Isabel M. Ortega et Rion

Isabel M. Ortega Rion (Tarragone, 1955) est une écrivaine de Tarragone qui a travaillé comme professeur de langue et littérature catalane à l'Institut Esteve Terrades de Cornellà de Llobregat. Diplômée en psychologie et philosophie, elle a collaboré au séminaire Philosophie et Genre de l'Université de Barcelone où elle a étudié l'œuvre de Simone Weil, dont elle a traduit le recueil d'articles “Escrits sobre la guerra” (1997). En 1994, elle a publié le roman “Viatge d’anada”. En poésie, elle a publié “Enfilall” (XXII Prix Comas i Maduell Ville de Tarragone, 2002), “Runa plena” (2004), “Nòmada” (2009), “Medusa” (2013) et “Cues de sargantana” (2019). Elle a participé à plusieurs publications de groupe/collectives et a donné des récitals en groupe et en solo.

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De la poésie de l'auteur, Olga Xirinacs a dit : « Elle a le don de s'exprimer librement et de contenir des idées dans la nécessaire condensation du vers. Chose difficile chez les poètes, la condensation du mot, mais joie quand le jeu littéraire permet d'exprimer des idées avec des mots justes, précis, toujours nouveaux pour la même combinaison de plénitude, de beauté et de souci du détail. »

Dans des œuvres structurellement bien pensées, Ortega a exploré divers registres et paysages. Il nous propose de suivre à travers les poèmes des itinéraires personnels d'un soi poétique qui n'impose pas sa voix, mais la partage avec les lecteurs; elle nous parle souvent depuis le dédoublement - dans des personnages de la mythologie classique ou d'autres domaines, des différents moi de l'auteur - du passage du temps, des souvenirs qui nous façonnent, de l'existence. Artisane des mots, qui domine et s'harmonise avec l'imaginaire, elle nous fait ressentir la puissance des mots et leur pulsation furieusement vitale.


Traduction: Jennifer Esteban

Au bord de la mer

Au bord de la mer


Ma ville sent les écailles de chinchard,

elle a la couleur du vieux miel ou de la noisette tendre,

et de la mer elle reçoit toujours le baiser d'argent.

Mon village est toujours la femme qui étend son linge

et elle se console avec des chansons et rouspète et travaille

comme une vieille femme, mais au cœur de boléro.

J'ai vu les dernières charrettes, les premières automobiles ;

J'ai vu comment ils ont anéanti les récoltes près de la rivière.

Le long du fleuve pousse du ciment qui s'élève contre les nuages,

avale les soirs et allume des lanternes hautaines.

Menace ma ville d’une robe sauvage de cosmopolitisme. 

C'est si simple d'être riche et moderne si nécessaire! 

Il suffit d'abandonner...

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sa propre matière, vendre le rythme du cœur

pour une poignée de hâte qui guidera incessante

une montre de marque. Cependant, mon village a

le touché velouté de la vieille poussière des vieux livres

et le regret d'un passé qui soudain surgit et crie

contre les voix qui mènent à un futur mimétique.

Et moi qui ai renoncé au vieux provincialisme

fuyant vers le plus nouveau des mirages du présent,

Je retiens le soir d'un automne larmoyant

et avec le son des cloches qui accompagne en silence

les rues pavées où le temps s'arrête.

Je retiens l'argile des vieilles façades,

la pêche assaisonnée, la mémoire embellie

qui se moque, des temps nouveaux, 

parce qu'un chat miaule,

car la pluie revient et les pigeons s'abritent

à l'abri de quelques marches qui dérangent les choses

la marche cadencée des moments inaccessibles.

Parce que le temps s'arrête parfois dans ma ville.


Escalade, 2002


REPRODUCCIÓ EN PEDRA DEL CAP DE MEDUSA

REPRODUCCIÓ EN PEDRA DEL CAP DE MEDUSA



La paraula va esculpir la pedra. 


Continuo vetllant la ciutat destruïda 

i retinc el secret de deus i demiürgs,

de l’horror silenciat, 

del desvari sinistre dels herois. 


He estat monstre, enemiga, victòria

saquejada, assassina abatuda. Però 

la mort no és finir, és restar confinada 

a la llinda del temps, forastera. 

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Mireu-me sense por, només sóc màscara. 

Els meus ulls no fereixen sinó en el mirall 

on cadascú s’observa: soc mite i soc enigma. 


Ara la pedra cisella les respostes.



Medusa, 2013



TATUIC

TATUIC


La ciutat capgirada als tolls d’aigua de pluja 


sembla un mirall: senàçaf, sedànoclab. Tot llum 

contra la nit, estrelles com fanals d’unes barques 

que llisquen per la rada. Tot remor com de mar


adormida. Voldria capbussar-m’hi, abraçar 

l’aigua amiga, dissoldre’m, ser la bombolla d’aire 

que pobla un trajecte silenciós. Tot baf, 

tot lleugeresa 

                   com un somni sense somnis.

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M’hi veig mirant amunt, que miro avall, que soc

cos d’aigua, peix i ocell, sirena urbana, 

i sento aquesta felicitat pertorbada 

que només tenen les persones tristes. 




Nòmada, 2009