Comment, en observant les effets d'une drogue, les auteurs nous renseignent sur le comportement des hommes à leur époque ?

Comment, en observant les effets d'une drogue, les auteurs nous renseignent sur le comportement des hommes à leur époque ?

Nous avons quatre textes qui parlent de drogues différentes, il y a un texte sur le tabac, très court, écrit au XVIIème siècle par Molière, un texte sur le café, écrit par Balzac, un autre qui compare le vin et le haschisch et, enfin, un texte qui s’interroge sur l’opium et son usage en Chine. Ainsi, chacun de ces textes apporte une réflexion, une argumentation autour d’un produit sensé exalter les capacités imaginatives de l’homme.

Parce que si on y regarde de plus près, en se basant sur la classification actuelle, on a trois drogues légales : le tabac, le café et le vin contre deux illégales, le haschisch et l’opium. Si on se tourne vers la définition de drogue, on s’aperçoit que celle-ci va du simple médicament, au produit dangereux qui peut entraîner la dépendance. Quand on regarde ceux qui sont proposés à notre étude, on s’aperçoit qu’ils naviguent entre le produit de faible toxicité, le café, au produit de grande toxicité, l’opium. c’est entre ces deux bornes, nécessaires, que le travail devient le plus intéressant.

En effet, notamment pour le tabac et le vin, on s’aperçoit que la vision qu’il en est donnée a beaucoup évolué, entre le moment où le texte a été écrit et aujourd’hui, où le texte est lu. On ne cessera d’être surpris de voir, par exemple, combien Baudelaire donne de vertus positives au vin qui est pourtant une des sources principales de décès en France. Comme si, au siècle de Baudelaire, et plus particulièrement pour lui, ce phénomène n’existait pas.

Que peut-on en déduire ? Qu’à l’époque, on n’avait pas encore développé des statistiques efficaces qui pointaient du doigt le danger ? Pourtant dans L’Assommoir de Zola, principalement porté à lutter contre les effets de l’absinthe, n’hésitera pas à donner une vision plutôt négative des bistrots à vin. Il y avait donc bien, finalement, une conscience des effets du vin. Alors pourquoi Baudelaire en positive-t-il autant les effets ? Le document « Boire et manger au XIXème siècle » nous offre peut-être une piste. Le vin faisait partie intégrante d’une mythologie sociale où le vin, le buveur, voire l’ivrogne font partie d’une imagerie positive de la société rurale et ouvrière de l’époque. Dès lors, si tel est le cas, nous voilà bien renseigné sur une époque à partir du discours sur une drogue. Le très court texte de Molière en fait de même. Il a, pourtant, deux niveaux de lecture, mais il reste intéressant de voir qu’on en est aux débuts de ce produit si négativé aujourd’hui. Dès lors, cette herbe des Amériques offre visiblement la possibilité de mettre en avant l’exercice de « l’honnête homme », qualité très recherchée à la cour de Louis XIV et chez les défenseurs du classicisme. D’autant plus intéressant que Dom Juan est bien plus baroque que lié au classicisme. Le texte, finalement ne nous renseigne pas directement à partir du produit sur la société qui l’entoure, mais c’est son usage qui permet de rencontrer un paysage intéressant.

Il reste le café. Il est intéressant que Balzac l’ai fait rentrer dans un Traité des excitants modernes. D’autant plus intéressant que le portrait qu’il en fait est un produit qui, suivant comment on l’utilise, peut avoir des effets néfastes. Or c’est justement la façon dont les Européens, et, plus particulièrement, les Français l‘utilisent qui est mauvaise. Il y a ceux qui boivent le café de manière expérimentée et qui savent boire la partie liée à l’arôme et il y a ceux qui boivent le tannin qui gâte l’estomac et entraîne des brûlures néfastes. Ainsi donc, au XIXème siècle la population Française montre de l’intérêt pour des produits qu’elle utilise peu mais en, même temps, fait montre d’une démarche particulièrement suicidaire à son encontre.

Finissons avec les drogues plus reconnues comme telles. Un sort au travail sur l’opium pour commencer. L’auteur observe ce qui se passe en Chine. Pays lointain, difficile d’accès et qui oblige l’observateur à une réelle aventure avant même que de pouvoir écrire. Cet opium est l’occasion de travailler sur la démarche Anglaise de la colonisation et d’y laisser filtrer un jugement assez négatif. Les Anglais développent le commerce de l’opium non pour eux mais pour ceux qu’ils colonisent, faisant, dans une démarche qui laisse entrapercevoir les effets actuels de la mondialisation, se lier commercialement deux pays sur un produit qu’ils n’utilisaient pas ainsi. Finalement, bien que tout le texte semble se concentrer sur l’usage et les effets de l’opium sur la société Chinoise, il est plus question de montrer les effets d’action d’un pays Occidental colonisant, de force, un autre.

Enfin, en ce qui concerne le haschisch, ce que nous apprenons sur la société des hommes de l’époque du texte, c’est qu’il est consommé. Mais il semble, au moins, consommé en pleine conscience en se rendant compte des limites de ce produit. Contrairement à ce que pourrait laisser croire la création de clubs comme celui des Haschischins, cette drogue n’est pas réellement mise en avant comme elle l’a été depuis les années soixante, au point qu’aujourd’hui, nombre de pays réfléchissent à la légaliser. Si, aujourd’hui, elle est un marqueur social d’une pseudo- désobéissance aux lois, au XIXème, puisqu’elle n’est pas interdite, les consommateurs en ont une connaissance plutôt précise et un goût, finalement, plutôt limité.

Pour conclure, en observant les effets de la drogue dont ils parlent, les auteurs de ce corpus nous permettent de mieux percevoir leur société et les manières qu’ils avaient de vivre près de ces produits. Ils nous en donnent, une image plutôt construite et pensée et nous permettent de mieux percevoir que, finalement, si les sociétés ont changé, les réflexions, et le goût de la santé restent les mêmes.