lecture analytique, texte 2, Adolphe

Après avoir rejoint Adolphe qui avait tenté, en se rapprochant de son père, de s’éloigner d’elle. Éllénore et Adolphe se sont enfuis car son père voulait la chasser honteusement de la ville. Ils vivent tous les deux éloignés du monde. Le père d’Adolphe lui a écrit. Il comprenait son fils mais tentait de le rappeler à la raison pour qu’il quitte cette femme. Toujours soumis à la confusion de ses sentiments, Adolphe, bien qu’il soit d’accord avec son père, n’arrive pas à trouver le courage de quitter Éllénore.

Un nouvel événement arrive.

Le premier paragraphe fait un rappel d’Adolphe observant Adolphe. Il cherche à quitter la situation « m’élancer tout à coup hors de la sphère dans laquelle j’étais déplacé », mais n’en trouve pas le courage. Cette lâcheté, est exprimé par des considérations positivantes « Éllénore paraissait heureuse ; pouvais-je troubler son bonheur ? ». Encore une fois, comme il a été vu dans le texte précédent, Adolphe cherche, par le discours à ne pas se confronter avec son manque de courage.

L’événement nouveau va être une lettre de M. le comte de P.*, l’ancien compagnon d’Éllénore, lui a écrit : « son procès était gagné », « il lui offrait la moitié de sa fortune », « non pour se réunir avec elle », « à condition qu’elle quitterait l’homme ingrat – Adolphe- et perfide qui les avait séparés ». On notera que, pour le lecteur l’enchaînement des informations est donné très rapidement par l’utilisation des paroles rapportées indirectement d’Éllénore. Ces paroles sont donc rapportées par Adolphe. C’est la raison pour laquelle il commence cela par une première action d’Éllénore « elle me fit promettre que je ne combattrais point la résolution qu’elle avait prise ». Il était important de commencer par cette attente. En effet, à la fois, il va rapporter les événements, mais, en même temps, il ne peut pas réagir directement à ce qu’il entend puisqu’il a, d’évidence, fait la promesse.

Face à la demande du comte de P.*, Éllénore a réagi avec la déraison de son amour. « vous devinez bien que j’ai refusé ». Pour donner plus de vigueur à ce refus. Le choix est exprimé dans des paroles rapportées directement. Ainsi, avec ce système pour rapporter les paroles, Adolphe montre clairement que ce discours n’est pas de lui.

Adolphe a trois réactions : il comprend bien la réaction de sa compagne, cela touche son amour-propre « j’étais touché », mais, en même temps le désespère puisque Éllénore, dans cette relation fait un nouveau sacrifice : elle a quitté le comte de P.*, elle a abandonné ses enfants et, maintenant, elle abandonne l’espoir de pouvoir vivre convenablement et sans besoin. Adolphe montre encore la dualité qui bataille au fond de lui. Celle qui se satisfait de ce qui arrive, celle qui, raisonnablement, ne peut l’accepter.

Son action, une fois encore, va être de s’éloigner. Nous savons, par expérience, que lorsqu’il est loin d’Éllénore, il prend des décision raisonnables, mais qu’il ne les aboutira pas quand il se retrouvera en face d’elle. c’est ce qui, une fois encore va se passer ici.

Ce qui va être nouveau, c’est qu’il va nous faire partager les étapes de son raisonnement. d’abord, il fait un point :

« nos liens devaient se rompre »

« ils étaient douloureux pour moi »// « ils lui devenaient nuisibles » ces deux propositions mettent face à face l’effet des liens sur chacun d’eux. L’état des liens pour Adolphe c’est la douleur parce qu’il n’arrive jamais à faire ce qu’il lui semble devoir être fait, mais ils se transforment pour elle « devenaient ». Cette transformation va vers un point particulièrement négatif « nuisibles ». Cet aspect qui déchoit à la qualité initiale va être développé par Adolphe lui même :

    1. « j’étais le seul obstacle à ce qu’elle retrouva un état convenable et de la considération »

    2. « j’étais la seule barrière entre elle et ses enfants »

On notera le champ lexical « obstacle », « barrière », avec la construction anaphorique « j’étais le seul », « j’étais la seule ». tout était construit comme une réflexion presque scientifique. Les deux points d’observation puis la conclusion : « je n’avais plus d’excuse à mes propres yeux ».

Dès lors les phrases qui suivent et qui semblent donner la même idée sont, en fait, une démarche d’Adolphe pour se convaincre lui- même :

« Lui céder… plus de la générosité, mais une coupable faiblesse »

« j’avais promis à mon père... »

« Il était temps enfin d’entrer dans une carrière... »

L’auteur fait écrire à Adolphe tout ce qu’il doit accepter et mettre en place pour mettre fin à sa relation. Cependant, on remarquera que si l’observation des effets de la relation sur Éllénore a été scientifiquement menée, il y a un processus décalé pour trouver les moyens de s’encourager à agir. Car il ne réfléchit pas du tout sur ce que sera la réaction de sa compagne. Il se donne les raisons externes d’agir… qui ne sont pas des raisons liées directement à la relation qu’il a avec Éllénore.

La suite va se passer avec des paroles rapportées directement. Elles auront trois étapes.

La première quand Adolphe est sûr de lui. « En vain on s’obstine à ne consulter que son cœur ; on est condamné tôt ou tard à écouter la raison ». on notera l’opposition « son », personnel, et « la », général. Cette phrase vient en conclusion de toutes une série de considérations qui cherche à arriver au même but. Faire entendre raison à Éllénore. Vient ensuite la construction double et anaphorique autour de « je ne puis », « je ne le puis ». Il s’agit de sortir Éllénore de sa position, mais Adolphe, s’y lie, laissant, déjà entendre la confusion de son discours. Il croit agir au nom de sentiments nobles, mais il agit aussi pour lui…

Avant la deuxième étape du discours, le narrateur sent les effets de sa lâcheté : » mes idées devenir plus vagues, ma résolution faiblir ». le deuxième discours, moins construit, met en évidence combien il accorde d’importance à leur relation et, encore une fois, il se répète dans une tentative vaine de convaincre :

« je serai toujours votre ami »

« j’aurai toujours pour vous l’affection la plus profonde », avec la répétition, ici, de la construction « je… toujours » et le futur simple de l’indicatif.

« Les deux années de notre liaison ne s’effaceront pas de ma mémoire »

« elles seront à jamais l’époque la plus belle de ma vie », encore une fois le rapport éternel avec le futur et la construction négative contre sa temporalité « ne s’effaceront pas », « seront à jamais ».

Ce sont donc quatre propositions qui disent la même idée : ce que je dis, je le dis parce que je vous aime…

Puis il amplifie l’amour :

« ce transport des sens »

« cette ivresse involontaire »

« cet oubli de tous les intérêts »

« (cet oubli) de tous les devoirs »

Cette description de l’amour est celle de l’amour aveugle, juvénile, pas l’amour d’une personne maître de ses sentiments.

Cette amplification est là pour donner plus d’importance au couperet définitif qu’il veut faire entendre « je ne l’ai plus ».

La forme générale du deuxième discours montre combien Adolphe n’est pas un homme d’esprit froid. Au lieu d’énoncer des raisons pour convaincre, il a cherché une première partie du type de la promesse, puis une seconde emphatique sur l’amour pour achever en une phrase verbale simple et sans explication. La forme même de ce discours laisse alors transparaître un discours sans calcul et qui manque singulièrement de volonté.

Il va alors raconter la réaction d’Éllénore, tant au niveau physique, d’abord, qu’au niveau du discours. Il va mettre du temps à oser regarder cet effet « sans lever les yeux », « longtemps ». Quand il ose la regarder, il voit le regard en affolement, il prend la main, et il sent le froid de celle-ci. Éllénore va même jusqu’à le repousser. Elle va lui tenir un discours qui n’est qu’une succession de questions à la fois rhétoriques et espérant une réponse. L’ensemble de ces questions est de savoir si elle est définitivement abandonnée. Ce discours est suivi par une tentative de fuite d’Éllénore qui essaie, à la fois, d’échapper à la douleur de ce qu’a dit Adolphe et à la vision de celui qu’elle aime. Le mouvement est particulièrement travaillé :

« elle voulut s’éloigner, elle chancela ;

j’essayai de la retenir, elle tomba sans connaissance à mes pieds ;

je la relevai, je l’embrassai, je rappelai ses sens »

On observe deux premières parties dans cette phrase avec le mouvement de chacun par rapport à la fuite et la résultante de la chute d’Éllénore ; cela est aussitôt enchaîné par une série ternaire de trois verbes dont le sujet est « je » qui agit pour faire revenir Éllénore à elle.

Vient alors la troisième partie du discours. Adolphe, à nouveau, va montrer toute sa versatilité. Il va mettre en parallèle « elle » et « lui » « revenez à vous, revenez à moi »,comme si les deux étaient inséparables, puis il va conjuguer « amour » : « je vous aime d’amour, l’amour le plus tendre », amour qu’il avait construit en emphase la fois précédente. Enfin, il invente un mensonge où, une fois encore, il se donne le beau rôle :

« je vous avais trompée pour que vous fussiez plus libre dans vos choix ». mensonge éhonté puisque son discours était la recherche de retrouver une vie personnelle et raisonnable réussie.

Cela suffit, au nom de l’amour aveugle d’Éllénore, pour la faire revenir à elle et être rassurée. Adolphe, alors, regardant cet événement, au moment où il raconte ne peut que glisser dans une sorte d’amertume « crédulités du cœur, vous êtes inexplicables ! » ; « ces simples paroles démenties par tant de paroles précédentes ». À ce moment, il devient l’observateur froid qu’il avait essayé d’être au début de leur relation, il observe ainsi les différentes étapes chez Éllénore :

« elle me les fit répéter », « elle semblait respirer avec avidité », « elle me crut »

« elle s’enivra de son amour, qu’elle prenait pour le nôtre », on appréciera la construction qui montre combien il n’arrive pas à se reconnaître amoureux « son amour, qu’elle prenait pour le nôtre », comme si Éllénore n’arrivait pas à dissocier ce qu’elle ressent de ce qu’ils ressentent et croyait encore à l’unité de leurs sentiments.

« elle confirma sa réponse au comte de P*, et je me vis plus engagé que jamais », la phrase comme « je ne l’ai plus », est une conclusion violente. Il a échoué à faire revenir Éllénore sur une attitude plus raisonnable, il a échoué à se libérer et s’est, un peu plus, enfermé…

Ainsi, donc, ce passage nous confirme que plus qu’un roman d’amour, Adolphe est un roman d’analyse psychologique mené par le sujet lui-même qui entretient en permanence, et même vis-à-vis de l’amour, une position conflictuelle faite d’une permanence de reculs devant la réalité.