Montserrat Abelló et Soler
Montserrat Abelló i Soler (Tarragona, 1918 - Barcelona, 2014) est une voix reconnue et indispensable dans le panorama poétique catalan contemporain.
Née dans la rue Apodaca, numéro 23, elle a vécu dans différentes villes en dehors de la Catalogne (Cadix, Londres, Cartagena) lors des déplacements de son père qui était ingénieur naval. Elle a passé la Guerre Civile à Barcelone enseignant anglais et faisant d'interprète pour certains membres des Brigades Internacionales. En 1939, à la fin de la guerre, elle a dû fuir avec son père en France puis en Angleterre. De Londres, où ils ont vécu le début de la deuxième guerre mondiale, ils sont partis en exil au Chili. Là-bas elle a connu Domènec Guansé, Joan Oliver et Pablo Neruda. Elle y est restée vingt ans. En 1960 elle est retournée à Barcelone.
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Poétesse, traductrice, mère, rebelle, elle a pris la défense du rôle de la femme du pays. Elle a commencé tard à écrire. Il faudrait souligner les volumes Au cœur des mots qui contient l'œuvre poétique de 1963-2002, Vie quotidienne (1963) Indices d'autres moments (2002), Mémoire de toi et moi (2006), en guise d’exemples. Elle a traduit des auteures reconnues comme Sylvia Plath et Anne Sexton ses contemporaines. Le Prix d’Honneur des Lettres Catalanes (2008) et le Prix National de Culture (2008) montrent, entre autres récompenses, la reconnaissance à une poétesse centrée sur le temps qui passe et sur la force de la quotidienneté et de la féminité. Elle a été déclarée fille de prédilection de la ville en 2015.
L’auteure fait revivre son introspection à travers la force de la parole directe. Elle lui insuffle un vécu émotif qui tient compte de la distance temporelle grâce aux souvenirs d’une intensité telle qui les fait revenir à chaque instant. Montserrat Abelló utilise la parole pour s'exprimer. Sa lutte et sa fermeté sont des exemples d’une liberté individuelle et collective, en tant que femme et en tant que catalane.
I DINS MEU UNA VEU EM DIU
I DINS MEU UNA VEU EM DIU
I dins meu una veu em diu:
vine amb mi a contemplar
com són les paraules per dintre,
a sentir el pols de les coses.
I llavors penses en aquells
que estimes i amb qui has
conviscut al llarg dels anys
i encara no coneixes
–mirades que fugen,
pensaments tancats, potser
només desclosos en moments
fugaços o en la intensitat
del desig.
Però mai a dins,
sempre a la vora del torrent
de silencis o de paraules;
sempre a punt i amatent,
però sense saber, sense saber.
I dins meu una veu em diu, 1990
RETOUR
RETOUR
Certe, j'ai vécu dans d'autres provinces
aux horizons serrés
de très hautes montagnes nues
et une mer froide et vaste.
Mais bien que les montagnes et la mer
et les nuages se répétaient
géographie sur géographie,
fleur sur fleur,
et nuage sur nuage,
dans une litanie infatigable,
et nous y restions figés
au pied de la pierre,
la mémoire n'est pas pour autant atténuée
de ton sang, ton sang noir,
qui coule sous le figuier
et les criques verdoyantes,
et qui s'arrêta au pied du bateau.
La haute montagne était un grand rideau
qui ne laissait pas voir
l'échelle à main au fond de la scène,
les projecteurs violents,
les trapèzes, la corde suspendue.
Assise de dos à la montagne,
je contemplais la mer
et la main
toujours la main vivante des hommes et des femmes.
Mais juste au moment où le rocher se détache,
accablé par le poids de la neige,
ou juste comme la corde détache la barque
par l'élan trop fort de la vague,
mon retour était donc inévitable.
Et maintenant, ici, replantée
sur cette terre assoiffée,
je vous ai vu passer,
vous tous.
C'est pourquoi je cherche des chemins maintenant,
l'ombre des arbres, l'ombre sombre
contre les maisons blanches.
Et ainsi, abritée,
J'entends le son de votre parole et de la mienne.
Comme l'eau qui imprègne
le mur sombre,
vert mousse et lentement;
elle se transforme en une seule goutte claire.
Et maintenant, assise
sur le seuil de ma maison,
je suis avec vous.
La vie quotidienne, 1963, réédité en 1981
NO HEM PARLAT DE RES
NO HEM PARLAT DE RES
No hem parlat de res,
ens hem assegut mirant-nos.
La primavera era
un espai somort
vora un estiu
que tot just començava.
No hem parlat de res.
La maduresa
dels nostres esguards
era ben plena
de paraules.
L’esfera del temps, 1998
SABER QUE HA ARRIBAT
LA NIT ESTRELLADA
LA NIT ESTRELLADA
The starry night
That does not keep me from having a terrible need
of -shall I say the word – religions. Then I go out
at night to paint the stars.
Vincent Van Gogh in letter to hsi brother
The town does not exist
except where one blsck-haired tree slips
up like a drowned woman into the hot sky.
The town is silent. The night boils with eleven stars.
Oh starry starry night! This is how
I want to die.
It moves. They are all alive.
Even the moon bulges in its orange iron
to push children, like a god, from its eye.
The old unseen serpent swallows up the stars.
Oh starry starry night! This is how
I want to die:
into that rushing beast of the night,
sucked up by that great dragon, to split
from my life with no flag,
no belly.
No cry.
Anne Sexton
La nit estrellada
Això no m’impedeix de tenir una necessitat
terrible de - vols que hi digui - la religió.
Llavors surto a la nit a pintar les estrelles.
Vicent Van Gogh en una carta al seu germà
La ciutat no existeix
només on un arbre de cabellera negra llisca
amunt com una dona ofegada cap un cel ardent.
La nit és silenciosa. La not bull amb onze estrelles.
Oh nit, nit estrellada! Així és com
em vull morir.
Es mou. Són totes vives.
Fins la lluna es reinfla en els seus grillons taronja
per empènyer criatures, com un deu, des del seu ull.
La vella serpent mai vista s’empassa les esrelles.
Oh nit, nit estrellada! Així és com
em vull morir:
dins d’aquella bèstia furient de la nit,
xuclada per aquell gran dragó, per desprendre’m
de la meva vida sense ni bandera,
ni ventre,
ni crit.
Traduït per Montserrat Abelló
Al cor de les paraules. Obra poètica, 1963-2002, 2002