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Europe: débats sur le projet de constitution sur les forums du nouvel obs (avec ressave)

zen33 - Aquitaine - 23.09.04 01:35

L'idéal ultra libéral de la constitution

Pourquoi la "{concurrence libre et non faussée}", qui est inscrite dans la constitution européenne, est une allégorie nuisible à l'idéal européen ? Tout simplement parce qu'elle a et continue d'inspirer, redoutablement, la pensée libérale que nous avons à supporter sans broncher et qui contribue au démantèlement préparé du système de protection sociale, des services publics et de certains acquis sociaux en France (ce qui peut se vérifier ailleurs).

Le processus est assez simple et s'accomplit grâce aux objectifs poursuivis par la construction européenne, depuis son origine, visant à libéraliser tout ce qui peut l'être, aidé en cela par des directives européennes qui font entrer, dans le champ de la concurrence, un maximum de secteurs d'activités qui organisent une société.

Ainsi, les directives ont-elles libéralisé les secteurs de l'énergie, de l'eau, des télécommunications, ou encore des services postaux. Mais aussi le secteur de la protection sociale dont certaines branches sont ouvertes à la concurrence depuis plus de 20 ans. La pseudo réforme de l'assurance maladie en 2004, qui en témoigne, n'est pas autre chose qu'une privatisation rampante de la santé inspirée de ces directives. Le choix politique de laisser filer le déficit de l'assurance maladie, en refusant d'affecter des recettes supplémentaires (élargissement de l'assiette des cotisations, par exemple), n'a pas eu pas d'autre dessein que de faciliter l'accès du secteur de la santé au privé (mutuelles, assurances, banques…)

Et il en est de même avec la réforme des retraites qui a conduit à une augmentation de la durée de cotisation, tout en réduisant le niveau des prestations. Le salarié qui en a la capacité financière étant invité à se constituer personnellement une retraite auprès des assureurs et autres fonds de pension. Exit donc le système par répartition, fondement de la solidarité nationale.

Et, pour couronner le tout, toujours en s'appuyant sur la doctrine de "concurrence non faussée", depuis 1992, l'union européenne a franchi une étape supplémentaire en adoptant le traité de Maastricht qui retire aux Etats membres toute maîtrise de leur politique budgétaire en les soumettant au respect de critères contraignants. Il en est ainsi des indicateurs qui fixent des limites en matière de déficits budgétaires (3 % du PIB), de dette publique (60% du PIB), de taux d'intérêt ou de taux d'inflation, notamment.

Cette nouvelle phase de la construction européenne est parvenue à remettre en cause toute autonomie budgétaire des états de l'union. Ces derniers se retrouvent privés de réels choix stratégiques dans leurs politiques budgétaire, économique et sociale destinées à garantir un niveau de cohésion sociale performant.

Désormais, toute action publique s'analyse d'abord par son coût et non plus par l'utilité du service qu'elle procure aux habitants. Ainsi, la France voudrait-elle assurer un bon fonctionnement de ses services publics qu'elle serait sermonnée pour dépassement excessif des déficits budgétaires pesant sur sa dette.

Tout ceci explique, les vagues de privatisation de certains services publics, les fermetures de bureaux de poste, de lignes SNCF, d'hôpitaux publics, coûteux et pas rentables.

Le maintien d'un niveau de chômage, constant depuis des décennies, facilite la méthode du chantage à l'emploi des entreprises qui, ne se sentant plus pousser les ailes, n'hésitent même plus à menacer de délocaliser si les salariés n'acceptent pas une baisse de salaires, une révision de leurs conditions de travail (35 heures) une réduction massive des allocations chômage. Les exemples allemands italiens, français sont légions et prouvent bien que ces pratiques inspirées d'un modèle ultra-libéral de la société, sont permises parce qu'inspirées du principe de "concurrence libre et non faussée" et de son additif, la compétitivité.

Voilà ce que nous proposent concrètement les dispositions de la constitution européenne en l'état actuel de sa rédaction. Etrangement, alors que tout le monde semble s'accorder à lui trouver des imperfections, il nous est imposé autoritairement, sous peine d'être qualifié de souverainiste, lepéniste, gauchiste ou que sais-je encore, de l'adopter.

Je suggère donc aux partisans de la constitution de faire une analyse approfondie et objective de ce texte pour qu'enfin un débat puisse s'instaurer.

ressave - Levallois Perret - 23.09.04 13:54

Mauvaise réponse à une bonne question

Les critiques adressées aux effets du néolibéralisme tel qu’il est pratiqué, c’est-à-dire non pas « pur et dur » mais régulé en fonction des intérêts des plus puissants et des plus riches, ces critiques sont parfaitement fondées. Dans le cadre de la mondialisation néolibérale, les inégalités sociales à l’intérieur des nations et entre les nations d’une part, les atteintes à l’environnement c’est-à-dire à l’avenir de l’humanité d’autre part sont patentes, graves et inacceptables.

Pour que ça change, il y a certes un problème de volonté politique, mais pas seulement. Il y a le problème de définir puis de mettre en place les institutions et le mode de gestion des activités économiques susceptibles de nous faire cheminer en direction d’un nouvel ordre plus humain et durable. Il y a d’évidence un immense effort de réflexion et de recherches à réaliser si l’on veut pouvoir proposer aux populations une véritable alternative.

Ce problème devrait mobiliser les théoriciens et les praticiens de l’économie. Sur le plan politique il devrait intéresser aussi bien les partis de droite que de gauche, mais le sens que je donne à ce terme de « gauche » ou encore à « socialisme » me fait penser que les partis qui se réclament de ces orientations devraient être particulièrement moteurs. Or sur tous ces points c’est le trou noir ! Les partis socialistes partout en Europe quand ils viennent au pouvoir font surtout la démonstration qu’ils n’ont ni les idées ni les méthodes d’action à la hauteur des problèmes à résoudre.

J’interprète l’opposition « radicale » au projet de Constitution Européenne comme un véritable acte manqué, que cette opposition vienne d’acteurs de la société civile ou d’acteurs proprement politiques : faute de pouvoir concrètement et efficacement lutter contre le néolibéralisme en proposant un mode de gestion alternative des activités économiques et de la redistribution des richesses, ils croient ou veulent faire croire qu’ils font quelque chose de fort dans ce sens en s’opposant à l’adoption du projet de Constitution. Ils accusent ce projet de « graver dans le marbre » une adhésion idéologique au néolibéralisme, alors que la simple lecture démontre que c’est faux. Pour paraphraser Laurent Fabius, ils apportent une très mauvaise réponse à une très bonne question.

michel1955 - Toulouse - 28.09.04 08:23

A Ressave de Levallois Perret

Vous avez écrit "Ils accusent ce projet de « graver dans le marbre » une adhésion idéologique au néolibéralisme, alors que la simple lecture démontre que c’est faux."

Pouvez-vous m'indiquer où ? La lecture de ce document particulièrement indigeste ne m'a pas permis de rejoindre votre opinion.

ressave - Levallois Perret - 28.09.04 17:44

Réponse à Michel 1955

Le projet partie 1 titre 1 article 3 dispose: L'Union oeuvre pour une Europe du développement durable fondé sur une croissance économique équilibrée, une économie sociale de marché hautement compétitive, visant le plein emploi et le progrès social, et un niveau élevé de protection et d'amélioration de l'environnement.

Ce texte n'empêcherait pas une majorité d'Etats et une majorité au Parlement d'orientation néolibérale d'appliquer leur politique, mais il ne ferait pas obstacle non plus à ce que des majorités de gauche appliquent une autre politique... si celle-ci était définie dans un programme consistant et à la hauteur des problèmes à résoudre.

michel1955 - Toulouse - 28.09.04 21:24

Ressave montrez moi...

Vous faites référence à la partie 1 titre 1 article 3 et écrivez : "il ne ferait pas obstacle non plus à ce que des majorités de gauche appliquent une autre politique... si celle-ci était définie dans un programme consistant et à la hauteur des problèmes à résoudre."

Ce programme serait bien entravé par tout ce que contient la partie III

L’unanimité des Etats est requise pour « établir des mesures qui constituent un pas en arrière en ce qui concerne la libéralisation des mouvements des capitaux à destination ou en provenance des pays tiers » (A III-46)

Donc impossibilité de réduire les libertés déjà accordées.

Dans le même temps l’action contre la fraude fiscale en matière d’impôt sur les sociétés est doublement entravée : les mesures doivent être prises à l’unanimité et « être nécessaires pour assurer le fonctionnement du marché intérieur et éviter les distorsions de concurrence » (article III-63) : l’Union n’agit pas contre la fraude fiscale qui ne perturbe pas le marché ; peu importe qu’elle prive massivement les pouvoirs publics de moyens financiers.

L’action en faveur de l’emploi et de l’amélioration des conditions de vie et de travail doit être menée « en tenant compte de la nécessité de maintenir la compétitivité de l’économie de l’Union » (article III-103). Elle « évite d’imposer des contraintes administratives, financières et juridiques telles qu’elles contrarieraient la création et le développement des petites et moyennes entreprises » (article III-104).

Sauf dérogations limitées « sont incompatibles avec le marché intérieur (...) les aides accordées par les Etats membres ou au moyen de ressources d’Etat sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions » (article III-56). Cette interdiction des aides d’Etat n’est pas compensée par l’institution d’aides européennes. Est ainsi désarmée toute politique industrielle alors que les Etats-Unis soutiennent puissamment leurs firmes.

Montrez-moi Ressave que, malgré ces dispositions qui je le redis figent dans le marbre les orientations neo libérales, une politique sociale de gauche est possible avec ce texte.

Bien à vous

ressave - Levallois - 01.10.04 11:20

La crise qui serait vraiment salutaire

Réponse à Michel 1955. Merci de poursuivre le débat avec sérieux. Pour vous répondre, je vais être obligé de rentrer dans un certain détail.

1) Contenu du projet de traité constitutionnel : Le projet comporte trois parties qui n’ont pas la même signification ni la même portée.

La première partie contient la définition et les grands objectifs de l’Union, puis des dispositions nouvelles sur l’organisation des institutions européennes (extension des compétences du Parlement, majorité qualifiée plus claire et plus logique que celle définie par le traité de Nice, création d’un Ministre des affaires étrangères de l’Union, composition et fonctionnement de la Commission, etc.) Cette partie là comprend de vraies innovations, qui amèneraient quelques progrès dans la définition des objectifs, et au point de vue institutionnel des progrès dans le sens de l’efficacité, de la transparence et de la démocratie. Ces dispositions ne seront appliquées que si le Oui l’emporte.

La deuxième partie comprend la Charte des droits fondamentaux de l’Union. Celle-ci a déjà été « proclamée » à Nice, mais il était logique de l’intégrer dans le projet de traité constitutionnel. Une approbation du projet lui donnerait plus d’éclat et les tribunaux européens seraient mieux fondés à s’appuyer sur les principes qu’elle proclame dans leur jurisprudence.

La troisième partie correspond à un aspect du « bon de commande » que la Conférence de Laeken avait donné à la Convention chargée de préparer le projet : elle porte sur les politiques de l’Union, elle a pour objet de rassembler en un texte unique les dispositions contenues dans les traités déjà actuellement en vigueur. Cette troisième partie correspond à une intention louable : dans un souci de transparence démocratique, permettre au citoyen de prendre connaissance dans un texte unique d’un ensemble de traités à l’intérieur duquel les meilleurs spécialistes se perdent. Formellement la commande est satisfaite, mais l’objectif est en partie trahi car la qualité de la rédaction laisse pour le moins à désirer. Mais il faut bien voir que sur le fond, cette troisième partie ne change rien. Si le Non l’emporte, tout ce qui est décrit dans cette partie restera en vigueur et retournera simplement à son opacité originelle.

Le principal inconvénient à mes yeux de cette troisième partie, c’est quelle crée une équivoque dont vous êtes victime : les citoyens peuvent penser que toutes les parties sont sur le même plan, et refuser, au vu de dispositions de la troisième partie qui leur déplaisent mais qui en tout état de cause sont déjà en vigueur et le resteront, des améliorations qui sont dans la première partie et qui n’entreront en vigueur que s’ils votent Oui. C’est cette erreur que vous commettez quand vous m’objectez des articles de la troisième partie qui vous paraissent pouvoir gêner la mise en œuvre des objectifs de l’Union tels qu’ils sont définis par l’article trois de la première partie.

2) De quel texte il faut débattre :

La Convention a préparé un projet qui a été largement diffusé, mais qui n’est pas exactement celui sur lequel nous sommes appelés à voter. En effet les chefs d’Etat et de Gouvernement réunis à Bruxelles le 18 juin dernier lui ont apporté des modifications (qui ne sont pas en général à mes yeux des améliorations !) et c’est leur texte sur lequel nous devrons nous prononcer. Il est très facile de se le procurer sur Internet, par ex. sur le site officiel des institutions européennes.

Je dis cela car vous utilisez apparemment un texte issu directement de la Convention. En effet, l’article III 63 que vous critiquez n’existe plus. Je ne suis pas sûr qu’il y ait lieu de s’en réjouir : ce qui est en vigueur et maintenu, c’est la règle stricte de l’unanimité pour toute mesure fiscale prise au niveau européen. L’ex article 63, dans une rédaction particulièrement maladroite d’ailleurs, représentait une tentative de la part de la Convention de faire une très légère exception à la règle qui voulait que cette troisième partie ne fasse que décrire l’existant. Elle a tenté d’introduire la possibilité de statuer à la majorité qualifiée quand il s’agissait de lutte contre la fraude fiscale, mais cela a été écarté à la demande des Irlandais et des Britanniques. (cf. Le Monde du 30 septembre)

3) Revenons à l’essentiel

Notre débat est parti de la question suivante : pourquoi les opposants au projet qui se disent ou qui sont des Européens convaincus utilisent-ils un argument faux, à savoir que cette Constitution introduit et « grave dans le marbre » un choix irréversible pour le néo-libéralisme ?

Je pense que J. M . Ayraut s’approche de la bonne explication quand il dit à ses camarades socialistes qu’il ne faut pas « faire endosser à l’Union la responsabilité de ce que nous n’avons pas pu ou pas voulu faire. » Il faut simplement tourner cette idée vers l’avenir : « ne faisons pas endosser au projet de traité la responsabilité du fait que nous ne saurions pas que faire si nous revenions au pouvoir. » Le problème vient de ce qu’à la question cruciale qu’on peut formuler ainsi : « Quelle gouvernance économique faut-il mettre en œuvre pour réaliser ce bel idéal d’un développement humain durable et équitable ? » Personne ne sait apporter de réponse adéquate.

Je comprends qu’il ne doit pas être facile pour un responsable politique, pour un professeur d’économie, pour un journaliste réputé, pour un expert reconnu, ou encore pour un fonctionnaire d’autorité, de répondre « Je n’en sais rien » à la question centrale que leurs concitoyens sont en droit de leur poser et qui relève en principe de leur compétence. Mais c’est ainsi.

Il faut que nous, citoyens et militants de base, fassions comprendre à nos rois que nous voyons bien qu’ils sont nus. Que nous ne voulons plus de réponse à côté ni de faux-semblants. Qu’ils se trompent ou cherchent à nous tromper, ceux qui prétendent qu’en bataillant contre le projet de traité, ils apportent une réponse à la question. Que nous sommes prêts à leur faire confiance, mais qu’il faut qu’ils commencent par découvrir tout grand le gouffre de leurs ignorances, de leur impuissance et de leurs erreurs passées. Si après cela ils réunissent leurs intelligences et leurs expériences pour réfléchir ensemble dans la bonne direction, devant nous et avec nous, on réussira bien à dégager des idées et des plans d’action suffisamment consistants pour qu’ils méritent d’être mis à l’épreuve et qu’il en résultera de vrais progrès.

Disons Oui au projet de traité pour les améliorations qu’il apporte et ouvrons dès maintenant, courageusement, cette crise doctrinale, qui sera, elle, ô combien salutaire.

alaric13 - marseille - 01.10.04 23:03

à ressave

Quelle gouvernance économique faut-il mettre en œuvre pour réaliser ce bel idéal d’un développement humain durable et équitable ? » Vous pensez donc que le néo-libéralisme de Reagan , Tatcher et du FMI est la réponse ?

Vous vous évertuez à démontrer que la constitution n'est pas la confirmation de l'actuelle europe libérale uniquement soucieuse de commerce et pas des hommes et des femmes qui y vivent.

Si ce texte est ce que vous croyez pourquoi ne le dit-il pas ? Pourquoi faudrait-il lire entre les lignes ?

Vous voulez y trouver des raisons de dire oui alors dites les nous clairement ???

antoine - orleans - 05.10.04 07:48

L'Europe sociale... quelle blague !

Il y a des choses dont on parle peu ici et là. Tiens, comme un projet de directive d'un Mr Bolkenstein, Hollandais économe.

Si les sociétés de service pouvaient déplacer leur siège social dans les pays pas chers… Varsovie, par exemple, ils pourraient ainsi payer leur salariés, français, belges ou irlandais selon les lois locales ! Et vivre à Bordeaux ou Madrid avec un SMIC polonais, à votre santé !

L’Europe est un iceberg : 10 % qu'on voit et le reste qu'on cache soigneusement !

michel1955 - toulouse - 06.10.04 00:27

La crise qui serait vraiment salutaire

Cher Ressave,

Tout d'abord merci à vous aussi de me renvoyer sur le bon document et désolé de m'être trompé

Vos arguments que vous venez de développer, je les connais également puisque Alain Lipietz des Verts, (parti duquel je me sens le plus proche politiquement mais sans y adhérer) les a défendus depuis longtemps et d'ailleurs récemment de manière fort mélodramatique dans un article du monde du 29 septembre 2004.

Ce cher Alain écrit NICE OU LA CONSTITUTION : IL FAUT CHOISIR (...) " La Constitution, c’est pour 90 % ce que nous avons aujourd’hui (Maastricht - Nice) et que nous n’aimons pas, et 10 % de réformes que nous approuvons. Pendant un an, les Verts européens ont tenté de modifier la "question posée" en renvoyant dans une annexe amendable à la majorité la troisième partie, celle qui contient les actuelles politiques libérales. Cette bataille est perdue. Il n’est plus temps de finasser. Il faudra répondre par Oui ("nous prenons les 90 % que nous critiquons et les 10 % d’amélioration") OU par NON ("nous en restons aux 90 % que nous critiquons"). " (...)

Puis cela devient dramatique (...)" Notre cœur se révolte à l’idée de conserver des politiques que nous réprouvons. Mais notre raison nous dicte de les réformer plutôt que de les laisser en l’état. Pour ma part, je propose donc de voter oui. (...)"

LE COEUR OU LA RAISON IL FAUT CHOISIR ET ÊTRE RAISONABLE ! Pour ma part je n'ai pas envie d'être raisonnable,

Et il écrit plus loin, "si le Non l’emporte, les gouvernements continueront à appliquer tranquillement Maastricht -Nice, et nous devrons repartir au combat une fois digéré l’échec de la réforme. "

Si le oui l'emporte les gouvernements qui considéreront que leur politiques issues de Maastricht -Nice auront été approuvées , continueront à les appliquer et de toute façon il nous faudra retourner au combat… Si c'est non, ils devront les appliquer contre la volonté du peuple, et pour la 3eme fois, ils feront un déni de démocratie, en démontrant qu'ils s'assoient dessus. C'est à ce moment là que la crise salutaire dont vous parlez Ressave sera ouverte. Cette crise sera suffisamment forte, au niveau européen, (imaginez l'impact, un des pays fondateurs de l'Europe des 6, votant contre) pour que soit remis à plat non seulement le traité constitutionnel, mais également les précédents traités, de Maastricht à Nice. Elle sera suffisamment forte pour balayer en 2007, la droite libérale...

Je cite encore une fois Alain L : "(...) La route de l’Europe sociale et écologiste sera longue, et la Constitution nous offre un outil : le pouvoir d’initiative législative offert aux pétitions d’un million de signatures. Les forces sociales majeures qui, au niveau européen, ont déjà opté pour le Oui (telle la Confédération Européenne des Syndicats) doivent s’en emparer. Voter Oui, certes, mais en même temps lancer ou relancer des campagnes de signatures sur des initiatives ciblées : pour l’Europe sociale, contre les OGM, pour la citoyenneté de résidence (...) "

Réponse : Possibilité bien limitée... Relisez l'article I/47/4: "Des citoyens de l'Union, au nombre d'un million au moins, ressortissants d'un nombre significatif d'États membres PEUVENT prendre l'initiative D'INVITER la Commission, dans le cadre de ses attributions, à soumettre une proposition appropriée sur des questions pour lesquelles ces citoyens considèrent qu'un acte juridique de l'Union est nécessaire aux fins de l'application de la Constitution. La loi européenne arrête les dispositions relatives aux procédures et conditions requises pour la présentation d'une telle initiative citoyenne, y compris le nombre minimum d'États membres dont les citoyens qui la présentent doivent provenir. (..)" Sic !

Ce n'est pas du marbre, c'est la muraille de Chine! Imaginez qu'un million de signatures ou même 10 millions soient recueillies contre les Ogm, ou le nucléaire, que par miracle ce projet arrive au parlement européen, mais qu'il se heurte à l'une ou l'autre des dispositions de la IIIeme partie, les articles III-103 « sur la nécessité de maintenir la compétitivité de l’économie de l’Union » ou III-56 « sont incompatibles avec le marché intérieur (...) les aides accordées par les Etats membres ou au moyen de ressources d’Etat sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions » par exemple,

Ces dispositions de la IIIeme partie que vous dites secondaires, accessoires, mais nécessaires pour la transparence du projet, pourquoi le texte ne le dit-il pas ? Pourquoi ne dit-il pas qu'elles sont du domaine non pas de la constitution, mais de la simple loi et donc amendables, par une simple loi ?

Pourquoi donc ces dispositions ne sont elles modifiables qu'à l'unanimité?

Je pense que c'est simplement parce que c'est la volonté des droites conservatrices et libérales, et surtout des lobbies financiers et industriels qui les soutiennent, de rendre ces différents traités, Maastricht, Amsterdam, Nice, indestructibles, pour protéger ad vitam æternam, ou presque, leurs privilèges.

Je crois avoir compris, que ce projet de constitution initié par Giscard, avait fait l'objet en juin 2003, d'un large débat en ce sens, dans les "instances européennes" à Bruxelles, que ces discussions avaient abouti aux parties I et II du projet actuel, que cette f... partie III devait également être débattue, pour n'en faire plus qu'une loi d'orientation, mais que la commission ou le conseil , je ne sais plus, avait stoppé net ces débats, courant juillet 2003, en arguant de l'urgence.

En réalité, pour empêcher que soit "dénaturée" l'orientation néo libérale de ce texte, bref pour que soient préservés, gravés dans le marbre les "acquis" du traité de Nice.

Vous Ressave, et les Verts, ou les socialistes, partisans du Oui qui pensez-vous appuyer sur ce texte, pour faire progresser l'Europe, vers d'avantage de social, vous dites qu'il ne faut pas « faire endosser à l’Union la responsabilité de ce que nous n’avons pas pu ou pas voulu faire. »

Pourtant c'est "vous" (socialistes et gauche plurielle), qui l'avez mise en place cette Europe, ou contribué à la mettre en place, les textes d'une grande opacité que vos députés aviez ratifies sans vraiment les avoir lus ou compris vous ont été proposés par des "eurocrates" tous acquis à la cause du libéralisme le plus pur et dur, avec pour résultat de vous lier dans une toile d'araignée complètement poisseuse... (Est-ce mieux que le marbre ?)

Vous dites également avec raison "Le problème vient de ce qu’à la question cruciale qu’on peut formuler ainsi : « Quelle gouvernance économique faut-il mettre en œuvre pour réaliser ce bel idéal d’un développement humain durable et équitable ? » Personne ne sait apporter de réponse adéquate." Dites plutôt vous ne savez pas comment vous dépêtrer de cette toile, sans complètement renier ce à quoi vous avez cru, de toute bonne foi. Comment reconnaître de bonne foi qu'on s'est trompé, ou plutôt qu'on a été trompé? Voilà votre vrai problème à vous socialistes et autres Verts, partisans du Oui.

Quelle gouvernance faut-il mettre en place, personne n'en sait rien, mais ouvrons dès maintenant, courageusement, cette crise doctrinale, qui sera, elle, ô combien salutaire, je dirais cette crise tout court... Ayons le courage de balayer cette immense tromperie dont vous avez été les victimes imprévoyantes.

Et songeons dès à présent à reconstruire cette véritable Europe des Peuples et des Hommes, dont vous et moi voulons.

Bien à vous Ressave

ressave - Levallois Perret - 08.10.04 14:26

De quelle crise parlons-nous ?

A Michel 1955

1) D’abord quelques mises au point : a) Vous m’écrivez : « Ces dispositions de la IIIeme partie que vous dites secondaires, accessoires, mais nécessaires pour la transparence du projet, pourquoi le texte ne le dit-il pas ? Pourquoi ne dit-il pas qu'elles sont du domaine non pas de la constitution, mais de la simple loi et donc amendables, par une simple loi ? »

Vous m’avez bien mal lu. Ce que j’ai dit concernant cette partie trois c’est simplement ceci :

« Cette troisième partie correspond à une intention louable : dans un souci de transparence démocratique, permettre au citoyen de prendre connaissance dans un texte unique d’un ensemble de traités à l’intérieur duquel les meilleurs spécialistes se perdent. Formellement la commande est satisfaite, mais l’objectif est en partie trahi car la qualité de la rédaction laisse pour le moins à désirer. Mais il faut bien voir que sur le fond, cette troisième partie ne change rien. Si le Non l’emporte, tout ce qui est décrit dans cette partie restera en vigueur et retournera simplement à son opacité originelle. »

Je n’ai pas dit, et je ne pense pas, que ce que cette partie contient soit ni secondaire ni accessoire, puisque ce qu’elle contient est en gros la description de toutes les politiques communes qui ont été mises en place au cours de 50 ans de construction européenne par une succession de traités divers et variés, depuis et y compris le traité de Rome. Je n’ai pas porté de jugement sur ce bilan, j’ai simplement dit que ne pas ratifier le traité qui nous est proposé ne supprimerait pas les traités en vigueur, que donc ce qui est décrit dans cette partie ne serait ni aboli ni interdit par un Non.

J’ajoute que puisqu’il s’agit, dans l’état actuel d’évolution de l’Europe, de traités conclus entre Etats souverains, ils resteraient comme ils sont, impossibles à modifier autrement qu’à l’unanimité. Pour éclairer et peut être nuancer votre jugement sur cette partie trois, je vous invite à lire les sections 3 et 4 du chapitre trois, relatives à la « Cohésion économique, sociale et territoriale » d’une part, à l’Agriculture et à la Pêche d’autre part. Permettez-moi d’observer que les Fonds à finalité structurelle et la Politique Agricole commune sont des choses qui existent, qui ont eu dans les années passées des effets considérables. Ce ne sont pas les manifestations d’une adhésion sans nuance au libéralisme le plus pur, et elles sont gravées dans ce projet du même burin et dans la même matière que les dispositions qui concernent la concurrence dans le Marché commun.

b) Vous dites aussi que le projet de traité a pour objet que « soient préservés, gravés dans le marbre les "acquis" du traité de Nice. » Or que contient ce traité ? D’une part une décision historique d’une grande portée, celle de l’élargissement. Il est évident qu’il aurait fallu renforcer et mieux aménager les institutions au préalable, mais il est tout aussi évident que nous ne pouvions pas refuser l’adhésion à des pays européens qui avaient été empêchés de le faire jusqu’ici par la dictature soviétique.

Est-ce cet acquis de Nice sur lequel vous voulez revenir ? Il faudrait le croire, car le deuxième élément de Nice, c’était la fixation de nouvelles règles de calcul de la majorité qualifiée et de composition de la Commission qu’il fallait bien prendre pour déterminer la participation des nouveaux entrants. A la suite d’empoignades peu glorieuses, les règles qui ont été fixées à Nice sont très loin de toute logique démocratique, incompréhensibles et injustifiables.

Le projet de traité a pour objet de revenir là-dessus. Notamment il a retenu pour la majorité qualifiée un double critère de majorité des peuples et de majorité des Etats, qui me paraît correspondre assez bien à l’état actuel de l’Union et qui constitue par rapport à Nice un immense progrès. Sur ce point très précis, Alain Lipietz a raison : le projet de traité ou Nice, il faut choisir.

2) Ce n’est pas la même crise que nous voulons ouvrir :

Vous voulez par le Non ouvrir une crise politique. Juridiquement, Lipietz a raison : si le Non l’emporte, les gouvernements devront s’incliner devant la volonté populaire qui aura rejeté le projet de traité, et continuer d’appliquer ceux qui sont en vigueur. Psychologiquement et politiquement, vous avez certainement aussi raison quand vous dites que la victoire du Non ouvrirait une crise majeure. Elle incitera, dites vous à une « remise à plat » non seulement du projet de traité, mais aussi de tous les traités antérieurs et déjà en vigueur. De plus « Elle sera suffisamment forte pour balayer en 2007, la droite libérale... »

Vous parlez sans doute des élections qui auront lieu en France cette année là, car le Parlement Européen qui vient de sortir des urnes et dont la majorité est en effet droite libérale est élu pour 5 ans, jusqu’en 2009. Je vous avoue que je ne vois pas très bien comment la majorité qui aurait fait le Non en France pourrait se transformer en fer de lance du progrès social.

Elle comprendrait le F N, des souverainistes et europhobes de tous poils (Pasqua, de Villiers, Chevènement), le vieux parti communiste qui semble ravi d’avoir trouvé des cautions social-démocrates pour renouer avec son europhobie traditionnelle, Attac, et enfin des courants du parti socialiste qui se disent européens et qui ne sont pas très homogènes (Emmanuelli, Montebourg et Fabius, même combat ?) Tout cela fait un ensemble hétéroclite, dont beaucoup d’éléments sont extrêmement ringards et d’autres franchement répugnants. Je vois la crise, je ne vois pas son issue heureuse et il faudrait que vous m’en précisiez le scénario pour que je puisse changer d’avis.

La crise que je veux ouvrir est une crise doctrinale. Elle consiste d’abord à reconnaître que personne ne dispose d’une théorie ou d’un programme consistant pour mettre en place la gouvernance économique alternative dont nous avons besoin. Elle consiste en même temps à rassembler les imaginations et les intelligences pour chercher au moins des éléments de réponse un peu solides à cette question essentielle, vitale. Rocard avec son éthique personnelle et assez rare du « parler vrai » a dans un long article que je vous recommande (Le Monde du 30 sept.) assez bien fait le travail de constat négatif. Je lui reproche en revanche de ne pas chercher à lancer le débat et la réflexion sur les moyens d’en sortir. C’est d’autant plus dommage que ses connaissances et son expérience le qualifient pour apporter des contributions très positives à cet indispensable effort de recherche. Il est vrai qu’il doit se sentir bien seul…

michel1955 - Toulouse - 14.10.04 19:46

La crise qui serait salutaire

Ressave,

Excusez-moi pour avoir mal interprété, votre interprétation de la partie III "les politiques et le fonctionnement de l'union".

Cette partie qui est selon vous un récapitulatif, ou un bilan de tous les traités signés, a donc pour moi même force juridique et constitutionnelle que les autres, par la volonté de ses rédacteurs. Si c'était non elle aurait dû faire l'objet d'une annexe. Cette partie III résulte donc d'une volonté délibérée de constitutionaliser des politiques d'inspiration libérale. Son intitulé "les politiques et le fonctionnement de l'union" exprime bien cette volonté.

Pour la politique agricole, je ne suis pas d'accord avec l'objectif

" Article III-123 -1. a) d'accroître la productivité de l'agriculture en développant le progrès technique, en assurant le développement rationnel de la production agricole ainsi qu'un emploi optimum des facteurs de production, notamment de la main-d'œuvre, " qui va entraîner encore une intensification de nos agricultures" mais je laisse le soin à nos amis paysans de vous répondre..

Je parlais des aspects économiques du traité de Nice, non de l'élargissement.

La crise dont je parlais est effectivement politique. Et si les élections dont je parlais étaient effectivement celles de 2007 en France, je pensais à une crise européenne, ouverte par le Non français.

Je n'entends pas comme le prétend François Hollande, que la France donne des exemples de démocratie au reste de l'Europe, mais je pense que le Non français, incitera d'autres pays à en faire autant. Il ne faut pas oublier que les élections de juin 2004, si elles ont maintenu la droite libérale au parlement, il y a une majorité de citoyens qui sont contre cette Europe et qui l'ont manifesté lors des dernières élections. On a interprété ces résultats comme des votes sanctions contre les politiques nationales de droite ou de gauche (Blair, Schroeder) mais les citoyens ne sont pas dupes, ces politiques nationales sont dictées par l'Europe. Il y aura d'ici 2007 en Europe d'autres élections... donc crise européenne.

"Le fer de lance du progrès social" je ne le vois pas du tout dans les partis politiques actuels que vous m'avez cités, tous sclérosés par leurs appareils, et qui ne représentent que leurs dirigeants. Je souhaite moi-même que tous ces partis explosent, tous ont prouvé leur incapacité, à donner une véritable espérance, et à changer quoi que ce soit, le jeu des alternances ou des cohabitations depuis presque 20 ans avec abstention de plus en plus grande et montée des extrêmes, le montre bien. Vous parlez de partis non recommandables, souvenons-nous que les électeurs du FN sont pour une bonne moitié issus du PC...

Il nous faut reprendre ces électeurs au F-HAINE, et il n'y a que le Non, pour arriver à la faire, mais un Non de Gauche.

Je vois ce fer de lance dans un rassemblement populaire au niveau européen qui naîtrait au lendemain du Non, ou peut être avant ce serait mieux. La figure charismatique qui mènerait ce mouvement reste encore à se révéler, mais soyez certain que le jour où elle se révèlera, les millions de déçus du socialisme et les millions de déçus de l'Europe de Maastricht, se lèveront avec elle...

Vous me répondrez sans doute que je rêve, oui c'est vrai je rêve à un nouveau de Gaulle, par exemple, ou mieux un nouveau Ghandi, mais un De Gaulle ou un Gandhi Européen.

Il n'est pas interdit de rêver. Surtout quand on a été tellement déçu.

Bien à vous Ressave

pap - vaucluse - 16.10.04 16:21

pour l'europe des peuples !

Non à l'Europe du fric construite dans le dos des gens qui vont tout droit au nivellement par le bas, au chômage chronique organisé et à la misère du plus grand nombre au profit d'une petite bandes de saligots qui veulent utiliser le modèle ultralibéraliste américain en faisant du copié-collé sur l'Europe.

L'Europe nous appartient et c'est à nous de la construire pour un monde meilleurs et au profit du plus grand nombre et cherchant à nous élever, pas en nous rabaissant au niveau des plus pauvres pour enrichir une poignée de politiques et de capitalistes véreux qui n'ont franchement rien à fiche de nos pomme.

IL FAUT VOTER NON A CETTE CONSTITUTION QUI VEUT ORGANISER LA REGRESSION SOCIALE OU SEULS COMPTENT LE PROFIT, L'INDIVIDUALISME, L'EGOÏSME, LE MEPRIS DES HOMMES ET DES FEMMES QUI NE SERONT PLUS QU'UNE SIMPLE MATIERE PREMIERE: CELLE DU TRAVAIL AU RABAIS.

ressave - Levallois Perret - 18.10.04 15:51

La crise doctrinale qu'il nous faut

Cher Michel 1955, Merci de poursuivre le débat avec honnêteté. Il me semble que nous avançons. Faute de temps, je ne vais pas vous faire une réponse aussi complète que je le souhaiterais. Mais cela aura l’avantage que je vais me limiter à l’essentiel.

Je voudrais d’abord vous reprendre sur cette formule : « les citoyens ne sont pas dupes, ces politiques nationales sont dictées par l'Europe. » L’Union européenne est l’œuvre d’Etats indépendants et souverains qui ont décidé de faire ensemble quelque chose de nouveau et de grand, et qui a mis fin, il faut le rappeler, à des siècles de guerres internes à l’Europe. Si imparfaite que soit cette Union, c’est certainement à mes yeux ce que nos gouvernements de toutes tendances ont fait de mieux depuis 50 ans.

Mais il faut quand même aussi rappeler que toutes les décisions au départ sont prises à l’unanimité et qu’il y a donc une certaine hypocrisie de la part des gouvernements à se défausser auprès de leurs opinions publiques de décisions qu’ils ont nécessairement approuvées ou au moins acceptées. Le maximum de réserve à l’égard d’une décision ou directive européenne qu’ils devraient formuler s’ils étaient honnêtes serait : « Nous ne la souhaitions pas mais nous y avons consenti pour tenir compte des souhaits de nos partenaires, ou de l’intérêt général européen, et par conséquent nous l’assumons. » Leur attitude de défausse a permis en plus la création et l’exploitation par les souverainistes et autres europhobes du véritable mythe des « Eurocrates » tout-puissants et anonymes qui viendraient imposer leur volonté aux peuples.

En disant que les citoyens ne sont pas dupes, vous êtes au contraire en fait la dupe de toutes les petites ou grandes hypocrisies de nos gouvernants et de leurs lâchetés, quand ils se présentent en victimes involontaires de décisions de l’Europe. Car fondamentalement, l’Europe c’est eux.

J’en viens maintenant à la crise doctrinale que je souhaite voir ouvrir et à la question du libéralisme économique qui lui est jointe. (Je dis libéralisme et pas néo ni ultra libéralisme, car à mon sens ces petits préfixes ne changent pas grand chose au fond du problème) Sommairement décrit, le problème est le suivant : nous, c’est-à-dire tous les hommes en général, n’avons pas l’expérience et ne connaissons pas d’autre moyen de faire de la croissance économique et du développement qu’en faisant appel à l’initiative privée libre et aux échanges dans le cadre d’un marché lui aussi libre.

C’est si vrai que même la Chine communiste a dû recourir à cette recette pour enfin décoller économiquement. Des générations d’économistes se sont évertuées à démontrer que ce « laissez-faire » général conduit nécessairement au meilleur des mondes possibles. Ils ont déployé dans ce but des trésors d’intelligence et fait des démonstrations dont certaines intellectuellement très séduisantes.

Le seul malheur est que c’est faux : la « main invisible » qui conduit la vie économique est plutôt la main du Diable que la main de Dieu, si on regarde le résultat du point de vue de la justice sociale et du respect de l’environnement qui est nécessaire à la poursuite de la vie sur la planète. Mais encore une fois, nous n’avons pas de doctrine ni même un ensemble de recettes assez consistant pour dire comment on pourrait faire du développement économique qui soit en même temps humain durable et équitable.

J’ai bien aimé votre image « d’une toile d'araignée complètement poisseuse » mais c’est à la doctrine du libéralisme économique que je l’appliquerais, pour signifier que nul ne sait comment s’en dépêtrer. C’est pourquoi, à mon sens, selon les termes que vous employez, les gouvernements successifs, en France et ailleurs, ont été, quelle que soit leur bonne volonté, impuissants « à changer quoi que ce soit, le jeu des alternances ou des cohabitations depuis presque 20 ans avec abstention de plus en plus grande et montée des extrêmes, le montre bien. »

Pour résoudre ce problème vital, je crois nécessaire dans un premier temps d’entreprendre un travail de recherche et de réflexion. Si beaucoup de gens réunissent leurs efforts dans ce sens, je suis persuadé qu’ils trouveront des choses utiles et efficaces : un problème bien posé, honnêtement et clairement, est déjà sur la voie de sa solution.

C’est seulement quand déjà un programme de premières actions allant dans la bonne direction aura été formulé que le rassemblement populaire et le chef charismatique que vous appelez de vos vœux deviendront utiles, car il faudra certainement beaucoup de courage et de volonté politiques pour mener ces actions.

S’ils survenaient aujourd’hui, ils ne sauraient pas quoi faire de durablement efficace et ils iraient donc vers une désillusion supplémentaire. C’est pourquoi je souhaite absolument que la crise politique que vous voulez ouvrir ne s’ouvre pas. C’est pourquoi aussi je dis que ceux qui prétendent qu’en refusant les améliorations institutionnelles qu’apporterait le traité ils luttent efficacement contre l’ultralibéralisme, ceux-là se trompent ou nous trompent, car ils apportent une très mauvaise réponse à une très bonne question.

Bien à vous

michel1955 - toulouse - 19.10.04 18:11

D'accord sur le fond

Vous avez très bien résumé Ressave votre point de vue. Si je vous comprends bien, et si à mon tour je résume correctement nos positions, nous sommes d'accord sur le fond, une alternative au modèle capitaliste actuel est nécessaire mais vous, vous souhaitez ouvrir le débat, ou provoquer la crise doctrinale après avoir conforté par le Oui, ce modèle. Comment vous y prendrez-vous ? Attendrez-vous les élections de 2009, alors que nos adversaires, vont immédiatement profiter de cette victoire que vous leur aurez offerte, pour conforter leurs politiques de déconstruction sociale ?

Je souhaite pour ma part, profiter de la crise qui sera ouverte, par le Non, pour engager cette réflexion, voire la provoquer. Voilà ce qui nous oppose, dans ce débat si riche.

La crise que j'appelle sera politique, la plupart des partis exploseront, elle sera européenne, car j'espère qu'il y aura des débats semblables chez nos amis et voisins, referendum ou pas et qui feront également exploser leurs partis.

Elle sera et là j'essaie à mon tour d'avancer dans ma réflexion, surtout financière, la Bourse va en prendre un coup ! Et pour éviter qu'elle ne devienne économique, pour éviter les fuites de capitaux, ou la mainmise sur nos entreprises de prédateurs étrangers, il faudra bien que nos gouvernements prennent des mesures d'urgence. La première de ces mesures devra être une taxation des mouvements de capitaux, oui, cette fameuse taxe Tobbin, que l'actuel projet de traité constitutionnel rend impossible, par les article III -46 et suivants " (3). Par dérogation au paragraphe 2, seule une loi ou une loi-cadre européenne du Conseil peut établir des mesures qui constituent un pas en arrière dans le droit de l'Union en ce qui concerne la libéralisation des mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers. Le Conseil statue à l'unanimité après consultation du Parlement européen." (...)

Même si les Traités de Nice et antérieurs s'y opposent, il faudra que les gouvernements aient le courage de passer outre et que ces mesures soient prises très rapidement. Les mouvements sociaux ou citoyens de l'ensemble de nos pays pourront les y aider fortement. (C'est pour cela qu'on a besoin d'un leader) Et ce sera l'occasion de s'unir non plus pour déconstruire, mais bien pour construire, construite une nouvelle constitution, sur la base de cette taxe Tobbin, et des 21 exigences d'Attac par exemple.

Quel magnifique exemple de démocratie l'Europe donnerait alors au reste du monde, ses citoyens tous unis, poussant leurs gouvernants à instaurer cette taxe Tobbin! (Celle-ci servirait bien sur à financer la lutte contre la pauvreté). Ces autres pays pourront alors eux aussi instituer des mesures semblables. Ce serait le premier pas vers la taxe mondiale, que je verrais pour ma part non pas limitée à 0,1% des capitaux qui circulent, mais à un taux bien plus élevé et dont le produit ne serait plus affecté exclusivement à la lutte contre la pauvreté, mais à réparer tous les méfaits de ce capitalisme... Il faudra bien que ces fichues multinationales participent véritablement au développement... et que celui-ci devienne véritablement soutenable.

Voila le mot est lâché! Le développement soutenable, des jeunes Verts de la "Souris Verte" voilà le projet auquel je pense pour "se sortir de cette toile d'araignée complètement poisseuse".

Voilà cher Ressave, brièvement développées, quelques idées, pour faire avancer ce riche débat, elles peuvent vous sembler utopiques ou naïves, mais ce ne sont jamais que des ébauches d'idées à approfondir. J'attends maintenant de vous, de savoir comment vous pourriez de votre côté provoquer cette crise doctrinale au lendemain du Oui à ce référendum

Bien à vous

Brimstone - Curemonte - 20.10.04 23:27

Libéralisme : néo, ultra ou sans rien

Ressave, contrairement à vous, je crois que "néo-" ou "ultra-", concernant le libéralisme, ne sont pas des préfixes inutiles et vides de sens.

Dans le libéralisme classique en vigueur jusqu'il y a un quart de siècle, les grands empires industriels projetaient leur action dans le long terme. Ford, Renault, Dassault, Michelin etc. ne cherchaient pas à acheter de nouvelles entreprises dans le but délibéré de les revendre avec une plus-value cinq ans plus tard mais à se tailler un patrimoine historique, à l'agrandir et à le faire fructifier. La construction d'une nouvelle usine qui ne deviendrait rentable que vingt plus tard était dans la logique des choses. L'actionnariat suivait le patron -qui était souvent le créateur de l'empire économique (ou le fils ou petit-fils de) - et les actionnaires ne se permettaient pas de mettre le patron sur le gril pour augmenter le dividende de l'année en cours si cela hypothéquait la politique que le patron avait seul décidé pour l'avenir à long terme. Par ailleurs le libéralisme classique s'exerçait sur des territoires géographiques limités protégés par des barrières douanières qui n'étaient pas totalement imperméables à l'arrivée de produits étrangers mais les limitaient fortement.

Le néolibéralisme en est presque le négatif. Là où le libéralisme classique était confiné dans l'espace (barrières protectionnistes à l'intérieur desquelles les mêmes règles étaient en vigueur) mais pas confiné dans le temps (politiques ciblés sur la permanence et le long terme), pour le néo-libéralisme c'est l'inverse : il est confiné dans le temps [seul compte le profit des deux ou trois exercices financiers à venir; le je m'en-foutisme prime quant au long terme ("arrivera à l'entreprise ce qui arrivera, on vendra nos actions avant")]; le néolibéralisme a par contre, avec la mondialisation de l'économie, jeté à la poubelle son confinement spatial. Le caractère relativement récent de ce chassé-croisé du confinement temporel et spatial justifie pleinement le préfixe "néo".

L'ultra-libéralisme, c'est autre chose. L'ultralibéralisme est au libéralisme ce que l'anorexie est au régime de minceur, ou la canicule au temps estival agréable. Disons que c'est un libéralisme allergique envers toute mesure corrective émanant des pouvoirs publics dans le but de limiter les inégalités qui sont inhérentes à la logique libérale. Contrairement au néolibéralisme il n'est pas nouveau dans l'histoire car son heure de gloire se situe précisément entre la moitié du dix-neuvième siècle et la Grande Dépression du début des années 1930; il mériterait plutôt d'être appelé archaïque. Laissé à lui-même, l'ultralibéralisme tend naturellement à des cascades de faillites ou de fusions, une paupérisation généralisée, une concentration des richesses et une disparition des classes moyennes. Si l'avenir de l'Union Européenne passe par des situations de type russe ou argentin, on devrait peut-être commencer à songer à la quitter.

Keynes en tant que théoricien, Roosevelt en tant que politique, avaient trouvé la réponse adéquate dans les années 1930 à la crise du monde ultra (sic!)-libéral de l'Amérique des années 1920. Keynes n'a pas jeté son libéralisme aux ornières. Le défi d'aujourd'hui consiste à trouver des parades -ciblées- au libéralisme dévoyé d'aujourd'hui. Si les réponses keynésiennes ne suffisent pas aujourd'hui, c'est que ceux-ci ne tiennent pas compte du chassé-croisé du confinement spatial et temporel que j'ai développé plus haut.

Une parade ciblée et adéquate, bien que loin d'être suffisante, pourrait être la taxe Tobin que Michel 1955 a évoquée. Une autre mesure pourrait être une baisse des impôts pour les entreprises (oui, une baisse) mais couplée à une imposition sur le profit qu'une entreprise génère par salarié. Exemple tout simple : M. Tom et M. Jerry sont concurrents. Leur entreprise réalise le même bénéfice avant impôts : 200.000 Euros. Chacun a 50 salariés. Ils paient le même impôt.

L'année suivante M. Tom "dégraisse"; il ne pense pas au long terme et seul compte pour lui le bénéfice maximal immédiat : il congédie donc 10 salariés et n'en garde que 40. Le bénéfice avant impôts qu'il réalise l'année suivante est de 240.000 Euros, c'est-à-dire qu'il gagne (240.000 / 40) = 6.000 Euros sur la tête de chacun de ses salariés (brut).

M. Jerry, par contre, est un libéral de la vieille école. Son horizon, c'est 2030; il n'a pas la démangeaison de voir ses actions atteindre des sommets en 2006 pour les voir dégringoler en 2007. Il engage donc 10 salariés et son entreprise en compte à présent 60. Le bénéfice qu'il réalise l'année suivante est de 180.000 Euros, c'est-à-dire qu'il gagne (180.000 / 60) = 3.000 Euros sur la tête de chacun de ses salariés (brut).

Aujourd'hui les pouvoirs publics avantagent M. Tom. Mais si l'impôt se faisait par tête de salarié, et que dans la tranche de 3.000 Euros, M. Jerry paie 20% et dans la tranche de 6.000 Euros, M. Tom est imposé à hauteur de 40%, le bénéfice net serait : - pour M. Jerry : 3.000 Euros/salarié x 80% x 60 salariés = 144.000 Euros de bénéfice net qu'il garde sur son bénéfice brut de 180.000 Euros; - pour M. Tom : 6.000 Euros/salarié x 60% x 40 salariés = 144.000 Euros de bénéfice net qu'il garde sur son bénéfice brut de 240.000 Euros. Même solde net pour chacun. Mais M. Jerry a agrandi son entreprise...

Evidemment, c'est un cas d'école. Mais le principe de l'impôt par tête de salarié me semble aller dans un sens qui tend à redonner au libéralisme la responsabilité des gestions à long terme. Reste à savoir : 1) si le projet de constitution Giscard l'autoriserait; 2) si les délocalisations n'en réduiraient pas l'impact. Assurément une telle approche aurait plus de chances de réussir si elle était appliquée à l'échelle européenne et non exclusivement française.

Pour ce qui est de l'autre volet du néolibéralisme, le remplacement des protectionnismes nationaux par une économie mondialisée, je pense que l'Europe aurait mieux fait de rester relativement protectionniste, mais à l'échelle des frontières extérieures de l'U.E. Disons que je suis assez partisan d'un "Schengen économique", et qu'on devrait élever les droits de douane pour les produits hors U.E., et corréler notamment les taxes d'entrée en U.E. au respect de normes sociales et écologiques par les pays où ils sont fabriqués.

ressave - Levallois Perret - 25.10.04 15:38

Le débat s'approfondit, continuons

Internet est vraiment un outil formidable pour discuter entre simples citoyens d’affaires publiques qui sont nos affaires. Je me réjouis de l’enrichissement apporté par Brimstone à notre débat, et je vais tenter de poursuivre notre réflexion en tenant compte des contributions de Michel et de Brimstone.

Au sujet des préfixes néo et ultra accolés à libéralisme, j’ai trouvé, Brimstone, votre description historique des trois formes du libéralisme excellente. Je n’avais pas dit que ces préfixes étaient vides de sens, j’avais seulement dit qu’à mes yeux ils ne changent pas grand chose au fond du problème que je me pose. Je dois donc vous expliquer ce qui m’a conduit à négliger ces distinctions.

Le but ultime, l’idéal en fonction duquel j’essaie d’orienter ma réflexion, est la réalisation d’un développement humain durable et équitable. Un tel développement pour mériter son nom doit nécessairement s’envisager au niveau de l’humanité tout entière. Cette nécessité est l’effet de deux solidarités qui se conjuguent : solidarité pratique qui résulte de ce que nous vivons tous sur la même planète, et que celle-ci est en grand danger ; solidarité éthique qui résulte de ce que tous les hommes naissent égaux en droits et en devoirs.

Ce développement nécessite la mise en place d’une gouvernance économique au niveau mondial d’un type entièrement nouveau. Il faut en effet envisager des transformations très profondes et cohérentes entre elles dans nos activités de production, d’échange, de consommation, enfin de traitement des déchets qui résultent des activités précédentes. Ce que j’ai voulu dire, c’est que quelque chose qui pourrait s’analyser comme un retour au libéralisme « sans rien » c’est-à-dire débarrassé de ses deux détestables préfixes ne serait pas à la hauteur des problèmes. Il nous faut inventer et créer quelque chose de véritablement nouveau, et cela est certainement possible si beaucoup de gens se mettent à y réfléchir en reconnaissant d’abord honnêtement que nous ne savons pas déjà et d’avance ce que ce sera.

Si on commence à y réfléchir, deux idées s’imposent assez vite.

1° Il ne faut pas se priver de ce formidable moyen d’organiser les échanges que constitue le marché, mais il faut arrêter de se diviser entre un camp qui le divinise et un camp qui le diabolise. Le marché, laissé entièrement à lui-même, nous conduit à des injustices inacceptables et à la catastrophe écologique ; vouloir le supprimer nous met en face de difficultés insurmontables. Tout le problème, et il n’est pas mince, est donc de le domestiquer, de l’encadrer, canaliser, réguler, diriger de telle façon que l’ensemble des activités, la distribution des revenus, les consommations qui en découlent, tout cela se rapproche de notre idéal. J’ajoute que l’arsenal des régulations à mettre en place contiendrait vraisemblablement des mesures du genre de la taxe Tobin, ou de l’impôt sur les bénéfices que vous suggérez, Brimstone : preuve que quand on se met à y penser et à plusieurs, on trouve des idées.

2° Bien que le problème soit posé au niveau mondial, la solution au niveau institutionnel n’est pas quelque chose comme un Etat mondial. Celui-ci n’est ni vraisemblable ni, me semble-t-il, souhaitable. Là aussi il faut savoir inventer du nouveau, et de ce nouveau la construction européenne telle qu’elle est, et si insatisfaisante qu’elle soit à bien des égards, constitue dans le monde réel l’expérience la plus poussée et qu’il faut poursuivre. Et, pour en revenir au traité constitutionnel, je maintiens que l’Europe avec ce traité fait un petit pas dans la bonne direction, et qu’elle est préférable à ce que serait l’Europe sans ce traité, car mieux à même d’œuvrer dans la bonne direction.

Je sais bien que cette affirmation, qui me paraît pourtant presque évidente, ne passe pas, et je vous remercie, Michel, d’avoir développé votre scénario d’après Non, car il permet de mieux voir où sont les incompréhensions. En vous lisant, je me suis posé deux questions :

1° Le schéma de crise et des suites de cette crise que décrit Michel lui est-il personnel, ou bien est-ce cela qu’ont en tête les partisans du Non qui ne sont ni FN ni souverainistes ?

2° Ce schéma est-il vraisemblable ?

A la première question, je ne sais pas répondre, mais il serait intéressant que les autres partisans du Non sur ce forum, qui sont me semble-t-il la majorité, disent s’ils partagent les analyses et les espoirs de Michel ou sinon qu’ils expliquent quel est pour leur part le scénario d’après Non qui les motive.

A la deuxième question, après y avoir réfléchi, ma réponse est claire : ce scénario me paraît totalement invraisemblable. Vous imaginez, Michel, une véritable explosion en chaîne des partis politiques qui commence en France et gagne ensuite toute l’Europe. A partir de là vous décrivez une situation de table rase, où les traités en vigueur et les institutions en place volent aussi en éclats, et de tout cela se dégage finalement une volonté populaire clairement exprimée sur le but à atteindre et les moyens à employer pour y parvenir.

Je vois bien le risque d’explosion du parti socialiste français. Ou plutôt, au lieu de la pulvérisation dans les étoiles que vous décrivez presque poétiquement, je vois un fort risque de scission. Les éléphants du parti, son appareil et ses militants ne disparaîtront pas ni ne seront transformés par miracle, mais les déchirements qui se seront exprimés dans ce débat sont si profonds qu’ils en viendront peut-être à se séparer, et cela avant même l’éventuel Non français, si le referendum interne organisé par F. Hollande aboutit à un Non socialiste.

Mais les autres partis, qu’adviendra-t-il d’eux si le Non l’emporte ? Ceux du cartel des Non, du FN au PC, en sortiront au contraire tout ragaillardis et plus bruyants que jamais. Les centristes seront certainement très mortifiés, car ils sont des pro-européens ardents, convaincus que cette Constitution constitue un progrès, mais pourquoi cela les ferait-il exploser ? Quant à l’UMP chez qui le souverainisme n’est pas très loin, je la vois assez bien se consoler de l’échec de cette tentative de faire une Constitution pour l’Europe dont elle n’était pas demandeuse.

Je ne la vois pas exploser, sauf peut-être certains d’une joie secrète, si l’Union n’a toujours pas la personnalité juridique, si l’ambition de la doter d’un ministre des Affaires Étrangère est abandonnée pour longtemps, ou encore si la Charte des droits fondamentaux n’est pas confortée par un vote populaire, entre autres choses. Quant au reste de l’Europe, le plus vraisemblable à mon avis est qu’elle interprétera le Non français comme la suite presque logique des élections du 21 avril 2002, un repli haineux et sans ambition. Cela en attristera certains, mais delà à ce qu’ils explosent…

Ce Non à la Constitution aura pour effet de geler pour longtemps l’Europe dans l’état où elle est aujourd’hui ; l’élan fédérateur est déjà bien essoufflé, il sera brisé si non définitivement du moins pour longtemps. Tout ce qu’il y a en Europe d’eurosceptique et d’ultralibéral se satisfera très bien de cet état de chose : c’est là en effet le plus triste à mes yeux, ne pas adopter la Constitution c’est plutôt conforter l’ultralibéralisme, car c’est priver l’Europe de moyens qui auraient pu lui servir à construire le monde institutionnel nouveau dont nous avons besoin pour en sortir.