lecture analytique de On Purge Bébé scène 4

Nous avons ici, le deuxième texte du groupement, nous avons avancé dans le temps puisque le texte a été écrit en 1900. Ce type de théâtre,proche du vaudeville et qu’on pourrait appeler « comédie bourgeoise », est construit, principalement, sur l’interaction entre la parole et l’action. Dès lors, la didascalie fonctionnelle, qui serait la didascalie qui indique les mouvements, imaginés par l’auteur, des personnages, aura une importance. C’est ce que nous allons pouvoir observer dans ce texte.

Si on imagine que, pour des raisons propres à lui même, le metteur en scène veut essayer de ne pas suivre les indications données par les didascalies, il va se trouver face à un problème. « Absolument ! Tandis que ça : bravo ! », ou encore « Oh ! C’est curieux ! Ça ne pèse pas son poids ! ». Où le pronom désignatif « Ça » désigne le vase de nuit, seulement introduit dans les didascalies, il devient difficile de comprendre le discours.

En fait, dès qu’on observe de plus près le fonctionnement du texte global, on s’aperçoit que Feydeau traite le vase de nuit comme un personnage à part entière. Cela est d’autant plus difficile que c’est un objet. Il faut donc, par les didascalies, donner une vie à cet objet. On est ainsi presque dans ce qui s’appelle le théâtre de déplacement d’objet. Ainsi, « Ça », devient le représentant principal de l’objet, seulement désigné à la première réplique par « C’est le pot de chambre. ». A la suite, « ça » va être manipulé : « cogne le vase avec son index replié », « prenant le vase et le soupesant ». La scène centralise, par l’interaction, entre le discours et les didascalies, l’attention des spectateurs sur l’objet. Les personnages devenant, dès lors de simples manipulateurs.

Pourtant, ce sont des personnages à part entière. Ils existent au travers de leurs répliques. Ainsi tout l’échange sur les dangers de l’émail qui révèle que Chouilloux travaille au ministère de la guerre parce qu’ « on m’a fait mettre tout nu et on m’a dit : « Vous ne devez pas avoir une bonne vue ! » ça a décidé de ma vocation militaire ». qui nous donne l’information que Chouilloux travaille au ministère de la guerre et, en même temps, du goût de l’humour absurde de Feydeau, car on ne voit aucun rapport entre le phénomène d’être « nu », et la qualité de la vue et la mauvaise qualité de la vue, qui sous entend une réforme, et amène à une carrière au ministère de la guerre…

Cependant, les didascalies, dont on a vu qu’elles étaient principalement des didascalies fonctionnelles, deviennent aussi des didascalies psychologiques qui permettent en coloriant le personnage, de lui reconnaître des indices de caractère. « sûr de son fait », « plaisir (changeant de ton). Bien entendu ». Cet ensemble de didascalies s’ajoute à celles, fonctionnelles, de la manipulation du pot de chambre. Ainsi on reconnaîtrait deux didascalies une, principale, la plus importante, qui cherche à donner des indications de manipulation, une autre, plus discrète, qui concerne le jeu psychologique des personnages.

En effet, on en arrive, à l’observation, à comprendre que les répliques, sont des « moments » qui, dans l’échange assez court, qui cherche à introduire des « gags », celui de l’utilisation du pot de chambre comme verre de punch, celui de la carrière de M. Chouilloux, qui cherche à jouer sur le comique de situation rapportée, voire l’absurde.

Cet ensemble des répliques, comme les didascalies principales, n’est finalement qu’une construction subtile pour le gag principal qui est l’échec total de la démonstration de la solidité de la porcelaine. En effet, si le discours commence par une reconnaissance de l’objet, avec deux détours pour amener des répliques humoristiques, se finalise par une très longue action et discours de Follavoine qui va conclure le parcours de la scène vers le gag final. On remarquera, qu’en matière de discours, on a principalement des expressions pour colorer le mouvement. La parole évite le silence autour de l’action mais n’apporte pas d’informations supplémentaires sur ce mouvement, si ce n’est, au début, le placement dans l’espace du plateau.

Ce qui devient, particulièrement, intéressant c’est que, finalement par rapport au théâtre qu’on connaît culturellement, ici ce serait la didascalie qui a le plus d’importance, par rapport au discours. Au point qu’en toute finale, lorsque « il « voilà » le vase tombe et se brise », Feydeau ajoute une longue suite de didascalie qui imagine que l’effet, la brisure du vase, ne puisse se réaliser et proposer un autre jeu pour arriver au gag final.

Ainsi, c’est bien un théâtre de didascalies et non de discours. Finalement, le travail de l’écriture est plus un travail proche de la description de la manipulation qu’un travail d’écriture théâtrale telle que les propose Victor Hugo où Samuel Beckett dans les autres textes du corpus. L’écriture, par l’importance et l’utilisation nécessaire, est, ici, plus proche de sa représentation que les autres textes qui laissent, eux, plus de possibilités au metteur en scène de ne pas les suivre. Ici, impossible de laisser de côté, notamment, les didascalies fonctionnelles.