Srbija
Srbija
Ja znam sva tvoja lica, svako šta hoće, šta nosi,
gledao sam sve tvoje oči, razumem sta kažu, šta kriju.
Ja mislim tvoju misao za čelom ti u kosi,
ja znam tvoja usta šta ljube, šta piju.
Ej, piju od tuge, od znoja, od muke,
od noći, od sijerka koji se teško melje.
Ja sam u mlinu, sred buke
žrvnja, čuo sve tvoje želje
i brige tvoje, oj, Srbijo među pesmama među šljivama
oj, Srbijo među ljudima
na njivama,
oj, Srbijo među pesmama, među stadima,
oj, Srbijo, pesmo među narodima.
Pesmo tužna, meka si milošta
što plače kao krv grožđa, kao suza mosta,
kao onaj poljubac, onaj miris perja što utka
u gugutanje svoje gugutka.
Oj, milošto meka, klik si divlje plovke
nad jarom iz koje stasa
crveni ugalj sunca
u zrnu svakog klasa,
ali bosa pesmo gluve žalopojke,
kad prestaju pesme, kad počinju psovke?
Gladna ruke, slepe jadikovke,
kad će hajduk bune iz tebe da grune?
Psovke i psovke, ej, u čije zdravlje
zalud je oranje, zalud je letina?
Kletve i kletve, za čije je truplo kravlje
nabrekla Mačva od žita, oteklo Pomoravlje,
bure u bune, za čije se zube lavlje
dimi od mleka ovca i dimi planina,
kad Mačva nije sita, kad Mačva nije sita?
Kroz mukle lance dana, koža suvonjavih.
Svu su je proderali duboki rovovi bora.
Od rovovskog rata od zemlje poplavi
i skori se lice preko gladi - kora;
to lice što nije lice, ti dani što nisu dani,
ti dani ranjenih lica, ta lica kao tabani;
trnje im ne može ništa i ništa - udari…
A svako od tuge za dan
kao vek čitav ostari
I zbrčka se, oj, Srbijo među bunama, među šljivama,
oj, Srbijo među ljudima
na njivama,
oj, Srbijo među pesmama, među brdima,
oj, Srbijo,
pesmo među narodima.
Tužna pesmo, majko stara,
brat nam je u taljigama dovukao iz grada
kamenu ploču, kamenog dinara,
za med našeg znoja, vino našeg rada.
A đikaju deca u lazigaćama, pod kosom,
u blatu, među svinjama, među patkama,
hraniš ih, Srbijo, druže, više prosom, više postom,
više bajkama, uspavankama, više gatkama,
i pokrivaš ih mrakom što tako teško pada
da gnev po cele noći do oblaka pali
bunom iz koliba, polja, vinograda,
pevajući srcem što sebe ne žali
niz sedmu rupu na krajnjoj svirali,
oj, Srbijo među bunama, među šljivama,
oj, Srbijo među ljudima
na njivama,
oj, Srbijo među pesmama u grudima,
oj, Srbijo,
buno među narodima.
La Serbie
Je sais tous tes visages, chacun ce qu'il porte, ce qu'il veut,
j'ai regardé tous tes yeux, je comprends ce qu'ils disent, ce qu'ils savent
Je pense tes pensées sous ton front, sous tes cheveux,
je connais tes lèvres, ce qu'embrassent, ce que boivent.
Eh oui, boivent pour oublier leur sueur, leurs larmes,
leurs peines, leurs nuits, le grain dur à broyer.
C'est au moulin que j'ai, au milieu du vacarme
des meules, perçu tout ce dont tu pouvais rêver,
et tes soucis, ô Serbie, dans les chansons et les pruniers,
ô Serbie parmi tes gens
dans les champs et les prés,
ô Serbie des troupeaux, des chants des paysans,
ô Serbie, parmi les peuples toi-même chant.
Chant mélancolique, tendre et doux
qui pleure comme le sang de la grappe, la larme du moût,
comme ce baiser, ce duvet odorant
dont la tourterelle tisse son roucoulement.
O tendre douceur, tu es l'appel de la sarcelle
au-dessus de la fournaise où mûrit
le rouge charbon du soleil
dans le grain de chaque épi.
Aussi chanson nu-pieds de la sourde complainte
quand cessent les chants, commencent les jurons.
Main affamée, aveugles plaintes,
quand bondira de ton sein le haidouk(1) de la rébellion ?
Sacrer, jurer, eh, c'est au profit de qui
que ne servent à rien ni labour ni moisson ?
Râler, maudire, pour quelle bedaine de truie
La Matchva est-elle gorgée de blé, le Pomoravlie(2) d'épis,
Tempêtes et révoltes, pour quelles dents de nantis
fument de lait les brebis, fument de lait les monts,
quand la Matchva a faim et l'estomac dans les talons ?
Sous les muettes chaînes des jours la peau flétrit,
les profondes sapes des rides la ravinent.
La guerre de tranchées, la terre font que bleuit
Le visage et se fige en une écorce de famine ;
Ce visage qui n'est pas visage, ces jours qui ne sont pas journées,
Ces jours de visages blessés, durs comme plante des pieds ;
les épines n'y peuvent rien, et les coups rien non plus...
Mais chacun de chagrin au cours d'une journée
prend un siècle de plus
et se racornit, ô Serbie, Serbie des révoltes, des pruniers,
ô Serbie des paysans
dans les champs et les prés,
ô Serbie des chansons, des coteaux, des versants,
ô Serbie,
parmi les peuples toi-même chant.
O chanson triste, ô ma vieille mère,
de la ville le frère nous a rapporté sur son chariot
une dalle de pierre, payée d'argent de pierre
pour le miel de nos sueurs, le vin de nos travaux.
Et les enfants grandissent à quatre pattes, sous leur toupet,
s'abattent dans la boue entre les cochons et les canards,
tu les nourris, camarade Serbie, surtout de jeûne et de millet,
de charades, de berceuses, de fables et d'histoires,
au soir tu les recouvres des ténèbres qui tombent si lourdes
que la colère, des nuits entières, brûle jusqu'aux nuées
de la révolte des chaumières, des vignes, des labours,
chantant d’un cœur pour lui-même sans pitié
par le trou le dernier du pipeau le dernier(3),
ô Serbie des révoltes, des pruniers,
ô Serbie des paysans
dans les champs et les prés,
ô Serbie des poitrines, de leurs chants,
ô Serbie
d’entre les peuples se rebellant.
(Traductions en vers : Jean-Marc Bordier)
(1) Hajdouk : guerrier rebelle contre le joug turc.
(2) Matchva, Pomoravlié : régions fertiles de Serbie.
(3) Expression populaire désignant les gens humbles, sans importance.