La danse du hibou


Consigne imposée : La bise est venue, mais ne vous trouve pas dépourvus : vous êtes libres cette semaine d'inventer la chorégraphie qui vous plaira... avec toutefois une figure imposée : devra impérativement figurer dans votre texte cette expression : "la danse du hibou".


Dès que le jour s'est fait la malle, que la forêt s'apprête pour la nuit, deux hiboux, dans la fleur de l'âge, aiment se retrouver pour discuter, d'environnement, de littérature, de philosophie, mais inévitablement leur conversation déviera sur Miette, une ravissante chouette. Tous les deux éprouvent pour la demoiselle un certain penchant et souhaiteraient que de sa part, il en soit autant.

Situé au sein d'un vénérable érable, un trou confortable est le lieu du rendez-vous. Quand Harfy et Kéchou ont le gosier sec, que leur estomac donne des signes de détresse, ils partent à la recherche de quoi le sustenter. Puis, dès que le jour fait son entrée, fatigués par leur promenade nocturne, l'appétit rassasié, les deux copains se laissent tomber, avec béatitude, dans les bras de Morphée.

Mais, il arriva qu'un jour, ils furent pris au cœur d'une tourmente. Impossible, pour eux, de clore les paupières, ce faisant leurs yeux restaient inexorablement ouverts recevant, malgré eux, les affres de la lumière. C'est ainsi que découvrant le décor sous la lumière du jour, ils eurent la mauvaise surprise de constater que leur chère forêt avaient un drôle d'aspect. Un nombre impressionnant de sapins, d'érables, de chênes gisaient lamentablement sur le sol. De multiples et gracieuses fougères avaient été piétinées, arrachées. Harfy et Kéchou ne savaient que penser. Mais, qui donc pouvait être l'auteur de ce méfait ? S'agirait-il de ces bipèdes étranges au sujet desquels le bruit courrait qu'ils n'avaient aucun respect pour la protection de leur environnement. Sans vergogne, ces individus polluaient les mers et les cours d'eau, émettaient des gaz aux effets de serre, pratiquaient allègrement la déforestation. À la vue du désolant spectacle, Harfy et Kéchou se sentirent soudain submergés non par une vague de tristesse, mais par un sentiment bien plus désagréable ayant le visage d'une juste colère, à défaut d'être une rage véritable. Ce mal être leur était tombé sur le cœur comme un rapace tombe brusquement sur la proie qu'il convoite. Que dirais-tu, si pour l'exorciser nous nous mettions à hululer à gorge déployée, demanda Kéchou ? Géniale idée, répondit Harfy, mais sais-tu qu'en la lointaine Afrique existe une intéressante coutume. Il paraît que certaines tribus chantent et dansent pour éloigner les mauvais esprits ? Je l'ai lu dans un bouquin ajouta-t-il, très sûr de lui. Kéchou toujours impressionné par les connaissances et le côté intello de son copain, estima qu'effectivement hululer et danser serait une bonne idée. Celle-ci acceptée à l'unanimité, il ne restait plus qu'à élaborer une chorégraphie. L'un comme l'autre y alla de ses suggestions : pirouette à gauche, retour au centre, pirouette à droite, nouveau retour au centre, croisement de pattes, puis battements d'ailes, élévation avec pirouette dans les airs, et puis, hop, on retombe légèrement sur la terre, le tout sur fond de perçants hululements. Et, c'est ainsi qu'un jour nos deux amis, de concert, inventèrent, la danse du hibou au pouvoir extraordinaire de faire disparaître leur furieuse colère. Tenez, si un jour, par hasard, vous sentiez que la moutarde vous monte au nez, vous saurez ce qu'il vous reste à faire. Où que vous soyez, peu importe qui se trouve à vos côtés et même si certains déclarent que vous avez perdu la tête, dansez la danse du hibou, dansez avec ardeur, et n'oubliez pas d'avoir une pensée émue pour Harfy et Kéchou, les dynamiques concepteurs.

Novembre 2011