Jacques Brel est un chanteur bien connu. Je vous proposerai ici une étude sur les thèmes fréquemment abordés dans ses chansons. Voici déjà un début :
SOMMAIRE
1. Introduction
2. Brel le moraliste
3. Les thèmes de ses chansons
4. Discographie
5. chronologique
6. alphabétique
7. par les autres
Index des noms cités
Index des lieux cités
Note préliminaire :
Le travail ci-dessous est une étude préliminaire à la réalisation d’une série d’émissions de radio consacrée aux chansons de Jacques Brel. Il n’a évidemment pas la prétention d’autres études faites sur Brel ou sur son oeuvre ou analysant ses textes d’un point de vue poétique, etc.
Certains de ces livres sont de ‘beaux livres’, d’autres des études ‘savantes’ sur tel ou tel aspect de son oeuvre. Dans cette deuxième catégorie, on peut citer, par exemple, ‘Jacques Brel’ de Patrick Baton (Editions Labor, 1990).
Et bien sur le livre autobiographique de son frère, qui donne une approche plus familiale, plus humaine.
Il y a plusieurs livres intéressant qui ont étudié Brel et ses chansons. Citons-en quelques-uns :
- ‘Jacques Brel’ de J.Clouzet, collection Poètes d’aujourd’hui (Seghers)
- et le livre de Jacques Vassal, idem
Ces deux ouvrages présentent Brel et un choix de ses chansons, le second se voulant la suite du premier (qui était vraiment le premier consacré à Brel)
- ‘Chansons – Jacques Brel’ de Bruno Hongre et Paul Lidsky, collection Profil d’une oeuvre (Hatier)
Les extraits des chansons cités ci-dessous sont basés sur les textes des livrets de l’édition ‘intégrale’, par Barclay. Ils ont été édités chez plusieurs éditeurs : Caravelle, World Music, Paris Mélodies, Méridian, Pouchenel, Micro, C.I.M.G., Productions Alleluia-Gérard Meys, Semi-Patricia, Bagatelle, Marton Play, et la famille Brel.
A noter que cette édition, en 10 CD, ne reprend pas les chansons du 33 tours ‘L’homme de la Mancha’ (à l’exception de La quête), ni une série d’enregistrements en public, qui ont été publiés ultérieurement. Par contre, elle comprend un livret de présentation de Marc Robine, qui présente les chansons dans l’ordre chronologique, en les mettant dans leur contexte.
1. Introduction.
Généralement, lorsqu’on consacre un ouvrage, ou une émission, ou un documentaire à Jacques Brel, on suit l’ordre chronologique, des débuts à la Rose Noire à Bruxelles (dans les meilleurs cas), ou aux Trois Baudets à Paris, jusqu’au dernier 33 tours et à sa mort en 1978.
Or, l’homme est multiple. On pourrait, dès lors l’aborder, ou aborder son oeuvre, de différentes façons : repérer les principaux thèmes qui se retrouvent à travers son oeuvre ; tracer, dès le début, les éléments constitutifs de la relation de Brel avec le cinéma, et ils sont nombreux ; l’envisager du point de vue de sa « belgitude » (un néologisme qu’il aurait inventé) ; ou du vocabulaire et des formules poétiques qu’il employait dans ses chansons ; ou encore des nombreux aphorismes et jugements sur les gens et les choses, qu’il formulait dans ses conversations et les interviews (ce qu’on pourrait appeler la ‘philosophie’ de Brel); etc.
Bruno Hongre et Paul Lidsky signalent que « les personnages que chante et joue Brel le représentent tous d’une façon ou d’une autre, ou du moins le révèlent, fût-ce en illustrant ses phobies ». Ce qui veut dire qu’en abordant Brel par tel ou tel thème de son oeuvre, on en aura un portrait contrasté et contradictoire.
NB : les noms des chansons sont en italique.
2. Brel, le moraliste.
« Au coeur de la chanson de J. Brel bat la pulsation fondamentale de la vie et de la mort, sur laquelle les autres thèmes se greffent. (…) Le héros brélien veut vivre, vivre debout, croître. » (B.Hongre et P.Lidsky)
- Sur la place : une fille danse et chante un « hymne d’amour et de bonté » que les hommes ne veulent pas entendre. Il y a « comme une porte entre morts et vivants ».
- S’il le faut : « Tu n’as rien compris ».
Brel se bat contre la bêtise, l’égoïsme, le fait de ‘faire semblant’, la bonne conscience bourgeoise. A remarquer que son propre embourgeoisement lui semble inéluctable : dans
- Les bourgeois
avec le temps, l’auteur et ses amis Jojo et Pierre se retrouvent dans la situation des bourgeois dont ils se moquaient lorsqu’ils avaient vingt ans.
Il stigmatise le conformisme, le manque d’audace, le passé (par opposition à l’avenir) :
- Vivre debout : « L’ombre des habitudes
qu’on a planté en nous
quand nous avions vingt ans.
Serait-il impossible de vivre debout ? »
Il y a aussi la petitesse des petites gens, comme dans
- C’est gens-là.
La vie et l’amour seuls valent la peine, pas le train-train quotidien, les habitudes et la stupidité :
- Vieillir : « Mourir cela n’est rien
mourir la belle affaire
mais vieillir … ô vieillir ! »
Il vaut mieux vivre peu, mais intensément, si possible en héros, que vivre longtemps, de façon anonyme. Contre le conformisme, il y a la révolte :
- Il pleut : « Les carreaux de l’usine
moi j’irai les casser »
Il s’agit d’une révolte contre le conformisme et la bêtise humaine, pas d’un acte révolutionnaire. Bien qu’il affirme dans
- La Bastille : « L’avenir dépend des révolutionnaires
mais se moque bien des petits révoltés »
C’est à dire qu’il ne s’agit pas d’une petite révolte adolescente, mais bien de l’oeuvre de toute une vie, guidée par une seule idée, résumée dans la dernière phrase de la chanson :
« Ne pourrait-on pas s’aimer ? »
Brel jette un regard critique sur la marche du monde et décline, sur tous les tons, la bassesse, les mesquineries, l’intolérance et leurs effets. Il pose la question :
- Qu’avons-nous fait, bonnes gens : « de la bonté du monde » ?
« de tout l’amour du monde » ?
et donne sa réponse (la réponse) : « toutes ces joies profondes
on les retrouverait au fond de soi
que ça ne m’étonnerait guère ».
dès lors « qu’attendons-nous bonne gens, dites-le moi » ?
Si Brel a souvent été comparé au Don Quichotte, qu’il a interprété dans ‘L’homme de la Mancha’, ses chansons ont pourtant tout du Cid, de Corneille : l’amour est plus fort que la mort, que la haine, que la guerre, etc. Il suffit de voir le final de
- Quand on n’a que l’amour : « Alors sans avoir rien
que la force d’aimer
nous aurons dans nos mains
amis le monde entier. »
Pourtant, dès 1961 –il a 32 ans- Brel introduit l’idée qu’on pourrait très bien se laisser aller à un bémol :
- On n’oublie rien : « On n’oublie rien de rien
on n’oublie rien du tout
on n’oublie rien de rien
on s’habitue c’est tout. »
A sa manière, Brel est un précurseur de Mai 68, non seulement par le refus des valeurs bourgeoises (Les bourgeois – le même thème sera repris, par la suite, par Julos Beaucarne), de l’hypocrisie, etc., mais, plus fondamentalement, par le refus du ‘monde des adultes’ ; les ‘adultes’ étant l’incarnation des valeurs qu’il rejette. L’enfance et la jeunesse, par contre, sont le temps des espoirs non encore déçus, des amours, des révoltes. Comme pour les révoltés de 1968, l’idéal est de conserver cette jeunesse le plus longtemps possible. Peu de soixante-huitards y arriveront, comme le stigmatisait Daniel Cohn-Bendit dans ‘Qu’elle était belle ma révolution’. Mais, pour Brel, le bilan est positif quand on peu dire, comme les vieux amants, que :
- La chanson des vieux amants : « Finalement, finalement
il nous fallut bien du talent
pour être vieux sans être adultes »
En même temps, il craint de ne pas y arriver, de se laisser rattraper par ‘le système’. Dans Les bourgeois, dans un retournement de situation, les étudiants chahuteurs du premier couplet sont devenus ceux qu’ils conspuaient dans leur jeunesse et vont jusqu’à déposer plainte auprès des gardiens de l’ordre bourgeois.
3. Les thèmes des chansons de Brel.
· Religion, église, diable
· Femmes, amour
· Amitié, fraternité
· Famille
· Belgique
· Armée, guerre
· Mort, maladie, vieillir