2. Chap. 2

Chap. 2 - PRINCIPES GÉNÉRAUX

La maxime populaire « tout travail mérite salaire » résume la problématique salariale. En fait, on est payé pour (bien) travailler et, si on ne travaille pas bien, on est sanctionné voire licencié. Pourquoi, dès lors, créer une forme de sursalaire attribué sur base de systèmes aux arcanes compliquées et/ou instables ?

Ce ne sont plus les bonnes conditions de travail, de salaire et autres avantages sociaux qui pousseraient les travailleurs à « bien travailler », mais leur mise en concurrence, dans le but d’obtenir un sur-salaire plus ou moins important. « Chaque méthode d’organisation du travail propose des procédés servant à mobiliser l’activité des salariés pendant le temps de travail. »[1]. Cette « mobilisation » des travailleurs[2], qui semble indispensable au cœur des politiques de gestion du personnel - même aux yeux de certains syndicalistes – est presque devenue une fin en soi.

Les systèmes d’appréciation ne sont pas réglementés par les CCT nationales ou sectorielles. Ils ne le sont, au sein des entreprises, que dans la mesure où ils interfèrent avec des règles ou législations où les représentants des travailleurs ont un pouvoir de décision (formation des salaires, dérogations –sous conditions– aux accords sectoriels, …).

Il y a des limites à la réalisation d’objectifs de plus en plus « ambitieux » : une agence qui a réalisé plus que ses objectifs de placement de produits financiers auprès de sa clientèle, ne saura pas nécessairement réaliser le même résultat l’année suivante, le « réservoir » de capitaux à placer de la clientèle étant, par définition, limité – à fortiori si les objectifs fixés (arbitrairement) sont plus élevés.

Au contrat de travail (travail = salaire), à durée déterminée ou indéterminée, s’ajoute un 2ème contrat, annuel, ayant une influence plus ou moins grande sur le salaire. Ce dernier se détermine non pas sur la réalisation d’un travail, mais sur la manière dont le travail a été réalisé. Il est similaire au « SLA[3] » compris dans les contrats de sous-traitance.

FIXATION DES OBJECTIFS

Tout système d’appréciation des prestations implique une série de questions : qui fixe les objectifs, quels objectifs, qui évalue leur réalisation et comment, quelles sont les possibilités de contester l’appréciation ?

Si nous avons vu des objectifs précis et détaillés, nous avons souvent vu des objectifs flous et/ou peu déterminés, comme : « Participation active à l’objectif d’équipe » ou « J’examine et régularise les litiges » … Nous avons aussi vu des « objectifs individuels communs »[4], fixés par le chef de département, et, parmi ceux-ci, des objectifs qui peuvent se révéler difficiles à rencontrer par ceux qui n’ont pas les connaissances techniques nécessaires : « J’apporte personnellement une (des) solution(s) au(x) problème(s) technique(s) qui se pose(nt) »[5].

De manière générale, le moment de la fixation des objectifs de l’année en cours coïncide avec l’évaluation de l’année précédente.

ÉVALUATEURS

Évaluer est toujours une tâche difficile. L’évaluateur risque d’avoir un jugement subjectif sur ceux qui sont, à la fois, ses subordonnés et ses collègues les plus directs. De plus, il peut difficilement échapper à son rôle, même si ça permettrait parfois d’éviter des problèmes.

Quelquefois, nous avons rencontré des problèmes de nuances entre évaluateur et évalués n’ayant pas la même langue maternelle. Certains évaluateurs n’ont pas les connaissances linguistiques[6] nécessaires pour respecter la règle qui consiste à s’adresser à leurs subordonnés dans la langue de ceux-ci …

Si le supérieur hiérarchique direct est l’élément central de l’évaluation (et en porte la responsabilité), il y a souvent d’autres personnes qui interviennent dans l’élaboration de l’évaluation. Dans certaines entreprises, on a établi des collèges d’évaluation. (Voir annexe 2)

QUELLE ÉVALUATION ?

« L’appréciation peut-être définie comme

    • un jugement porté par un supérieur hiérarchique ou collègue de travail sur le comportement d’un individu dans l’exercice de ses fonctions
    • un processus d’appréciation de la valeur du personnel pour une organisation, pas la valeur de l’individu mais la valeur des résultats de son activité »[7].

Les spécialistes distinguent plusieurs types d’évaluation, alors que, dans les entreprises, on se concentre souvent sur l’un ou l’autre aspect. Ainsi, l’évaluation objective (observable, mesurable) et l’évaluation subjective qui se base sur des critères qualitatifs (qualité du travail, esprit d’équipe, …).

« L’évaluation peut s’exercer dans trois directions : l’évaluation de la prestation (constat), l’évaluation de la compétence (diagnostic), l’évaluation du potentiel (pronostic) »[8]. Elle doit « présenter des garanties suffisantes et ne laisser place qu’à une subjectivité limitée »[9].

Pour les services RH, les évaluations poursuivent plusieurs objectifs (organisationnels, psychologiques et en matière de développement personnel et de performance) et visent à rencontrer différents enjeux (économique, pédagogique, psychologique, stratégique, technique, politique RH, …)[10]. C’est beaucoup demander d’un système considéré, par beaucoup –nous le verrons– comme une formalité annuelle.

Différentes méthodes

Il existe différentes méthodes d’évaluation ; elles se basent sur les comportements et attitudes, sur la conformité d’action par rapport à des directives préalablement fixées, et la mesure des écarts entre les objectifs fixés et leur réalisation.

La plupart du temps, les évaluateurs n’ont pas conscience de ces différentes méthodes et ne pratiquent qu’une partie des possibilités (p.ex. le constat), d’autant plus que le cadre dans lequel ils réalisent leur évaluation est fixé pas HR.

Qu’évalue-t-on ?

Si un système d’évaluation doit permettre de mesurer la contribution de chacun, de favoriser l’accroissement de cette contribution et de garantir un lien avec la rétribution, l’évaluation elle-même se fait sur les aspects performance individuelle, professionnalisme, compétences, potentiel, implication ou motivation au travail[11], ou sur l’un ou plusieurs de ces aspects. Notons que ces aspects sont éminemment subjectifs !

Évaluer correctement n’est possible que si les objectifs (individuels et collectifs) fixés sont clairs et précis, à tous les niveaux (entreprise, service, individu …), et s’ils ont été compris par ceux à qui ils ont été assignés.

Enfin, si on parle de « valeurs », celles-ci posent un certain nombre de problèmes de définition : « confusion entre valeur de l’individu et valeurs des résultats de son activité, vécue comme relégation de la personne à l’état de marchandise »[12].

[1] Alaluf Mateo, « Activité, travail et temps de travail » in Monchatre Sylvie et Woehl Bernard (Dir.), Temps de travail et travail du temps, Publications de la Sorbonne, Paris, 2014, pp.211-217.

[2] Martinez Esteban, « La mobilisation flexible des salariés », Powerpoint, 2017

[3] Service Level Agreement : niveau de qualité de service prévu dans un contrat de sous-traitance.

[4] Générale de Banque, département Opérations Titres, 1991.

[5] Idem.

[6] Français/néerlandais, mais aussi, de plus en plus souvent, l’anglais.

[7] « L’évaluation et l’appréciation du personnel », (document sans références).

[8] Bossel Christophe, « Résumé et critique de ‘L’évaluation du personnel dans l’entreprise’ (1997) de Jean-Pascal Lapra », 2003.

[9] Idem. La phrase suivante se base également sur ce texte.

[10] « L’évaluation et l’appréciation du personnel », op.cit.

[11] Idem.

[12] Idem.