Le jeu et L'apprentissage
La pratique du jeu, tant dans l’enseignement spécialisé (Sportif) qu’ordinaire permet de répondre aux objectifs prioritaires de leur projet éducatif respectif. Elle permet en effet d’amener les élèves ou joueurs vers une plus grande autonomie, une plus grande confiance en soi, une meilleure socialisation, un développement des capacités communicatives, sans négliger de les pousser à développer des savoirs, des savoir-faire et des compétences disciplinaires, en s’appuyant sur une motivation plus spontanée.
Dans le jeu tel que l’entend Brougère, l’apprentissage découle conséquemment de l’activité, mais dans des domaines qui varient et qui dépendent de caractéristiques propres au joueur : le débouché est imprévisible. Tout au contraire, intégré comme outil dans une démarche pédagogique, le jeu s’inscrit dans un désir d’en maîtriser les conséquences(résultat).
Compétence = mobilisation [activité(s) mentale(s) x contenu(s)] x situation problème (ou tâche ou défi)
En d’autres termes : Être compétent, c’est arriver à mobiliser (c’est-à-dire choisir, combiner et mettre en œuvre) une ou plusieurs activités mentales sur un ou plusieurs contenus qui permettront de résoudre une situation problème ou la tâche qui se présente.
Or, la plupart du temps, la difficulté réside dans la mobilisation (c’est-à-dire, le choix, la combinaison et la mise en œuvre) de l’activité mentale à solliciter plutôt que dans la "simple" mise en œuvre de cette activité.
Il s’agit de faire la différence entre "compétence" (se montrer compétent) et "apprentissage".
Se montrer compétent consiste à trouver l’activité mentale qui conduit à la réponse, peu importe le chemin emprunté, peu importe l’activité mentale utilisée.
Par contre, au niveau de l’apprentissage, l’enfant aura à se confronter aux différents chemins de résolution. La tâche de l’éducateur consiste à faire rechercher, explorer, voire montrer les différentes stratégies pour résoudre le problème.
Alors, après avoir exploré plusieurs d’entre elles, s’être bien entraîné aux différentes procédures possibles (courir sauter lance, attraper …), en connaissance de cause en quelque sorte, l’enfant choisira, construira la démarche qui lui semble la plus pertinente en fonction de la nouvelle tâche à accomplir.
Si le parallélisme est évident, il ne faut néanmoins pas faire preuve de naïveté en disant : "Laissons les enfants jouer, ils apprendront !"
En effet, l’apprentissage par le jeu comporte beaucoup d’aspects aléatoires, non maîtrisés par l’éducateur. De plus, un même jeu entraîne l’enfant à différentes stratégies en fonction de sa personnalité et lui assure ainsi un bagage personnel distinct de celui de ses compagnons de jeu. Enfin, l’objet même du jeu n’est pas de balayer les procédures de base et son intérêt ne réside pas là.
En quoi le jeu et la notion de compétence se rencontrent-ils ?
Si, du point de vue scolaire ou sportif la compétence se définit comme une aptitude à mettre en œuvre un ensemble organisé de savoirs, de savoir-faire et d’attitudes permettant d’accomplir un certain nombre de tâches, il apparaît que la mobilisation (l’aptitude à mettre en œuvre) est essentielle.
Or, tout jeu exige de faire preuve de compétences : si l’enfant veut, par exemple, construire un pont avec des legos ou créer de nouveaux modèles que ceux qui lui sont présentés, il va devoir mobiliser tout son savoir et tout son savoir-faire en ce qui concerne l’utilisation des blocs en plastique pour les réaliser.
Le jeu exige donc, grâce à la créativité que suscite le matériel, de mobiliser des compétences et non pas uniquement d’appliquer des procédures apprises.
De même, l’enfant un peu plus âgé, qui découvrira un jeu de société, devra "mobiliser ses savoirs et son savoir-faire" en élaborant des stratégies personnelles tout en respectant les règles du jeu.
Mais en quoi se montre-t-on compétent lorsqu’on joue?
Pour prendre part à un jeu , l’enfant doit non seulement en maîtriser les règles (les comprendre et les avoir intégrées), mais surtout se montrer compétent dans le choix d’une stratégie, d’une mise en œuvre efficace des différentes règles.
L’entrée dans des jeux différents permet à l’enfant de balayer un ensemble de stratégies et d’exercer, en quelque sorte, une aptitude à mobiliser. De même, lors de la présentation d’un défi à résoudre, l’enfant doit comprendre ce qu’on lui demande et où se situe le problème. Ensuite, il doit aller chercher et agencer de manière efficiente les procédures de base qu’il possède.
Quels jeux choisir ?...
Un outil de premier ordre: le système ESAR de Denise Garon, R. Filion et M. Doucet. Chaque jeu peut donc, grâce à cette classification, être analysé en fonction de 6 facettes :
Facette A / le type de jeu (le développement ludique) : 4 différentes formes de jeu suivant le développement de l’enfant (en fonction de l’âge) sont répertoriées.
Facette B / les conduites cognitives exercées par le jeu (Piaget) : 5 stades sont listés à savoir les conduites sensori-motrice, représentative, intuitive, opératoire concrète et opératoire formelle.
Facette C / les aptitudes fonctionnelles mises en œuvre à travers le jeu : exploration, reproduction, compétence et performance
Facette D / les types d’activités sociales engendrées par le jeu : activité individuelle, associative, compétitive et coopérative.
Facette E / les habiletés langagières observées lors du jeu : langage réceptif oral, productif oral, réceptif écrit et productif écrit.
Facette F / les conduites affectives engendrées par le jeu : confiance, autonomie, initiative, travail et identité.
Quel jeu à quel âge?
Le jeu, quand il est adapté à l’enfant, est un outil au service de l’apprentissage réel.
Il faut distinguer "apprentissage réel" et "mémorisation " : en effet, quand un jeu n’est pas adapté à l’âge et ne correspond donc pas à son développement cognitif et psychomoteur, entre autres, l’enfant aura tendance à compenser en utilisant sa mémoire. Par exemple, un enfant de 6 - 7 ans, ne possède pas encore les capacités d’anticipation propres à la pensée hypothético-déductive et indispensables à un vrai joueur de football. Il pourra donc apprendre à jouer mais il le fera en utilisant sa mémoire et non pas ses capacités d’analyse et de réflexion.
Le danger étant que l’enfant intègre le postulat que l’apprentissage consiste en la mémorisation de procédures.
Si des étapes sont brûlées (activités de sériations, de correspondances terme à terme…), l’enfant ne peut pas prendre conscience du nombre. Ainsi, à force de vouloir aller trop vite, on court à de réels dégâts, on met en péril les apprentissages ultérieurs, les assises n’étant pas suffisamment fiables et solides.
Idéalement, le jeu de société commence à être possible vers 5 - 6 ans.
Quand les enfants commencent à s’inventer des règles seuls, mais aussi en groupes,, ils sont prêts alors pour aborder le jeu de football qui va, lui aussi, imposer une règle.
Les jeux… quels enjeux?
Pour analyser un jeu, les questions à se poser sont :
Quelles sont les habiletés mises en œuvre à travers ce jeu ?
Qu’est-ce qui est mis en œuvre dans ce jeu ?
Quand l’enfant met en œuvre telle ou telle stratégie, que fait-il ?
Tout éducateur devrait se poser ces questions face aux jeux afin de sélectionner celui (ou ceux) qui répond(ent) le mieux aux besoins de ses élèves.