Portrait

Sous l'écrin précieux des paupières graciles

Les prunelles azurées de deux yeux mutins

Semblent briller d'imperceptibles battements de cils

D'une langueur soyeuse et de douceur satin.

La passion du regard, vibrante, se devine,

Anime le visage d'une pureté de madone.

La bouche dessine la forme d'un baiser sur les lèvres fines.

Une main délicate posée au creux de la poitrine

Semble contenir les battements du cœur.

L'autre main tient précieusement quelques tendres feuillets

Dont chaque mot inscrit diffuse une douce chaleur

Et parle de retour, de tendresse et d'amour

D'avenir tissé de promesses de bonheur

Mais il n'y a jamais eu de jour de retour

Jamais eu de tendresse et jamais eu d'amour

Désormais est restée une jeune fille en deuil

Car une violence absurde et cruelle

Étendant autour d'elle un voile de malheur

S'offre impunément, et le droit, et l'orgueil

De morts au champ d'honneur

Caché entre les pages d'un modeste recueil

J'ai trouvé, par hasard, ce vieux portrait jauni

À l'endos, quelques mots s'y retrouvaient écrits :

À Étienne,

mon tendre et si précieux amour,

Bruxelles, le 3 octobre 1917, Lydie

27 octobre 1997