Badinguet
Charles-Louis-Napoléon naît le 21 avril 1808 rue Cerutti, à Paris. Il est le troisième fils de Louis Bonaparte, Roi de Hollande et frère cadet de Napoléon Ier, et de son épouse Hortense de Beauharnais. Il est donc à la fois le neveu et le petit-fils de l’ex-Impératrice Joséphine. Né prématurément au bout de 8 mois de grossesse, il fut longtemps considéré par son père comme le fils de l’un des amants d’Hortense. Sa lourdeur et sa lenteur, ainsi que son grand côté Beauharnais, feront dire aux mauvaises langues qu’il n’était pas un Bonaparte. D’ailleurs, le Roi de Hollande refusa d’assister à la naissance et resta à La Haye. Néanmoins, il est tout à fait possible que le jeune Louis-Napoléon soit bien un bébé prématuré. En tout cas, il fait la fierté de sa mère, toujours en deuil de son aîné, décédé l'année précédente.
Chétif, le bébé doit être trempé dans du vin et enveloppé de coton pour être ramené à la vie. Il est baptisé le 4 novembre 1810, plus de deux ans après sa naissance. Son parrain n’est autre que son oncle Napoléon Ier et sa marraine la nouvelle Impératrice, Marie-Louise. Enfant fragile, il est délaissé par son père, quasiment toujours absent. Quant à Hortense, elle l’aime tendrement mais, frivole, elle passe surtout son temps avec son amant, le Comte de Flahaut (fils naturel de Talleyrand), à qui elle donne un fils, le futur Duc de Morny. Louis-Napoléon est donc confié aux bons soins de Joséphine, à la Malmaison, en compagnie de son frère aîné, Napoléon-Louis. Doux et gentil, il est complaisant et dit oui à tout, ce qui lui vaut le gentil surnom donné par sa grand-mère, "Monsieur Oui-Oui".
Napoléon Ier avec ses neveux et nièces.
A la chute de l’Empire, c’est chacun pour soi dans le clan Bonaparte où Hortense n’est pas très appréciée. Avec l'aide de sa mère et afin d'assurer un avenir à ses fils, elle pactise avec l’ennemi et obtient, par le biais du Tsar Alexandre Ier, des avantages de la part de Louis XVIII. Il la titre Duchesse de Saint-Leu (quand son époux n’est que Comte) et autorise la famille à vivre à la Malmaison, même après le décès de Joséphine. Lors des Cent-Jours quand Napoléon Ier revient au pouvoir, il réprimande fortement Hortense pour ses amitiés monarchistes, mais il a tôt fait de pardonner à la seule personne restée près de lui quand Marie-Louise est, elle, repartie en Autriche avec l’Aiglon. Louis-Napoléon passe donc trois mois en compagnie de son oncle qui le fait sauter sur ses genoux, et en garde un excellent, mais vague, souvenir.
Lors de la seconde abdication de Napoléon Ier, Hortense et ses fils ne sont plus en sécurité, Louis XVIII n’ayant pas apprécié la double trahison de celle-ci. Un long exil commence alors. La Reine de Hollande se réfugie en Suisse, où elle achète la demeure d’Arenenberg, sur les bords du lac de Constance. Louis Bonaparte, qui considère Napoléon-Louis comme son seul fils, exige d'Hortense qu'elle lui envoie son aîné. Louis-Napoléon est très triste d'être séparé de son aîné.
Sa mère reporte toute son affection sur le seul enfant qui lui reste. L'éducation du jeune prince est très imparfaite (il a même un gros retard), elle se voit alors menacée par son mari de prendre aussi la garde de Louis-Napoléon. Hortense confie alors l'éducation du petit à Philippe Le Bas, fils du conventionnel Robespierriste qui s’était suicidé lors de la chute de l’Incorruptible, le 8 Thermidor. Louis fait rapidement de grands progrès, mais ne parvient pas à s’attacher à cet homme assez froid.
A 13 ans, il apprend avec chagrin la mort de son oncle Napoléon Ier, qu'il considère comme un modèle. Trois ans plus tard, c'est son oncle Eugène, frère d'Hortense, qu'il perd alors qu'il l'aimait beaucoup. Afin de le sortir de sa peine et d'une oisiveté qu'il estime nocive, Hortense emmène son fils avec elle à Rome (elle remercie au passage le précepteur de l'adolescent) et s'installe chez sa belle-sœur Pauline Borghèse, au Palais Ruspoli. Il y retrouve son frère et sympathise avec les Carbonari. Enfin, il rencontre le docteur Conneau, qui sera toute sa vie l'un de ses amis les plus fidèles.
Tandis que Louis-Philippe monte sur le trône de France, Louis-Napoléon et son frère combattent lors d'une révolution dans les états pontificaux. Hortense, très inquiète, obtient des papiers pour elle et ses fils, afin de rallier l'Angleterre. Son aîné meurt de la rougeole et il emmènent avec eux un ami du jeune homme, pour éviter d'éveiller les soupçons. Au passage, Hortense et Louis-Napoléon rencontrent Louis-Philippe, qui leur verse une rente de 900.000 livres promise par Louis XVIII lorsqu'il était Roi. De là, ils rejoignent Douvrent, où ils embarquent. En 1831, Louis reviens en Suisse. Il y apprend le décès de son cousin, l'Aiglon. Il collectionne aussi les aventures amoureuses, couvre ses conquêtes de cadeaux coûteux. Ces aventures, ainsi que les idées de liberté et d’unification de l’Italie qui germent dans l’esprit de Louis depuis son séjour à Rome, effrayent Hortense. Elle décide de lui trouver une « bonne petite femme ». Après plusieurs recherches, son attention se porte sur Mathilde, la fille de Jérôme Bonaparte et cousine de Louis. Les deux adolescents se plaisent et se tournent autour, on les fiance.
Louis a un tempérament rebelle et conspirateur. Amant un temps de la belle Eleonore Gordon, il s’allie avec l’autre amant de celle-ci, Victor Fialin de Persigny. Les deux amis mettent au point un complot pour que Louis-Philippe abdique et qu’ils restaurent l’Empire. L’idée est de s’allier les troupes armées de Strasbourg, ville autrefois fidèle à Napoléon Ier, et de là marcher sur Paris. Louis rompt ses fiançailles avec Mathilde pour se consacrer à son projet... et à sa maîtresse. Car Miss Gordon est également du complot et elle rallie le colonel Vaudrey, très remonté contre Louis-Philippe, à la cause du Prince. Hélas pour eux, Strasbourg est un échec total car la ville ne plus aussi bonapartiste qu’autrefois, et Louis-Napoléon perd en crédibilité. Louis-Philippe ne juge même pas utile de lui faire un procès. Hortense intercède en faveur de son fils qui peut traverser la France pour partir aux États-Unis, avec une bourse de 16.000 livres en or donnée par le Roi. Mais les États-Unis ne plaisent pas à Louis qui n’éprouve aucune estime pour les américains, qui le lui rendent bien.
Son retour en Europe se fait dans de douloureuses conditions. Début juillet 1837, Louis apprend que sa mère est rongée par un cancer. Elle souffre mais admet son sort avec dignité et appelle son fils pour qu’il vienne la voir avant sa mort. Louis embarque avec de faux papiers jusqu’en Irlande puis évite la France et arrive en Suisse. Il arrive à temps pour revoir Hortense qui lui conseille la prudence. Elle meurt le 5 octobre. Louis est effondré par cette perte : de sa famille, il ne lui reste qu’un père distant et des oncles peu affectueux. Il ne peut même pas suivre la dépouille de sa mère, car inhumée dans l’église de Rueil, sur le sol Français, où il est interdit de séjour.
Dès janvier 1838, il s'installe en Angleterre, où il est l’objet de toutes les curiosités. Il y fréquente de nombreuses comédiennes, dont la grande Rachel, qu’il met dans son lit. Hasard du destin ou signe prémonitoire, l’une de ses actrices peu farouches vivait dans une maison de Chileshurst nommée Camden Place, la même maison où il mourra trente-huit ans plus tard. De Londres, il mijote avec les fidèles Persigny et Conneau un nouveau complot : débarquer à Boulogne pour se rallier l’armée, puis marcher sur Calais, Lille et enfin Paris pour détrôner les Orléans. Tout un programme au service duquel Louis met les finances laissées par sa mère. Généreux, il ne lésine pas sur les dépenses et donne de l’argent, de l’alcool, des armes et des uniformes à tous ses complices. Mais comme Strasbourg, Boulogne est un échec cuisant qui a été tout simplement étouffé dans l’œuf. Louis n’a pas eu le temps de déployer son plan qu’ils étaient déjà tous arrêtés et condamnés, soit à la prison, soit à l’exil.
En 1840, Louis est condamné à la prison à perpétuité et incarcéré au fort de Ham, en Picardie, en compagnie de Conneau et Montholon. Il y entretient une relation avec Éléonore Vergeot-Camus, qui lui lave et lui repasse son linge. De cette liaison naîtront deux fils, tous les deux confiés aux soins d’Hortense Cornu, amie de Louis et qui seront adoptés plus tard par le mari d’Éléonore : Eugène-Alexandre-Louis, titré Comte d’Orx et Louis-Ernest-Alexandre, titré Comte de Labenne. A Ham, le jeune homme lit énormément et se penche sur plusieurs disciplines : économie, politique, sciences, social… Il écrit également plusieurs ouvrages dont entre autres Des idées Napoléoniennes et L’extinction du paupérisme. De plus en plus, Louis s’oriente vers une politique visant à réduire les inégalités entre les couches sociales. Petit à petit, les conditions du Prince s’adoucissent, mais il se lasse de cette détention dans un fort humide où sa santé s’altère et où il développe de nombreux rhumatismes. Un plan d’évasion se crée donc avec la complicité du Dr Conneau. Le fort est en ravalement et un plâtrier, Alphonse Pinguet, accepte de prêter à Louis les mêmes vêtements que lui : casquette, chemise, pantalon et blouse. Le 24 mai au soir, il fait savoir qu’il est malade et doit rester couché. Le manège dure tout le 25 mai et Louis profite d’une inattention des gardes pour partir tranquillement, une planche sur l’épaule, par la porte de sortie du fort. Personne ne voit quoi que ce soit jusqu’au soir, quand les gardes qui font leur ronde découvrent le subterfuge. Pour sa complicité, Conneau écope de nouvelles années de prison, mais il a réussi sa mission. Le 26 mai 1846, Louis-Napoléon est en Angleterre pour un nouvel exil.
Il fréquente la bonne société londonienne, les clubs, les champs de course et les salons mondains où il côtoie de jolies femmes qui lui ont beaucoup manqué en détention. Quand il apprend la maladie de son père et sa fin prochaine, il demande alors à Louis-Philippe l’autorisation de traverser la France pour retrouver son père et l’assister dans ses derniers moments. Faveur refusée suite à son évasion du Fort de Ham… Chez son amie Lady Blessington, Louis fait la rencontre d'Harriet Howard, une ancienne comédienne sans talent qui avait surtout fait carrière en vendant ses charmes. Elle vit depuis quelques années aux crochets d’un major des Life Guards à qui elle a donné un fils. Lorsqu’elle tombe dans les bras de Louis-Napoléon, le major, gentilhomme, s’efface poliment, sans pour autant cesser d’alimenter Miss Howard en argent. Cette vie de famille bourgeoise entre les amants, le fils d’Harriet et les fils que Louis a eus d’Éléonore Vergeot, dure 2 ans. Elle subvient aux besoins financiers de son amant qui, depuis Boulogne, est fauché comme les blés, puisqu’il a tout dépensé pour cette folle entreprise. Louis attend son heure, qui va arriver à la chute de Louis-Philippe, lors de la révolution de 1848.
Louis apprend la chute de la Monarchie de Juillet, mais il ne se précipite pas, il attend son heure. Lorsque la loi frappant d’exil les Bonaparte est abolie, il va à Paris, où ont lieu des élections législatives. Il se présente à l’Assemblée, y parle avec un fort accent Suisse et beaucoup de gaucherie. On se moque de lui, ce qui ne l'empêche pas d'être élu dans plusieurs départements. Des journaux bonapartistes commencent à apparaître, ainsi qu’une propagande favorable. Lors des élections présidentielles, il pose sa candidature. Personne n’aurait parié sur lui, pourtant le résultat est probant, puisqu'il est élu à une forte majorité. Louis devient le premier Président de la République. Dès lors, on l’appelle le Prince-Président. Il part pour un mandat de 4 ans non renouvelable.
Il s’installe à l’Élysée où il mène une grande vie, dépense des sommes folles et est couvert de dettes, souvent épongées par Miss Howard, qui l’a suivi en France et vit rue du Cirque, à Paris. A l’Élysée, celle qui tient le rôle de Première Dame, c’est sa cousine et ex-fiancée Mathilde, devenue depuis Mme Demidoff. Elle organise de nombreuses festivités et des bals, aussi bien dans le palais présidentiel que chez elle, rue de Courcelles, où elle présente à son cousin une jeune Andalouse, Eugénie de Guzman y Palafox y Portocarrero, Comtesse de Teba. La jeune fille plaît à Louis qui rêve d’en faire sa maîtresse. Il rencontre également son demi-frère Charles de Morny, un soir de janvier 1849. Leur entretien dure trois heures. Par la suite, Morny et le fidèle Persigny deviennent ministres.
Louis porte un nom connu et apprécié des Français, il représente le changement après la Monarchie de Juillet ainsi qu'une barrière contre le communisme. communistes, qui représentaient une grande part de la population française. Pour le gouvernement, ils représentent un danger et ne doivent plus avoir accès au pouvoir, et donc aux urnes. C’est la fin du suffrage universel. Le Prince veut continuer à appliquer son programme d'Etat populaire et social. A la fin de son mandat, il veut donc garder les rênes du pouvoir. Il propose de changer la loi pour rendre son mandat renouvelable, mais la demande est rejetée. Il opte alors pour un coup d'Etat, qui a lieu le 2 décembre 1851. Les députés et les têtes de la République sont arrêtés, exilés ou emprisonnés. En 1852, il organise un plébiscite où plus de huit millions de français se déclarent favorables au retour de l’Empire. Voulant perpétrer la continuité dynastique instaurée par son oncle, Louis devient l’Empereur Napoléon III.
Voulant réinstaurer la dynastie Bonaparte, Napoléon III sait qu'il doit se marier pour avoir un héritier. Il se renseigne sur les princesses européennes disponibles, mais toutes refusent. Il opte donc pour un mariage d'amour. Contre la Cour, l'avis populaire et sa famille, il choisit la Comtesse Eugénie de Teba, cette belle andalouse rencontrée chez sa cousine Mathilde. Le mariage civil a lieu le 29 décembre 1853 à l’Élysée et le mariage religieux se déroule le lendemain à Notre-Dame de Paris.
En 1855, l'Impératrice apprend qu’elle est enceinte. Elle met au monde un unique fils le 16 mars 1856 après une nuit d’intenses douleurs. Napoléon III est le très heureux père d’un petit Napoléon Eugène Louis Jean Joseph, qu’il visite plusieurs fois par jour et à qui il passe tous ses caprices. Il s’inquiète tout le temps pour son fils et souhaite l’entourer des meilleurs : un médecin pour enfant (ancêtre de nos pédiatres), une nurse anglaise et un excellent professeur d’équitation, rien n’est trop beau pour le Prince Impérial.
L'Empereur souhaite appliquer une politique sociale et égalitaire. Il a des idées profondément socialistes et souhaite instaurer des réformes afin de privilégier les classes les plus démunies. Il crée des hôpitaux, des hospices, des orphelinats, des organismes de crédits pour les plus pauvres, fait refaire à neuf l’Hôtel-Dieu, légalise le droit de grève, crée des maisons d’ouvriers, instaure des « fourneaux économiques » (ancêtres de nos Restos du Cœur, qui ont permis le service de plus d’un million-trois-cent-mille repas chauds), et des logements sociaux. Il reste toutefois limité par le gouvernement qui constitue le soutien de l’Empire et ne peut aller jusqu’au bout de ses projets.
Son règne coïncide également avec le développement rapide des voies ferrées, favorisant la création de plusieurs compagnies de rails. Napoléon III veut moderniser la France et fait construire nombre de gares, permettant ainsi aux villes de province d’être reliées au maigre réseau déjà existant. Ce développement ferroviaire, doublé à celui de l’industrie, a également permis celui de l’agriculture, les campagnes étant désormais accessibles. La production a augmenté de 25 %. La croissance est bonne, l’industrie, le commerce maritime et les télécommunications se développent grâce à la politique de libre échange menée par l’Empereur, et les crédits encouragent les initiatives. C’est aussi la période des grands magasins de Paris tels Le Bon Marché, le Printemps et la Samaritaine qui, de par leur concept nouveau, connaissent un essor incroyable durant les années 1860.
Le principal chantier du Second Empire, c'est Paris. Assisté du préfet Georges-Eugène Haussmann, Napoléon III prévoit le réaménagement de la capitale. Sale, peu éclairée, dangereuse, factrice de maladie et encombrée à cause de la hausse de la circulation et de la démographie, elle doit être refaite et repensée. Les deux hommes vont passer de longues heures ensemble pour travailler sur ce projet d'envergure. De vastes avenues sont percées, des égouts sont créés, on détruit de nombreux immeubles vétustes pour en faire 23.000 de plus, permettant ainsi de loger davantage de personnes. Durant vingt ans, la capitale est un énorme chantier, ce qui a pour conséquences de modifier la vie des parisiens – pas toujours en bien – et de susciter des modifications similaires dans les autres grandes villes de France comme Lyon ou Marseille. Dès cette période, des quartiers se créent : Auteuil ou Passy, plutôt aisés, à l'ouest, La Chapelle, La Villette, Belleville ou Charonne, plus populaire, au nord-est. De nouveaux villages sont ajoutés à la ville, lui donnant les 20 arrondissements actuels.
Des parcs inspirés de ceux de Londres, comme Montsouris, les Buttes-Chaumont, le Bois de Boulogne ou celui de Vincennes sont aménagés, des édifices monumentaux sont construits, comme le palais de l’Industrie (actuel Grand Palais), l’Opéra Garnier, les théâtres du Châtelet, de la Gaîté lyrique et du Cirque d’Hiver, des églises (Trinité, Saint-Augustin, Notre-Dame-des-Champs…), les mairies des arrondissements, la gare du Nord, les pavillons Baltard des Halles au cœur de la ville, des casernes et des établissements scolaires. Au final, ce chantier aura coûté près de huit-cent-trente millions de francs et suscité une montée de l’anti-bonapartisme. En effet, les nombreuses familles déplacées pour la construction de nouveaux logements, souvent ouvrières, ne peuvent pas racheter leurs biens, victimes de bulles spéculatives immobilières, les poussant à aller vers les quartiers les plus pauvres. Malgré tout le positif découlant du réaménagement de Paris, des dommages collatéraux ont été provoqués.
Napoléon III, qui avait sympathisé avec les carbonari durant sa jeunesse, souhaite désormais stopper leurs révoltes dans les régions occupées par l'Autriche. Son but ultime est de réunifier l'Italie. En représailles, un carbonaro, Orsini, organise un attentat contre le couple impérial. Le 14 janvier 1858, Napoléon et Eugénie se dirigent vers l’Opéra mais une fois sur place, un attentat surgit : 3 explosions à quelques minutes d’intervalle font quelques morts et beaucoup de blessés. Le couple impérial n’est pas blessé, à l’exception d’un petit éclat dans l’œil d’Eugénie qui pense déjà à aller secourir les victimes. Victor-Emmanuel II de Piémont-Sardaigne se lie à la France pour lutter contre l’Empire des Habsbourg. Les premières négociations débutent par voie politique entre Napoléon et Camillo Cavour à la station thermale de Plombières, où les bases de l’alliance se posent. La suite des négociations sera sentimentale. En effet, Victor-Emmanuel envoie la Comtesse Virginia de Castiglione auprès de l’Empereur. Elle est chargée de faire pencher la balance vers l’Italie, en le séduisant si besoin. Elle devient sa maîtresse.
En 1859, la guerre entre la France et le Piémont d'un côté et l'Autriche de l'autre éclate. Napoléon III part sur place et nomme son épouse régente. L’alliance franco-piémontaise remporte trois batailles, dont celles de Magenta et de Solferino. Toutefois, la boucherie engendrée par 16 heures de combats écœure l'Empereur, qui ne veut plus voir autant de gens mourir pour rien. A cette occasion, Henri Dunant crée la Croix-Rouge. Une partie de l’armée prussienne menace les frontières du nord-est. Napoléon III, qui veut éviter un nouveau massacre, se hâte d’envoyer une demande de trêve à François-Joseph, qui accepte. La Lombardie revient au Piémont, mais les autres régions restent à l’Autriche : les piémontais sont furieux et huent l’Empereur. Celui-ci rentre en France et retrouve sa femme, son fils et son gouvernement. En 1860 est signé le traité du rattachement de la Savoie et de Nice à la France. Napoléon III entame alors un voyage politico-social de Paris jusqu’à la Savoie, puis Nice, pour enfin passer par la Corse et finir par l’Algérie, en compagnie d’Eugénie.
Revenons un peu en arrière lorsque Napoléon n’est encore que le prisonnier de Ham. Il a des vues sur le Mexique, dont la monarchie s’est écroulée et où règne l’anarchie. Il aimerait exploiter ses richesses et, pourquoi pas, le faire devenir une importante plaque tournante commerciale entre le Nord et le Sud, telle une « nouvelle Constantinople ». En 1861, Benito Juarez prend le pouvoir au Mexique et José Hidalgo, qu’Eugénie avait rencontré 4 ans plus tôt, s’exile en France. Il convainc l’Impératrice de l’aider à y restaurer une monarchie chrétienne. Elle en parle avec son mari et avec l'ambassadeur autrichien Metternich, qui propose le projet à l'Archiduc Maximilien, celui-ci ayant perdu son trône. D'abord hésitant, il finit par se laisser convaincre. Son épouse, Charlotte de Belgique, y voit l'occasion de devenir Impératrice, au même rang qu'Eugénie ou sa belle-sœur Sissi.
La France, l’Angleterre et l’Espagne envoient des troupes à Veracruz afin de renverser Juarez et aider à l'installation du jeune couple impérial. Les mexicains voient mal ces anciens colonisateurs revenir chez eux. L’Angleterre et l’Espagne signent un accord avec Juarez, plient bagage et repartent. Napoléon III, lui, laisse ses troupes et continue de s'enliser dans une guerre vouée à l'échec. Mexico se rend, la monarchie est proclamée. Maximilien, de nouveau hésitant, cède à l'ambition de sa femme et accepte ce trône chancelant. Mais la situation dégénère : dette en hausse, image française très entachée, et instabilité politique totale. Les troupes françaises, censées protéger Maximilien, pactisent avec Juarez. En outre, Etats-Unis refusent toute intervention européenne sur le continent.
Napoléon III se résout à abandonner Maximilien. Charlotte embarque dans un bateau pour la France. Elle supplie l'Empereur de les aider, elle et son mari, mais il refuse. La France a été durement touchée financièrement par cette folle aventure mexicaine. Malade, il laisse le soin à Eugénie de renvoyer Charlotte d'où elle vient. Maximilien est exécuté le 19 juin 1867 et son épouse, devenue folle, rentre en Belgique. En France, l’opinion publique est négative, Napoléon III reçoit l’avis des Français qui jugent « l’Espagnole » coupable de tout.
La situation politique est tendue. Suite à l’affaire du Mexique et au début d’unification de l’Italie, la Prusse de Bismarck veut unifier l’Allemagne. Le Tsar Alexandre II est victime d’un attentat manqué et la visite de François-Joseph de Habsbourg est teintée du deuil de Maximilien. La presse française commence à s'opposer à l'Empire, de plus en plus décriée. On murmure à nouveau le mot République. La politique de l’Empereur change petit à petit. Eugénie n’est plus écoutée et Napoléon III remercie Haussmann. Le ministre en vogue est Émile Ollivier, qui déteste l’Impératrice et qui pousse l’Empereur vers une politique socialiste et libérale, loin des bases autoritaires du début du régime. L’image de l’Empire s’améliore un peu face à ces changements au point qu’un 5e plébiscite assure l’Empire, avec plus de 70 % de votes favorables.
La santé de Napoléon continue de décliner. En 1868, il a 60 ans mais il en paraît beaucoup plus. Affaibli par ses excès sexuels, les guerres et sa les mauvaises conditions de son enfermement à Ham, il souffre de la présence d'un calcul dans la vessie mais refuse toute intervention chirurgicale. Il est souvent « absent » à cause du laudanum qu’il prend pour soulager ses douleurs. Il faut même le maquiller tant il est pâle. Il a de plus en plus de mal à marcher, reste apathique et assis durant des heures dans son bureau, alternant périodes de fièvres et de grelottements en plein été. Il finit par accepter, sous la pression de son épouse, de céder son trône au profit de son fils en 1874 lorsque celui-ci sera majeur, mais les médecins estiment qu’il ne vivra pas assez longtemps pour cela. Mettant à profit son « temps libre », c’est-à-dire durant ses périodes douloureuses, l’Empereur rédige une Histoire de Jules César qui, historiquement parlant, de par le gros travail de recherche effectué, a une grande valeur, bien qu’il use de la préface pour rédiger une ode à l’Empire.
En juillet 1870, Isabelle II d’Espagne est renversée de son trône qui reste vacant. Otto von Bismarck propose alors la candidature du prince de Hohenzollern, étendant ainsi la puissance allemande. La Prusse du côté du Rhin et un prince prussien roi d’Espagne du côté des Pyrénées, la France serait alors prise en sandwich entre les deux et les Français n’apprécient pas du tout cette idée. Napoléon III veut éviter à tout prix une guerre, mais Bismarck provoque la colère des Français en envoyant le 14 juillet la Dépêche d’Ems : un message volontairement raccourci (et donc portant à confusion) qui quitte l’Allemagne en direction de l’Espagne et qui traverse la France. Bien que le Prince de Hohenzollern ait retiré sa candidature, le conflit éclate, soutenu par l'Impératrice, et ce malgré la santé désastreuse de l'Empereur. Le voyant sur son cheval, souffrant le martyr, Mathilde dira à Eugénie : « C’est cet homme-là que vous envoyez à la guerre ? ».
Le 27 juillet, Napoléon III et son fils, âgé de 14 ans, se préparent à partir. Le 28 juillet, un convoi militaire quitte la gare de Villeneuve-l’Etang pour aller vers Metz. L’Empereur est acclamé mais son regard vide en dit long : il sait déjà que ce sera un échec. La France n'est pas prête face à une Prusse suréquipée. Les casernes ne sont pas complète, la majorité des soldats n'a pas d'armes et on manque de vivres. Napoléon protège son fils du désastre en cours. L'adolescent, dans l'insouciance de sa jeunesse, est bien le seul à être heureux de ce conflit. Les défaites s'enchaînent. Fin août, l'Empereur renvoie son fils à Paris. Malgré la douleur, il chevauche des heures durant et cherche la mort sur le champ de bataille de Sedan, sans jamais la trouver. Le 2 septembre, la défaite est officielle et Napoléon III se rend pour épargner ses hommes. Deux jours plus tard, l'Empire s'écroule et laisse place à la IIIe République.
Napoléon est constitué prisonnier de guerre avec ses soldats au château de Wilhelmshöhe près de Cassel. Il n’est plus qu’un vieillard abattu et dont la santé a encore diminué. Fin octobre, il obtient l’autorisation de recevoir une visite d’Eugénie. Avec la fin de leur monde, les ennuis, la guerre et la séparation, les deux époux se sont rapprochés, Eugénie a pardonné les innombrables tromperies de son mari et c’est en tombant dans les bras l’un de l’autre, en pleurant, qu’ils se retrouvent le 30 octobre. L’ex-Impératrice donne des ordres pour que l’on s’occupe bien de son époux puis repart début novembre. Dès lors, une touchante et très tendre correspondance lie les deux époux. Suite à la capitulation de la France face à la Prusse, et après un an de détention, Napoléon et ses anciens soldats sont libérés en mars 1871. Il retrouve sa femme et son fils le 19 du même mois.
Commence alors une petite vie calme et bourgeoise à Camden Place, la maison achetée par Eugénie en Angleterre. L’ex famille impériale vit à l’écoute de la situation en France. L’Empire semble être regretté, la République bat de l’aile, des espions Français rôdent autour de la maison et les bonapartistes investissent les lieux pour tenter de remonter un parti, de convaincre Napoléon de revenir sur le trône.
Même s’il connaît un mieux durant l’année 1872, ce n’est que de courte durée. A la fin de l’année, sa santé s’amenuise et les médecins décèlent une pierre de la taille d’un œuf de pigeon logé dans la vessie du vieil homme. Décision est prise d’opérer en janvier 1873. La première opération se déroule très bien, Napoléon fait preuve d’un grand courage face à la douleur. Les deux suivantes sont un succès et une grosse partie du calcul est enlevée, mais ce n’est pas suffisant. Une quatrième opération est prévue.
Eugénie doit partir voir son fils à son école de Woolwich mais elle revient sur sa décision sur les conseils du Docteur Conneau, éternel ami de Napoléon : l’Empereur se sent mal et vient d’avoir un malaise. Ses reins ne fonctionnent plus correctement depuis des années et ne filtrent plus le sang qui a fini par se vicier. Dans un soupir, il demande : « n’est-ce pas que nous n’avons pas été des lâches à Sedan ? ». Tombant dans un coma, il meurt le 9 janvier 1873 à 10h45, à Camden Place, sans avoir revu son fils.
Il est inhumé dans la petite chapelle Saint Mary de Chilshurst avant que son corps ne soit définitivement placé aux côtés de son épouse et du Prince Impérial dans la chapelle Saint Michel de Farnborough Hill.