Kisokaidô: Karuizawa - Etape 18

軽井沢

Utagawa Hiroshige - Série des 69 étapes du Kisokaido: Karuizawa (19ème estampe) (Karuizawa)

(Ré-édition des années 1950 par Kyoto Hanga sous la direction de Narazaki Muneshige, la plus fidèle à la première édition)

Karuizawa était une étape importante de l’autre coté du col et la première dans la province de Shinshu à 37 ri 13 cho de Nihonbashi (145km). Mais nous sommes ici à l’extérieur du village et les toits de chaume (1) sont visibles au loin. C’est l’automne après la récolte. Un paysan brûle du foin et deux voyageurs s’arrêtent pour allumer leurs pipes. C’est une vue nocturne, parmi les meilleures de Hiroshige. La lampe (2) du cavalier qui illumine sa silhouette par en-dessous, apporte du relief au personnage de façon innovante. Sur la lampe est inscrit “いせり" (Iseri), nom de l’éditeur Iseya Rihei. Le dessin de la sangle du cheval (3) reprend en partie l’emblème de l’éditeur (林). Dans le fond, le Mt.Asama, un volcan domine la scène.

Dans la série du Tokaido, il n’y avait que deux vues nocturnes, mais suite à leurs succès, Hiroshige en incorporera plusieurs dans la série du Kisokaido. Le sceau carré (5) se lit d’ailleurs « Tokaido », sans doute pour relier les deux séries et capitaliser sur le succès de la première. Les premières éditions portent dans la marge le sceau de Hoeido, mais celui-ci disparait rapidement. Ensuite les gradations des toits de chaume (1) et celles des flammes (4) sont de moins en moins bien réalisées, comme dans la seconde édition (original du British Museum) ci-contre.

Le sceau (5) sous la signature de Hiroshige se lit "Tokaido" et fait référence à la série du même nom qui eut tellement de succès. Un clin d'oeil d'auto-publicité. Le même sceau se retrouve sur l'estampe Sekigahara, étape 58. Ces estampes sont sans doute les premières que Hiroshige ait faites après le départ d'Eisen et permet de justifier la reprise de la série.

Karuizawa vu du col vers 1870

Et maintenant ?

L'endroit qui s'appelait d'abord Karuisawa se trouve en fait à deux ou trois km de la station qui est située à l'entrée ouest du col de Usui. Karuisawa-shuku était la plus florissante de toutes les stations au long du Nakasendō, avec cinq honjin et honjin secondaires en plus de plus de cent autres installations pour les voyageurs. Le village s'étalait le long de la route et une photo de 1870 nous en montre les alentours. Durant la période Edo, le relais comptait des centaines de meshimori onna (飯盛女), femmes employées par le Shōgun pour servir à manger aux voyageurs. La campagne autour a peu changé comme le prouve une photo prise aujourd’hui là où Hiroshige a placé son estampe.

Karuizawa aurait pu devenir une autre ville-étape endormie, mais vers 1890, Karuisawa devint populaire auprès des missionnaires occidentaux qui voulaient échapper aux chaleurs de Tokyo. A Karuizawa, il faisait frais, c’était à la fois agréable et authentiquement japonais. Des églises et autres bâtiments « modernes » furent construits, puis une gare avec à l'étage un salon d'apparat pour la famille impériale (voir photo) qui mit Karuizawa à 2h de Tokyo. Il devint alors très chic d’aller y passer le week end ou même tout l’été, de s’y retrouver pour jouer au tennis ou au golf, et plus récemment pour skier. La rue principale en 1920 nous montre les premières voitures et des maisons à l'occidentale. Après les étrangers, les japonais aisés s’y firent construire des résidences secondaires dans le style occidental et encore maintenant dans des styles très modernes. Karuizawa devint encore plus populaire à la fin des années 1950 quand le prince héritier (l’empereur actuel) rencontra sa future épouse au club de tennis local. Ensuite les épreuves d’équitation des Jeux Olympiques de 1964 s’y déroulèrent ainsi que la compétition de curling des Jeux de Nagano de 1998 (la seule ville ayant eu des épreuves des jeux d’été et d’hiver).

Aujourd’hui Karuizawa est une ville « à la mode » avec des magasins de luxe dans sa rue principale, appelée Karuizawa Ginza du nom de l’avenue commerçante principale de Tokyo. Le coté négatif est la destruction des bâtiments anciens, remplacés par de nombreux bâtiments de style occidental avec des faux colombages et il ne reste à présent que peu de structures du passé. En se promenant dans Karuizawa, on n'est pas tout à fait au Japon……

Paul Jacoulet (1898-1960), artiste français arrivé au Japon à l’âge de trois ans s’installa à Karuizawa en 1944 après la destruction de sa maison dans les bombardements de Tokyo. Il y restera jusqu’à sa mort. Il est connu pour ses portraits des habitants des iles de Mélanésie, mais surtout pour avoir parmi les estampes les plus compliquées, avec de nombreux blocs de bois, des dégradés de couleurs et des fonds de mica. les trois estampes ci-dessous sont représentatives de son travail. Celle de gauche est sa première estampe, après son premier voyage dans les iles. Celle du milieu représente la geisha Kiyoka tenant dans ses mains cette première estampe. Celle de droite, la dame de jade est plus tardive et beaucoup plus complexe dans ses ornements et le dessin du fond.

Karuizawa: L'endroit de l'estampe de Hiroshige a peu changé

La gare de Karuizawa en 1923

Noter les grandes fenêtres du salon d'apparat à l'étage

L'Hotel Mikasa: Le premier hotel de Karuizawa (1906)

La rue principale de Karuizawa vers 1925

La rue principale de Karuizawa en 2010

Une villa des années 1920

Villa "Shell House" de Ide Kotaro 1994

Intérieur de Shell House (1994)

Paul Jacoulet - Jeune fille de Saipan (1934)

Paul Jacoulet - La geisha Kiyoka (1935)

Paul Jacoulet - La dame de jade (1940)

Ito Shinsui - L'arrivé du printemps à Karuizawa (1947)