Les 69 étapes

La série d'estampes de Eisen et Hiroshige

Publiée à partir de 1835, elle comprend 71 estampes: les 69 étapes, le point de départ le pont Nihon-bashi et l'étape Natsugawa (No.45) qui est dupliquée. Eisen en fit 24 et Hiroshige 47.

Je suis redevable à l'ouvrage "The sixty-nine stations of the Kisokaido" de Sebastian Izzard, publié chez Brazilier, New York en 2007 pour les commentaires des planches que j'ai traduits et adaptés.

A la suite du succès de la série des 53 étapes du Tokaido de Hiroshige, Takenouchi Magohachi, propriétaire des éditions Hoeido demanda à Keisai Eisen (1790-1848) d'illustrer une série d'estampes sur la seconde route, le Nakasendo ou Kisokaido. Il commenca par faire les étapes dans l'ordre au départ de Nihon-bashi jusque Honjo, la 10ème étape. Ensuite, il semble qu'il se soit ennuyé et a commencé à choisir les sujets des 13 estampes suivantes. Le titre de la série n'est pas encore fixé: La première a comme titre "Kisokaido tsuzuki no ichi" (Première d'un ensemble d'images de la route de Kiso), 15 estampes portent le titre "Kisokaido" (Route du Kisokaido); 4 sont titrées "Kisoji no eki" (Les stations de la route du Kisokaido) et 2 "Kisokaido dochu" (Au long de la route du Kisokaido).

Les deux dernières estampes qu'il a sans doute réalisées (Itahana et Sakamoto) ne sont pas signées et ont été attribuées à Eisen, même si les titres semblent être de la main de Hiroshige et ont le titre définitif de la série "Kisokaido rokujukyutsugi no uchi" (Les 69 étapes de la route du Kisokaido) sur le modèle de la série du Tokaido.

On ignore pourquoi Eisen arrêta la série, sans doute voulait-il retourner à ses images des jolies filles et la vie dans les quartiers réservés, peut-être a t-il été congédié par l'éditeur car il était notoirement difficile et souvent ivre. Toujours est-il que Hiroshige fut employé à sa place en 1835-1836 et il commenca par achever les 2 estampes en cours. Ensuite il fit l'estampe Takasaki (No.13), la seule qui porte le sceau unique de Hoeido.

Page de titre de la série des 69 étapes du Kisokaido

Hoeido dût rencontrer alors des difficultés financières et vendit une partie des droits aux éditions Kinjudo de Iseya Rihei. 3 estampes portent les sceaux des 2 éditeurs (Karuizawa (No.18), Fukushima (No.37) et Toriimoto (No.63)). Mais les problèmes financiers de Hoeido persistèrent et il dut vendre la totalité des ses droits à Kinjudo en 1836. Hiroshige travailla alors sur 23 estampes, sans doute les plus belles, s'arrêta 3 à 4 ans, puis finit la série en 1842 avec les 20 dernières estampes, moins bonnes que les précédentes.

Lors des impressions ultérieures, la signature de Eisen a été enlevée ainsi que les références à Hoeido et c'est le sigle des éditions Kinjudo qui apparaît. Mais en 1843, Kinjudo transferra les droits à un autre éditeur, Yamadaya Shotaro dont le sigle apparait dans les versions postérieures.

Keizai Eisen (1790-1848)

Keisai Eisen est né à Edo (Tokyo) dans une famille de samouraï appelé Matsumoto, lié au clan Ikeda. Il perdit son père à 20 ans et comme son allocation de samouraï ne suffisait pas pour nourrir ses sœurs, il renonça à son statut et commença à écrire pour gagner sa vie. Il écrivait surtout de la littérature galante sous différents noms de plume et le nom de Keizai Eisen apparut en 1816.

En parallèle, il fréquenta une école d'art de style Kano, puis travailla dans l'atelier de Kikugawa Eizan (1787-1867), spécialiste de dessins de "bijin" ou jolies filles. Mais c'est là qu’Eisen apprit aussi l'art du paysage. Il eut beaucoup de succès car il combinait les images de femmes avec de beaux paysages et un sens développé de la couleur. C'est sur la vague de ce succès que Hoeido lui confia la série du Kisokaido.

Ando Hiroshige (1797-1858)

Ando Hiroshige, de son vrai nom Andō Tokutaro, nait à Edo, où son père, samouraï de basse caste était responsable d’une brigade de pompier. Cette charge était héréditaire et peu avant son décès en 1809, son père la lui transmet. Hiroshige avait alors 14 ans. Les revenus de cette charge lui permirent de s’adonner à sa passion : le dessin.Tout d’abord, il rejoint l’école Kano avec Okajima Rinsai (1791-1865), puis essaie de d’entrer dans l’école de Utagawa Toyokuni (1769-1825), mais il n’y avait pas de place et est accepté dans l’atelier de Utagawa Toyohiro (1773-1828) avec qui il apprit l’art du paysage. En 1812, on lui conféra le nom de Utagawa Hiroshige et à la mort de son maître, il reprit l’atelier sous le nom de Toyohiro II où il se consacra surtout aux portraits : acteurs, femmes, guerriers.

Mais les paysages étaient à la mode et en 1831, il fit une première série : Lieux célèbres de la capitale de l’Est (Toto Meisho).

Chaque année, le shogun faisait cadeau à l’empereur de chevaux et une délégation allait à Kyoto pour les présenter. En 1832, Hiroshige accompagne à Kyoto cette délégation. Chemin faisant, il réalise beaucoup de croquis et à son retour, propose à son éditeur Senkakudo de réaliser une série de 55 estampes. Celui-ci recule devant le coût de cette publication et propose la série à Hoeido, dont le nom est associé à cette édition. Cette série est un immense succès et Hiroshige réalisera plusieurs autres séries du Tokaido, mais aucune ne sera du même niveau.

En 1835, Hoeido lui demanda de reprendre la série du Kisokaido qu'avait commencé Eisen. Hiroshige continuera toute sa vie à réaliser des séries de paysage du Japon, mais surtout d'Edo. Sa dernière série fut les 100 vues célèbres de Edo, publiées en 1857-1858. Au cours de sa vie, il réalisa environ 5400 estampes.

Hiroshige ne fit pas lui même le chemin de Edo à Kyoto par la route du Kisokaido. Il tira ses dessins de plusieurs sources et autres guides de voyage qui avaient été publiés entre 1805 et 1835. La source qu'il a le plus utilisée est un livre en 7 volumes et 6 tomes appelé "Kisoji Meisho Zue" ou album illustré des lieux célèbres de la route du Kiso, écrit par Rito Akisato, illustré par Nishimura Chuwa et publié en 1805. Une seconde édition plus abordable fut publiée en 1814 et il semblerait que ce soit celle-ci dont Hiroshige s'est inspiré. Ce livre est une merveille, donne des conseils aux voyageurs et les estampes en noir et blanc ont une finesse de détail extrême. Vous en trouverez quelques exemples issues de l'exemplaire de l'Université de Saitama dans les pages d'étape (Nihonbashi No.00, Mieiji No.55, Toriimoto No.63,.....

Sketchbook de Hiroshige (1848) (Collection du British Museum)

Liste des 69 étapes du Kisokaido

La liste des 69 étapes du Kisokaido (70 estampes avec le point de départ) avec indication de l'artiste dans la série Hoeido de 1840, Eisen (英泉) et Hiroshige (広重) comme artistes.

Une page spéciale a été rajoutée dédiée à la bataille de Sekigahara (entre étapes 58 et 59). L'étape Nakatsugawa (No.45) est illustrée par deux estampes d'Hiroshige.

Le mot 宿 shuku (ou juku) signifie relais ou étape.

01. Nihon-bashi 日本橋 Eisen

01. Itabashi-shuku 板橋宿 Eisen

02. Warabi-shuku 蕨宿 Eisen

03. Urawa-shuku 浦和宿 Eisen

04. Omiya-shuku 大宮宿 Eisen

05. Ageo-shuku 上尾宿 Eisen

06. Okegawa-shuku 桶川宿 Eisen

07. Konosu-shuku 鴻巣宿 Eisen

08. Kumagaya-shuku 熊谷宿 Eisen

09. Fukaya-shuku 深谷宿 Eisen

10. Honjo-shuku 本庄宿 Eisen

11. Shinmachi-shuku 新町宿 Hiroshige

12. Kuragano-shuku 倉賀野宿 Eisen

13. Takasaki-shuku 高崎宿 Hiroshige

14. Itahana-shuku 板鼻宿 Eisen

15. Annaka-shuku 安中宿 Hiroshige

16. Matsuida-shuku 松井田宿 Hiroshige

17. Sakamoto-shuku 坂本宿 Eisen

18. Karuizawa-shuku 軽井沢宿 Hiroshige

19. Kutsukake-shuku 沓掛宿 Eisen

20. Oiwake-shuku 追分宿 Eisen

21. Odai-shuku 小田井宿 Hiroshige

22. Iwamurata-shuku 岩村田宿 Eisen

23. Shionada-shuku 塩名田宿 Hiroshige

24. Yawata-shuku 八幡宿 Hiroshige

25. Mochizuki-shuku 望月宿 Hiroshige

26. Ashida-shuku 芦田宿 Hiroshige

27. Nagakubo-shuku 長久保宿 Hiroshige

28. Wada-shuku 和田宿 Hiroshige

29. Shimosuwa-shuku 下諏訪宿 Hiroshige

30. Shiojiri-shuku 塩尻宿 Eisen

31. Seba-shuku 洗馬宿 Hiroshige

32. Motoyama-shuku 本山宿 Hiroshige

33. Niekawa-shuku 贄川宿 Hiroshige

34. Narai-shuku 奈良井宿 Eisen

35. Yabuhara-shuku 藪原宿 Eisen

36. Miyanokochi-shuku 宮ノ越宿 Hiroshige

37. Fukushima-shuku 福島宿 Hiroshige

38. Agematsu-shuku 上松宿 Hiroshige

39. Suhara-shuku 須原宿 Hiroshige

40. Nojiri-shuku 野尻宿 Eisen

41. Midono-shuku 三留野宿 Hiroshige

42. Tsumago-shuku 妻籠宿 Hiroshige

43. Magome-shuku 馬籠宿 Eisen

44. Ochiai-shuku 落合宿 Hiroshige

45. Nakatsugawa-shuku (I & II) 中津川宿 Hiroshige

46. Oi-shuku 大井宿 Hiroshige

47. Okute-shuku 大湫宿 Hiroshige

48. Hosokute-shuku 細久手宿 Hiroshige

49. Mitake-shuku 御嶽宿 Hiroshige

50. Fushimi-shuku 伏見宿 Hiroshige

51. Ota-shuku 太田宿 Hiroshige

52. Unuma-shuku 鵜沼宿 Eisen

53. Kano-shuku 加納宿 Hiroshige

54. Godo-shuku 河渡宿 Eisen

55. Mieji-shuku 美江寺宿 Hiroshige

56. Akasaka-shuku 赤坂宿 Hiroshige

57. Tarui-shuku 垂井宿 Hiroshige

58. Sekigahara-shuku 関ヶ原宿 Hiroshige

59. Imasu-shuku 今須宿 Hiroshige

60. Kashiwabara-shuku 柏原宿 Hiroshige

61. Samegai-shuku 醒井宿 Hiroshige

62. Banba-shuku 番場宿 Hiroshige

63. Toriimoto-shuku 番場宿 Hiroshige

64. Takamiya-shuku 高宮宿 Hiroshige

65. Echigawa-shuku 愛知川宿 Hiroshige

66. Musa-shuku 武佐宿 Hiroshige

67. Moriyama-shuku 守山宿 Hiroshige

68. Kusatsu-shuku 草津宿 Hiroshige

69. Otsu-shuku 大津宿 Hiroshige

Ai no shuku

Il y avait des aires de repos entre certaines étapes, appelées "ai no shuku" (間の宿) ou étape intermédiaire quand la distance entre 2 étapes était trop longue ou les difficultés trop importantes. N'étant pas officielles, les voyageurs n'étaient pas autorisés à y passer la nuit.

Il y avait 3 "ai no shuku" ou étapes intermédiaires sur le Nakasendo:

- Fukiage-shuku (茂吹上宿): entre Konosu (7) et Kumagai (8)

- Motai-shuku (田井宿): entre Mochizuki (25) et Ashida (26)

- Shinkano (新加納宿): entre Unuma (52) et Kano (53)

Honjin et Waki-honjin

Les honjin (本陣) ou relais officiels étaient initialement des lieux d'où les généraux dirigeaient les batailles qu'ils menaient ; il s'agissait donc par essence de structures temporaires.Ensuite ces honjin en vinrent à évoluer vers des lieux où les daimyo et les autres représentants du shogun se voyaient autorisés à séjourner durant leurs voyages. Beaucoup de honjin étaient de fait les résidences personnelles de chefs de village ou de ville. En tant que tels, ils accueillaient les envoyés officiels du gouvernement, et développèrent leurs résidences en conséquence. En reconnaissance de leur coopération, les propriétaires de honjin bénéficièrent également de privilèges spéciaux. Les voyageurs ordinaires n'étaient pas autorisés à séjourner dans les honjin, et ceci, quelle que soit leur situation de fortune.

Les Waki-honjin (脇本陣) ou relais secondaires ou annexes étaient eux réservés à l'entourage du seigneur et aux officiers.

Les voyageurs ordinaires descendaient dans des auberges ou hatago (旅籠) qui avaient des chambres et servaient les repas.

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