Le château de Louis XIV
La terrasse italienne souffre de problèmes d’étanchéité dus au climat versaillais : des fuites surviennent régulièrement dans la Galerie basse. Par ailleurs, la hausse d'affluence dans son palais pousse Louis XIV à créer un axe de circulation plus important, où les courtisans pourront circuler plus librement. On décide donc de couvrir la terrasse italienne pour créer la Grande Galerie (l'appellation "Galerie des Glaces" date du XIXe siècle), qui termine le Grand Appartement. Elle est le pendant de l'Escalier des Ambassadeurs, qui le débute.
Vue sur le château avec sa terrasse, vers 1675. Anonyme.
La façade que Le Vau avait collée à celle du bâtiment de Louis XIII a duré une dizaine d’années et disparaît derrière les ors de la Galerie. On ne prend pas la peine de l’effacer pour créer la Galerie des Glaces : tout doit aller très vite, on va donc « plaquer » la galerie contre cette façade. Des vestiges de la façade de Le Vau sont encore en partie visibles sous la soupente du toit. On y voit le haut des fenêtres comblées et des frises ornementales.
Louis XIV, en créant la Galerie des Glaces, perd la vue qu’il a sur les jardins depuis la terrasse italienne. C’est Hardouin-Mansart qui va avoir l’idée de la créer avec 17 fenêtres situées en face de 17 arcades, composées de 357 miroirs et dans lesquels se reflètent la lumière et les jardins. C’est une façon de faire entrer les jardins dans cette galerie devenue fermée. En parallèle, la façade du château est modifiée. Les fenêtres datant du règne de Louis XIII sont remplacées par un balcon à trois fenêtres au centre et deux fenêtres rectangulaires à droite et à gauche. Le balcon central correspond à l’emplacement actuel de la chambre du Roi.
On retrouve, naturellement, du marbre dans la Galerie des Glaces. Il représente un tiers du coût total de la Galerie, ce qui est colossal. Ce marbre était géré par deux équipes. Au centre de la Galerie se trouvent quatre niches à fond en marbre et abritant quatre statues, une masculine et trois féminines. Derrière les femmes on trouve du marbre vert. Derrière l’homme, c’est du rouge. On peut croire ici à la perfection du lieu, à un travail de recherche savamment préparé. En réalité, le chantier devait aller vite : le Roi avait hâte que sa Galerie soit inaugurée. Les deux équipes qui se sont occupées des niches de marbre ne se sont pas servies du même matériau. L’une a utilisé du vert, l’autre du rouge. Quand on s’en est aperçu, afin de savamment cacher cette imperfection très visible, on a eu l’idée de différencier les statues pour laisser penser que tout a été prévu ainsi dès le départ.
L’autre matériau principal de la Galerie des Glaces est les miroirs, au nombre de 357, dont 70 % de ceux que l’on voit aujourd’hui sont d’époque. L’utilisation d’autant de miroirs relève du défi. En effet, il n’existe pas de fabrique à l’échelle industrielle en France. Comme toujours, on privilégie les ouvriers français. On va alors faire appel à des artisans vénitiens qui se rendent en France et qui vont former les verriers français. Colbert va ainsi contribuer à créer la manufacture de verre de Saint-Gobain, aujourd’hui leader mondial. Le verre est soufflé puis poli avec des feuilles d’étain et du mercure en grande quantité, ce qui était hautement toxique pour les ouvriers.
La Galerie des Glaces va être vecteur du message politique de Louis XIV. Un premier projet pour le plafond est proposé, dédié à Apollon. Mais en 1678, Monsieur, frère du Roi, inaugure celle de Saint-Cloud sur ce thème. En rivalité avec son cadet, Louis XIV écarte donc le projet : il veut faire mieux que son frère. Un second projet est pensé : le Roi et ses grandes œuvres sont représentés sous les traits d’Hercule. Mais la mode n’est plus aux décorations exclusivement mythologiques. Louis XIV ne veut pas qu’on le représente, il veut qu’on le voie lui, clairement, physiquement, comme sa grand-mère Marie de Médicis avait fait dans son palais du Luxembourg. Un troisième projet est alors validé : 1100 m² de peintures, répartis en 27 ensembles, qui véhiculent un message politique dédié à tous : ambassadeurs, courtisans, visiteurs. Le but est d’impressionner et émerveiller.
Pour cela, un parcours spécifique a été pensé. On commence par le centre présentant Louis XIV seul (17) face aux puissances ennemies de la France (16). On se rend ensuite vers le nord de la Galerie pour admirer les quatre ovales dans cet ordre (5), (3), (10) et (8). On va à l’opposé de la Galerie, au sud, en passant devant les tableaux (13) et (18) pour faire la même chose avec les quatre autres ovales (23), (28), (30) et (25). On remonte en passant devant (20) et (15) pour admirer le tableau (12). Revenons sur nos pas jusqu’au tableau (22) puis traversons pour admirer le (21). Ensuite, nous allons jusqu’au (11). Nous terminons par l’ensemble (7) et (6) au nord, puis l’ensemble (27) et (26) au sud.
Voici un plan du plafond avec les légendes des tableaux :
Nicolas Milovanovic © Coproduction RMN – EPV, 2008
(1) Alliance de l'Allemagne et de l'Espagne avec la Hollande, 1672
(2) Renommées et Victoires
(3) Réparation de l'attentat des Corses, 1664
(4) Soulagement du peuple pendant la famine, 1662
(5) La Hollande secourue contre l'évêque de Munster, 1665
(6) Le Roi prend Maëstricht en treize jours, 1673
(7) Le Passage du Rhin en présence des ennemis, 1672
(8) La Prééminence de la France reconnue par l'Espagne, 1662
(9) La Fureur des duels arrêtée, 1662
(10) Défaite des Turcs en Hongrie par les troupes du roi, 1664
(11) Le Roi arme sur terre et sur mer, 1672
(12) Le Roi donne ses ordres pour attaquer en même temps quatre des plus fortes places de la Hollande, 1672
(13) Réformation de la justice, 1667
(14) Guerre contre l'Espagne pour les droits de la reine, 1667
(15) Rétablissement de la navigation, 1663
(16) Faste des puissances voisines de la France
(17) Le Roi gouverne par lui-même, 1661
(18) Protection accordée aux beaux-arts, 1663
(19) La Paix conclue à Aix-la-Chapelle, 1668
(20) L'Ordre rétabli dans les finances, 1662
(21) Résolution prise de faire la guerre aux Hollandais, 1671
(22) La Franche-Comté conquise pour la seconde fois, 1674
23) Ambassades envoyées des extrémités de la terre
24) Acquisition de Dunkerque, 1662
25) Établissement de l'hôtel royal des Invalides, 1674
26) Mesures des Espagnols rompues par la prise de Gand
27) Prise de la ville et de la citadelle de Gand en six jours, 1678
28) Jonction des deux mers
29) Sûreté de la ville de Paris
30) Renouvellement d'alliance avec les Suisses, 1663
31) La Paix et l'Abondance
32) La Hollande accepte la paix et se détache de l'Allemagne et de l'Espagne, 1678
33) La Colère
34) L'Ambition
35) La Discorde
36) L'Envie