Divers problèmes sont rapidement apparus, sans que les conséquences à long terme soient directement visibles :
Conséquence : pas moyen d’évaluer si quelqu’un est au-dessus des attentes par rapport à des objectifs non fixés … et, pour les intéressés, impossibilité d’obtenir une appréciation meilleure que « B » !
Dans un certain nombre de service, le problème n’est pas un manque de temps, mais le fait que l’activité dépend des demandes de la clientèle (professionnelle et privées). Certaines années, il y a trop de travail pour encore faire des choses en plus ; d’autres années, au contraire, il y en a trop peu. Dans ce cas également, chacun reçoit l’évaluation minimum (« B »).
À défaut d’objectifs, il a quand même fallu introduire une forme de récompense dans ces services, en faveur des travailleurs les plus méritants.
On s’est vite trouvé devant un système qui donnait l’impression d’avoir été créé pour faire de gros cadeaux financiers à quelques centaines de « petits copains » de la direction, tout en donnant l’illusion que tout le monde était égal devant le système. Ainsi, on a appris que certains directeurs avaient obtenu des primes de près de 500000 BEF … soit plus que le salaire annuel brut d’un jeune employé !
À la même époque, les directions de plusieurs grandes banques désirait diminuer le salaire payé aux « stagiaires ONEm »[4]. Elles estimaient ne plus avoir les moyens de les payer à 100% du barème d’entreprise et avaient décidé de les payer à 90% du barème du secteur …[5], alors que, au bout de quelques semaines, ils étaient soumis aux mêmes exigences de travail qu’un employé contractuel.
Ceci entraina une réaction syndicale, puisque une diminution des primes de la haute hiérarchie aurait largement suffit à payer les stagiaires à 100% du barème d’entreprise. Ce fut déterminant dans la position syndicale par rapport au montant des primes liées à l’appréciation (et, plus tard, des éléments de « salaire lié à la performance ») : une limitation des montants, sur base des principes :
PROCÉDURE LONGUE
La procédure d’appréciation est particulièrement longue : le calendrier[6] court du 15 décembre (démarrage de la procédure) au 15 juin (fin du traitement des recours). Mais, nous l’avons vu par ailleurs, ce calendrier n’est pas nécessairement respecté. Nous avons connu des recours qui se terminaient en décembre !
Autre problème : le nombre de personnes à évaluer. « Le système semble être prévu pour de petites sections (5-10 personnes) et dans des conditions normales (et pas : surcroit de travail, réorganisation, changement incessant de personnel …). (…) Vu la quantité de travail, les chefs n’ont matériellement pas le temps d’appliquer une procédure particulièrement ‘mangeuse’ de temps (…). Comment un chef de section, qui a 25 personnes (dont plusieurs DD, stagiaires, etc.) sous ses ordres, réparties sur 2 sites, peut-il, en plus de son travail normal, valablement suivre et apprécier son personnel (…) ? »[7].
La plupart des chefs n’ont d’autre possibilité que de préparer les entretiens d’évaluation en dehors des heures de travail … Dans certains départements, la direction encourage les travailleurs à faire de même (ce qui entraina une réaction syndicale).
UN SYSTÈME INAPPLICABLE ?
On a parlé des problèmes liés à la mauvaise application du système, mais peut-il vraiment fonctionner ? Autrement dit : y a-t-il moyen de (bien) appliquer les règles ?
Pour permettre au personnel d’améliorer la qualité du processus d’appréciation, la banque a organisé des formations s’adressant tant aux appréciateurs qu’aux appréciés (mais qui, à notre connaissance, n’ont concerné que quelques dizaines de personnes) : deux jours de formation par un consultant externe. Formation intéressante, certes, mais qui a quand même laissé un goût amer lorsque deux participants, dans une relation hiérarchique, ont tenté de mettre en pratique leurs connaissances acquises, pour arriver à la constatation que, dans leur service et leurs conditions de travail, il était impossible d’appliquer la procédure d’appréciation selon les règles !
En outre, le changement continuel des règles rendent leur maitrise difficile par les différentes acteurs (appréciateurs et appréciés). Il faudrait, à chaque fois, refaire des formations …
EFFETS INDÉSIRABLES
« L’évaluation est facteur de stress. Le salarié redoute l’arbitraire et le manque d’objectivité. Pour remédier à cela, les systèmes ont souvent choisi de bureaucratiser les modes de rétribution et d’avancement (méthode de l’ancienneté). Cela ne génère pas de stress mais de la frustration. Une évaluation qui offre des garanties suffisantes d’objectivité et une subjectivité limitée permet d’éviter et le stress et la frustration. »[8].
[1] Selon une clé de répartition déterminée par la direction ; p.ex. : B = 100% - TB = 150% - TTB = 200% de la prime de base … à condition que l’enveloppe budgétaire le permette, sinon on procède à une réduction proportionnelle.
[2] P.ex. : employé = 100% - chef de section = 150% - chef de service = 200% - etc.. À cotation égale, un chef de service principal touchera une prime près de 2,5 fois plus élevée qu’un employé de son service (G-Information, 13/2/1997).
[3] Tract du Syndicat libéral, siège de Liège-Verviers, 7/1988.
[4] L’idée était de permettre aux jeunes travailleurs de faire un stage en entreprise, de 6 mois ou un an, de façon à acquérir une expérience leur permettant de trouver plus facilement un travail fixe par la suite. Ce système a vite connu des dérives, les employeurs utilisant les stagiaires comme « main d’œuvre à bon marché » …
[5] Les stagiaires étant sensés apprendre à travailler, et non pas travailler, la législation permettait de les payer en dessous du barème.
[6] BNP Paribas Fortis, processus d’évaluation 2008 – 2009. Le 1er mois est consacré à la préparation des entretiens, la seconde moitié de janvier à la « calibration des scores relatifs aux résultats individuels » ; les entretiens d’évaluation ont lieu pendant le mois de février, les recours peuvent être introduits du 15/3 au 15/4 ; le paiement de la rémunération variable et l’augmentation salariale ont lieu le 24/4, alors que la fin (théorique) de la procédure de recours est fixée au 15/6 (avec rectification éventuelle du paiement).
[7] Notes personnelles, 2001.
[8] Bossel Christophe, « Résumé et critique de ‘L’évaluation du personnel dans l’entreprise’ de Jean-Pascal Lapra, Éd. Dunod, 1997 », Lausanne, 2003.