Texte 1: "Nos désirs sont d'amour la dévorante braise" Agrippa d'Aubigné
« Nos désirs sont d'amour la dévorante braise », Théodore Agrippa d’Aubigné, vers 1575
Nos désirs sont d'amour la dévorante braise,
Sa boutique nos corps, ses flammes nos douleurs,
Ses tenailles nos yeux, et la trempe nos pleurs,
Nos soupirs ses soufflets, et nos sens sa fournaise.
De courroux, ses marteaux, il tourmente notre aise
Et sur la dureté, il rabat nos malheurs,
Elle lui sert d'enclume et d'étoffe nos cœurs
Qu'au feu trop violent de nos pleurs il apaise,
Afin que l'apaisant et mouillant peu à peu
Il brûle d'avantage et rengrège (1) son feu.
Mais l'abondance d'eau peut amortir la flamme.
Je tromperai l'enfant (2), car pensant m'embraser,
Tant de pleurs sortiront sur le feu qui m'enflamme
Qu'il noiera sa fournaise au lieu de l'arroser.
(1) augmente
(2) il s'agit de l'Amour, sous les traits de l'enfant forgeron (thème italien)
Théodore Agrippa d’Aubigné, Le Printemps, vers 1575