Ultime bâtard
Le 6 juin 1678, Madame de Montespan, favorite de Louis XIV au début de son déclin, met au monde son septième et dernier bâtard royal : un garçon prénommé Louis-Alexandre. Après un Louis-Auguste et un Louis-César, Louis XIV achève le trio des empereurs avec Alexandre. L’enfant naît à Versailles dans l’appartement de sa mère, mais cette naissance reste bien moins entourée que celles de ses aînés : le vent tourne négativement pour la Marquise et les courtisans ne sont plus si assidus qu’auparavant…
A l’instar de son aînée d’un an, Françoise-Marie, Louis-Alexandre est emmené après sa naissance dans la petite maison de Vaugirard qui avait abrité ses aînés quelques années auparavant. Elevé par l’épouse de Le Tellier et non par Mme de Maintenon, comme l’ont été une petite morte en 1672, le Duc du Maine, le Comte de Vexin, Mlle de Nantes et Mlle de Tours, morte elle aussi. Il est installé avec sa sœur à la Cour dès 1681 par son père et est alors élevé par sa mère. Il partage ses jeunes années entre Versailles et Clagny auprès de sa mère qui en est fière. Pour elle, seuls le petit Louis-Alexandre et Mlle de Nantes sont ses dignes enfants. D’ailleurs, un parallèle s’établit rapidement entre Louis-Alexandre et son aîné, Louis-Auguste, le « Mignon » de Mme de Maintenon. En effet, autant l’aîné est boiteux et faible, autant le petit dernier issu des amours de Mme de Montespan et de Louis XIV est beau, de solide consistance, dénué de toute ambition et d’un tempérament très doux. C’est donc avec une certaine fierté que l’enfant est exposé à la Cour par sa mère.
Le 22 novembre 1681, l’enfant est légitimé comme sa sœur Françoise-Marie et est titré Comte de Toulouse. En 1683, il n’a que 5 ans mais son demi-frère aîné, Louis de Vermandois, meurt à Courtray. Il récupère ainsi sa charge d’Amiral de France, et un an après, devient Colonel d’un régiment d’infanterie. Cependant, ces charges ne restent que des charges de parade, l’enfant étant trop jeune pour les assumer.
Louis-Alexandre est donc élevé par sa mère jusqu’à ce qu’il passe aux hommes, en 1691, date à laquelle il fait ses premiers faits d’armes. Il est alors confié aux bons soins du Marquis d’O, qui deviendra par la suite son ami et son confident. La même année, Mme de Montespan quitte la Cour définitivement, mais Toulouse restera proche de sa mère. Il enchaîne alors les honneurs militaires puisqu’en 1693 il est fait Chevalier de l’ordre du Roi et en 1695 il renonce au gouvernement de la Guyenne pour celui de la Bretagne. Enfin, en 1696 il est fait Maréchal de camp et l’année suivante, Lieutenant des armées. La même année, il ajoute à son apanage le Duché de Penthièvre, qu’il transmettra plus tard à son fils.
Après le mariage de sa sœur, Mlle de Blois, et de son frère, le Duc du Maine, Louis-Alexandre préfère rester célibataire et ce malgré la proposition de mariage qui lui est faite avec la sœur du Duc de Chartres, son beau-frère. Louis-Alexandre est en quelques sortes le contraire de ses frères et sœurs : discret, instruit, calme, beau et sans défauts physiques. Il s’avère en outre un bon militaire et se fait positivement remarquer en campagne, et ne fait pas de tapages à la Cour comme ses aînés.
Le 5 mai 1694, Louis XIV signe un décret créant un « rang intermédiaire » pour ses bâtards masculins. Désormais, ils seront situés après les Princes du sang mais avant les Ducs et Pairs de France, ce qui ne plait évidemment ni aux uns, ni aux autres. Ainsi, les descendants mâles de Toulouse et de son frère Maine auront les mêmes dispositions qu’eux.
En 1704, il est fait Chevalier de la Toison d’Or puis prend le commandement de l’armée. Enfin, en 1711, il acquiert le Duché de Rambouillet.
Au niveau de son entente avec ses frères et sœurs, de par son tempérament calme il n’est en conflit avec aucun d’entre eux : proche de la Duchesse de Bourbon, il s’entend aussi avec Mlle de Blois, la plus proche de lui en âge, mais aussi avec son seul frère : Maine. Il semble extérieur à toutes les rivalités qui sévissent entre les clans Maine, Bourbon et Orléans. Ainsi, lorsqu’en 1710 la Duchesse de Bourbon devient veuve, il est présent à ses côtés pour la consoler. De même quand Mme de Montespan s’éteint en 1707, Louis-Alexandre ne peut prendre le deuil et est très touché par ce décès, lui et ses sœurs se soutiennent énormément.
Seul point de désaccord entre Toulouse et son aînée la Duchesse de Bourbon : le décret du 29 juillet 1714 où Louis XIV fait tomber le rang intermédiaire de ses bâtards en les rendant aptes à monter sur le trône en cas d’extinction de sa branche directe. Ainsi, Toulouse, Maine et leur descendance deviennent Princes du sang, en passant toutefois après les « vrais » Princes du sang. Les Ducs et Pairs jubilent de voir cette tache se coller au rang de Prince du sang et la Duchesse de Bourbon (mère de Princes du sang, donc) enrage de cet honneur fait à ses frères (et à sa sœur). Le 2 août de la même année, l’édit accordant ce rang aux bâtards est enregistré et Louis XIV rédige son testament où Maine, Toulouse et le Duc d’Orléans (beau-frère des précédents) ont un rôle à jouer.
Le 1er septembre 1715, Louis XIV meurt. Dès le lendemain, le Duc d’Orléans, après lecture du testament du monarque, s’octroie les pleins pouvoirs de la Régence, laissant à Maine et à Toulouse un rôle de parade. Mais Louis-Alexandre, peu envieux de se placer politiquement, n’en a cure et laisse faire son beau-frère. Il siègera cependant au Conseil de Régence en compagnie de son frère. Mais le 1er juillet 1717, le Régent casse les décrets de 1714 et de 1715 : Maine et Toulouse se retrouvent démunis de leur titre de Princes du sang et sont désormais inaptes à monter sur le trône. La bonne place politique se perd pour Louis-Alexandre, mais contrairement à son frère et à sa belle-sœur, pour lui ça ne change rien. Enfin, fin août 1717, le rang intermédiaire et les honneurs liés à la situation de Prince du sang sont retirés au Duc du Maine, désormais, il ne sera que simple Duc. A l’inverse, Louis-Alexandre garde ses honneurs à vie pour son dévouement envers la couronne.
Louis-Alexandre achète le château de Rambouillet en 1706
En 1723, Louis-Alexandre épouse Marie-Victoire-Sophie de Noailles. Déjà veuve du Marquis de Gondrin, fils du Duc d’Antin, elle a pour ainsi dire épousé son oncle par alliance. En effet, le Duc d’Antin étant le fils légitime de Mme de Montespan, il était le demi-frère de Toulouse. En épousant la femme de son neveu, Toulouse épousait sa nièce, qui avait déjà deux enfants de sa précédente union. Ce mariage d’amour fut célébré dans la plus grande discrétion jusqu’à la mort du Régent, et donna le jour à un fils en 1725, Louis-Jean-Marie, Duc de Penthièvre, qui décèdera en 1793.
Cependant, avant son mariage Louis-Alexandre eut, de Madeleine Aumont, deux fils bâtards qu’il ne reconnut pas : Louis-Alexandre (1720-1723), et Philippe-Auguste (1721-1795), qui fut fait chevalier d’Arcq, chevalier de l’ordre de Malte, Capitaine au Régiment de royal-Cravates et, plus tard, premier fauconnier de la Maison du Comte de Provence.
Louis-Alexandre mena une vie de famille paisible et unie avec son épouse et son fils à Rambouillet. Proche de Louis XV dont il était « ami », il partageait ses parties de chasse et le monarque prenait plaisir à chasser sur les terres de Rambouillet, jusqu’à la disgrâce du Comte de Toulouse. Il resta ainsi sur ses terres de Rambouillet. Opéré d’une fistule comme feu son père des années auparavant, on lui ôta une pierre de la taille d’un œuf mais refusa tout soutien de ses sœurs. Louis-Alexandre mourut suite à cette opération à Rambouillet le 1er décembre 1737. Il est inhumé à Rambouillet mais en 1775, son fils, le Duc de Penthièvre, cède le domaine à Louis XVI en échange du Comté de Dreux. En 1783, Penthièvre fait alors transférer les cercueils de sa famille dans la chapelle royale de Dreux où le Comte de Toulouse repose désormais avec sa femme, sa belle-fille et ses petits-fils dont le Prince de Lamballe, mari de la grande amie de Marie-Antoinette.