1931, Benjamin Thaw et sa femme convient les Simpson chez Thelma, pour une chasse en compagnie du Prince. Le courant semble bien passer entre Wallis et Edouard, mais rien de plus. Ils se revoient en mai de la même année autour d’un thé chez Thelma, puis le mois suivant à Buckingham Palace où Wallis fait sa première entrée à la Cour d’Angleterre. Elle n’a aucune idée des codes protocolaires de la Cour et enchaîne les erreurs. Elle est une Américaine extravagante et sans-gêne, mais ça plaît au Prince de Galles qui est charmé.
Après une fin d’année 1931 assez peu glorieuse à cause d’une gêne financière, les Simpson reçoivent Edouard chez eux, et le Prince les invite à son tour. Après quelques invitations irrégulières, le couple Simpson finit par faire partie des intimes d’Edouard et se trouvent admis dans son cercle de particuliers. Wallis se rapproche du Prince, ils discutent beaucoup, apprennent à se connaître. Dès lors, tandis qu’elle n’éprouve pour lui que de l’amitié, celui-ci est attiré par cette femme et ne peut plus se passer d’elle. Wallis vient de supplanter son amie Thelma dans le cœur du Prince de Galles, elle est devenue sa nouvelle favorite. Elle rejoint Edouard en vacances pour une croisière – sans son mari – et reçoit de nombreux cadeaux. Si dans la presse anglaise, rien n’est écrit, en revanche la presse américaine fait des gorges chaudes de cette aventure pour le moins scandaleuse. Wallis est régulièrement invitée à Buckingham avec son époux – très conciliant – et s’y comporte comme d’habitude : mal. Elle est exclue de Buckingham mais le Prince de Galles la soutient et l’y fait venir contre l’avis de son père, George V.
Le vieux roi meurt le 20 janvier 1936. Le Prince devient Edouard VIII. Bien qu’il soit très apprécié des Anglais, le Parlement reste lucide. Il subit la mauvaise influence de Wallis et accorde peu d’importance à son nouveau rôle de Roi, enchaînant les attitudes légères : retards, peu d’application lors d’études de documents importants, fuites avant des réunions… Ses décisions sont prises après avis de sa favorite, à qui il offre des bijoux à des prix exorbitants quand les caisses du royaume sont vides. C’est là que les services de renseignements anglais commencent à enquêter sur cette Américaine gênante. On se souvient alors de sa période en Chine, qui reste abstraite, mais aussi de ses nombreux amants dont a fait partie le gendre de Mussolini, et des sympathies pour les milieux fascistes.
Devenue une personne influente de par l’ascendant qu’elle a sur le Roi, Wallis se fait un grand nombre d’ennemis. La Reine Mary, mère d’Edouard VIII, ne la supporte pas, tout comme le Parlement. Ils la jugent mal élevée et sans-gêne (elle agit comme un membre de la famille royale), ayant une mauvaise influence notoire sur le monarque, qui lui passe tout. En 1936, Wallis lance une procédure de divorce, pressée par Edouard VIII qui songe grandement à l’épouser et à la couronner en même temps que lui, en mai. Un scandale ! Les journaux écossais brisent le silence alors imposé et, rapidement, on commence à savoir qui est cette Wallis Simpson qui fait tant trembler la famille royale. Edouard VIII s’oppose au Parlement qui refuse une union si scandaleuse. Il tente même de proposer un mariage morganatique : Wallis ne serait pas Reine et leurs enfants potentiels ne seraient pas dynastes. Mais, même ainsi, c’est un non catégorique. Le Roi lance alors l’idée d’abdiquer pour épouser la femme qu’il aime. L’idée séduit le Parlement et le Premier ministre : manipulé par sa favorite, il a petit à petit perdu sa popularité et a clairement délaissé les affaires de l’État, qu’il prenait à la légère. Aussi, le voir abdiquer pour épouser Wallis au profit de son frère est une affaire importante et urgente. Elle sent le danger et voit le trône d’Angleterre lui échapper. Elle part en France et coupe toute relation avec le Roi afin de l’empêcher de commettre l’irréparable. Peine perdue, le 10 décembre 1936, Edouard VIII annonce à la radio qu’il vient d’abdiquer en faveur de son frère, devenu George VI. Edouard, devenu le Duc de Windsor, a régné vingt-sept jours. En entendant le discours, Wallis lance un furieux « quel idiot ! ».
Le Duc de Windsor doit quitter l’Angleterre pour au moins deux ans mais ne peut pas immédiatement rejoindre Wallis tant que le divorce n’est pas prononcé. Il part vivre en Autriche, elle reste chez son amie Katherine, à Cannes. Même si elle n’aime pas Edouard, elle se résout à l’épouser : après tout, il a abdiqué pour elle. Le 3 mai 1937, le divorce est prononcé. Wallis libre, elle accueille Edouard le 7 mai. Ils se marient le 3 juin, au château de Candé, propriété de Charles Bedaux, un industriel fort écouté du IIIe Reich… Le mariage est célébré en toute intimité : maximum vingt personnes, aucun membre de la famille royale (même le cousin et le frère d’Edouard, dont il était proche, n’ont pas eu l’autorisation d’y assister), une grosse majorité de journalistes. La mariée est amère et fait triste figure, le couple semble « coincé », guindé. Wallis est Duchesse de Windsor, mais George VI lui refuse catégoriquement le titre d’Altesse royale. Les jeunes mariés enragent.
Dès lors, le couple n’aura de cesse de vouloir se venger de ce qu’il considère comme des affronts. Aussi, en octobre 1937, le Duc et la Duchesse font un voyage très médiatique en Allemagne, où ils rencontrent les dirigeants du IIIe Reich. Ils terminent leur séjour de 3 semaines au nid d’aigle de Berchtesgaden, le « repaire » d’Hitler, qui dira de Wallis : « C’est dommage, elle aurait fait une bonne reine… ». Cette relation publique affichée avec Hitler va augmenter le malaise entre le couple et la famille royale.
Durant la Seconde Guerre mondiale, Edouard est officier chargé de la liaison avec d’état-major français tandis que Wallis est volontaire à la Croix-Rouge. Lorsque l’Allemagne envahit la France en 1940, le couple doit fuir en Espagne puis au Portugal, où ils sont régulièrement contactés et sollicités par le régime nazi. Sur instigation de Churchill, George VI nomme son frère gouverneur des Bahamas, un petit archipel anglais éloigné de l’Europe. Le message est clair : on s’en méfie, on les éloigne, même le FBI les surveille.
A la fin de la guerre, le couple, toujours une épine dans le pied de George VI, ne peut retourner en Angleterre et s’exile à Paris, dans un hôtel particulier, jusqu’en 1953.
Leur existence se résume à des mondanités et des voyages. Lorsque George VI meurt en 1956, Wallis n’est pas autorisée par Elizabeth II à assister aux funérailles, contrairement à Edouard. En effet, la nouvelle Reine juge Wallis en partie responsable du décès prématuré de son père. Les Windsor s’installent alors au château de Bagatelle, dans le bois de Boulogne. En 1972, Elizabeth II fait une concession pour son oncle : elle leur rend visite avec son époux, le Duc d’Edimbourg, et son fils Charles. C’est la dernière fois que la Reine voit Edouard, rongé par un cancer, et qui décède peu après, dans les bras de Wallis, en criant « Maman ! ». Les funérailles ont lieu le 5 juin, Wallis y assiste. C’est la première fois, depuis de longues années, qu’elle retourne à Buckingham. Wallis dira : « Edouard aurait pu épouser une femme plus jolie que moi » et avouera qu’elle ne l’avait jamais aimé. Elle survit quatorze ans à Edouard. Malade, alitée, elle n’est plus que l’ombre d’elle-même et s’éteint le 24 avril 1986, seule. Elle est inhumée, comme son mari et comme tous les membres de la famille royale, dans le cimetière de Frogmore.