Les Trianons & le domaine de Marie-Antoinette
Si Louis XV avait accepté que Mme de Pompadour fasse du théâtre, en revanche, il l’avait interdit à la Dauphine, future Reine et devant assurer un rôle bien précis. Une fois sur le trône, Marie-Antoinette peut enfin assouvir sa passion pour la comédie, tout en la cachant à sa mère, la sévère Impératrice Marie-Thérèse, qui le lui aurait vivement reproché.
La Reine donne de somptueuses fêtes à Trianon, notamment celle de 1777 en l’honneur de son frère Joseph II. Mais pour les pièces de théâtre, elle se contente de scènes éphémères. Elle utilise alors la galerie du Grand Trianon, puis l’Orangerie de Louis XV. Celle-ci est détruite en 1778 pour bâtir le rocher. Naît alors l’idée d’un théâtre bien à elle dans le jardin de son Petit Trianon. Le chantier démarre la même année et se termine en 1780, pour un coût total de 141.200 livres.
Marie-Antoinette fait venir des troupes professionnelles, mais joue elle aussi la comédie avec sa troupe amateur dite « troupe des Seigneurs », devant un Louis XVI amusé et ses domestiques. Le premier spectacle donné sur la scène du théâtre a lieu le 1er juin 1780. On joue de juin à mi-septembre, voire fin août. Il abritera plusieurs représentations jusqu’à 1785. C’est l’Affaire du Collier, véritable tournant dans l’attitude de la Reine, qui mettra fin aux représentations dans ce théâtre. La salle a donc été très peu utilisée et est, en outre, minuscule, puisqu’elle ne compte que cent cinquante à deux-cents places.
Le théâtre de la Reine est un des rares lieux en France à avoir gardé quasiment tout son décor d’origine et ses machineries. Dans un souci d’économie, tout est factice et donc fragile. Les murs et décorations sont en plâtre ou en carton-pâte, recouverts de feuilles d’or ou de cuivre doré. C’est son côté factice qui sauvera le théâtre de la Révolution. En effet, les révolutionnaires ont été très surpris de constater que tout était faux dans ce décor. Rien n’était bon à vendre dans ce théâtre, faussement riche et luxueux, en dehors des décors sur scène et du rideau. Il est néanmoins vidé à la Révolution. Les rideaux actuels datent de 1836, sous Louis-Philippe.
Le plus ancien date de Louis XV, vers 1750, et représente le Temple de Minerve. Il est conservé dans le théâtre, dont la salle est construite en demi ovale, en bois et s’éclairait à la bougie.
Le théâtre est utilisé sous Napoléon Ier, qui n’hésite pas à percer le plafond afin de placer un lustre. Durant la Monarchie de Juillet, le théâtre est repeint en rouge et or, comme celui du château, et restauré à l’occasion de la création du musée Louis-Philippe. Depuis, il a été de nouveau restauré peu après la Première Guerre Mondiale grâce au financement de Rockefeller, et enfin une dernière fois il y a une vingtaine d’années, dans l’esprit de ce qu’a connu Marie-Antoinette. Le plafond est refait par Pierre Paulin, grâce à une esquisse datant de l’époque de la Reine, représentant « Apollon parmi les Muses ».
Il est difficile de s'en rendre compte depuis le public, mais la scène est très profonde, bien plus grande que la salle elle-même.
Le brigadier (le bâton des coups) présent dans le théâtre de la Reine est d’époque. Avant de démarrer, on frappe 12 coups (qui symbolisent les 11 apôtres - sauf Judas - et Jésus), puis 3 autres coups retentissent :
la brigade des cintres en haut confirme qu’elle est prête ;
la brigade du dessous de scène fait de même ;
celui qui remonte le rideau également.
Tout le monde est prêt, le spectacle peut donc commencer.
L’avant de la scène comporte une rampe de bougies. C’est d'ailleurs de là que vient l’expression « être sous les feux de la rampe ». Cette rangée vise à éclairer les acteurs qui, au XVIIIe siècle, jouent principalement à l'avant-scène. Aujourd’hui, ces bougies sont fausses et alimentées en électricité. Mais à l’époque, quand on levait le rideau, on abaissait la réglette de bougies du devant de scène pour éviter les appels d’air qui risqueraient de les éteindre. De nos jours, on la baisse encore, bien que l’éclairage ne risque plus de se couper. Les bougies utilisées dans les opéras et théâtre royaux sont en cire d’abeille et coûtent très cher. Dans les autres théâtres, on utilise des chandelles faites en graisse de mouton ou de bœuf. L’éclairage guide la durée des actes (durée d’une bougie ou d’une chandelle = durée d’un acte).
Il existe deux rideaux, un de scène, qu’on soulève au début et abaisse à la fin ; et un de manœuvre, qui sert durant les entractes ainsi que pour les changements de décors. Ceux-ci ont un cadre en sapin, le support est en peuplier et la toile (peinte) est en lin. Les découpes dans le bois sont très fines et très détaillées. La qualité du travail des décorateurs est grandiose. Ces hauts panneaux de décors (sur les photos, ce sont les arbres sur les côtés du décor forestier, ainsi que les murs latéraux du décor intérieur) glissent sur des sortes de rails qui permettent de les rentrer vers les coulisses et les sortir vers la scène selon les besoins de la pièce. Les décors suspendus sont, eux, accrochés grâce à des systèmes de fils de chanvre et de cintres. On ne parle pas de corde mais de fil de chanvre. Comme sur un bateau, le mot « corde » porte malheur au théâtre ! Pour éclairer les panneaux latéraux (par exemple, si on veut simuler de la lumière entrant par la fenêtre du décor intérieur), des échelles de bougies sont disposées derrière. Afin de les allumer une par une, on descend les bougies qu’on allume (autrefois au feu, aujourd’hui avec un bouton électrique) puis que l’on remonte.
La scène est divisée en 5 ou 6 parties. Un rail sépare chacune d’elles. L'ensemble du décor (plateau inclus) est démontable. Une planche du sol peut donc être retirée et il existe également une trappe, vers la fin de la scène, d’où peut sortir un élément de décor. Sous la scène se trouvent deux étages avec des machineries, pour un total de 5m40 de profondeur. A titre de comparaison, l’opéra royal comporte 7 sous-sols et un total de 17m de profondeur.