15 - L'Aéronautique dans le département de l'Aube (1936)

CREATION DE STATIONS AERIENNES

DANS LE DEPARTEMENT DE L'AUBE

( PERIODE ANTERIEURE A LA GUERRE DE 1914 )

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DEUX Comités dans notre département se sont constitués en vue de procéder à la création de terrains d'atterrissage : l'un, à Brienne, ayant à sa tête M. Bonvalot, maire de cette ville et si célèbre par ses explorations au Thibet en compagnie du duc d'Orléans; l'autre, à Troyes, composé des membres du bureau du Club Aéronautique de l'Aube.

De même que le Comité de Brienne, celui de Troyes s'intéressera d'une façon toute particulière et très pressante à l'organisation et à l'aménagement de terrains militaires d'aviation dans le département. Le désir de M. Bonvalot est de créer un terrain escale à Brienne, alors que parallèlement le Comité de Troyes a jeté son dévolu sur le terrain de manœuvres de Pont-Hubert. Nous sommes ici, au Club, entraînés et soutenus par le Comité National de la Navigation Aérienne dont M. Bonvalot est l'un des éminents fondateurs (1).

Mais par quelles vicissitudes notre terrain de Pont-Hubert ne passe-t-il pas ? C'est un perpétuel balloté ! Tantôt les services intéressés l'acceptent, tantôt, ils le rejettent, quand un beau jour, nous apprenons qu'il est définitivement abandonné.

Et cependant que n'avons-nous pas fait pour aménager ce terrain, le niveler convenablement, y édifier un hangar suffisamment spacieux pour recevoir quelques appareils; si bien que pendant la période de 1911 à 1914, des aéroplanes militaires y atterrissent fréquemment.

Pour faire face à toutes les dépenses nécessitées par l'organisation présente des terrains, une souscription publique est ouverte dans notre département par les deux Comités et sous les auspices de la Ligue Nationale Aérienne.

De fréquents appels, par l'intermédiaire de la Presse, sont lancés aux populations de notre département, d'abord par M. Bonvalot, puis par le Comité de Troyes en collaboration avec le Club Aéronautique de l'Aube.

Déjà de nombreuses communes ont tenu à répondre à ces pressantes sollicitations en versant leur obole pour le développement des ailes françaises chargées d'assurer la sécurité du pays.

M. Chanteclair, délégué de la Ligue Nationale Aérienne, et fidèle second de M. Bonvalot, publie, dès le début de l'année 1913, dans les journaux locaux, une mise au point touchant la réparation des sommes reçues, et s'adressant à la ville de Troyes, il la supplie de secouer sa coupable indifférence en présence du danger imminent qui menace la France.

Un souffle de patriotisme, écrit-il, digne des descendants de 93, remue en ce moment le département de l'Aube jusqu'en ses extrémités les plus éloignées.

Deux cent soixante-quinze communes ont répondu au premier appel lancé par M. Bonvalot, membre de la commission exécutive du Comité National pour l'Aviation militaire et se sont empressées de souscrire pour aider à la création des terrains d'escale de Troyes et de Brienne-le-Château. Toute la vallée de l'Aube, la plus grande partie de la vallée de la Seine, Bar-sur-Seine en tête, la lointaine région de Villenauxe, les environs de Nogent, la forêt d'Othe, les pays riverains de l'Yonne, de la Côte-d'Or, de la Haute-Marne, le vignoble si éprouvé de Bar-sur-Abe et la région si peu favorisée de Mailly, tous ont vu leurs populations verser généreusement pour assurer la réalisation d'un plan de campagne, qu'activent des événements extérieurs toujours dangereux et qui exige impérieusement une répartition déterminée des haltes d'atterrissage dans l'Est.

Près de 20.000 francs ont été ainsi recueillis, mais le mouvement n'est pas terminé, il n'est qu'à ses débuts et notre devoir de Français est d'insister encore et d'insister toujours pour qu'il ne prenne fin qu'avec la souscription de la 445e commune du département.

Il n'y a aucune hésitation à avoir; quel que soit le lieu où ils sont centralisés, que ce soit Paris, Troyes ou Brienne, les fonds de l'Aube seront destinés aux travaux à effectuer dans l'Aube et ils seront répartis entre les deux stations prévues.

Troyes, centre administratif, commercial, industriel, est plus difficile à entraîner parce que sa population y est plus affairée et plus préoccupée. Il faut absolument que, pour un instant, chacun des Troyes fasse trêve à ses occupations, il faut que chacun d'eux songe aux nécessités de la Défense Nationale et aux moyens propres à assurer la sécurité du pays.

MM. Joanneton, Gentin, Boivin, ainsi que tout le Comité de Direction du Club Aéronautique de l'Aube, dont le désintéressement est des plus grands, ont accepté la tâche délicate et difficultueuse de solliciter les offrandes de leurs concitoyens au nom du Comité National, ce qui veut dire au nom de la France elle-même.

De même que les habitants de nos campagnes laborieuses ont bien voulu écouter les quelques avis que j'ai pu, au nom du Comité et de la Défense Nationale, leur transmettre, grâce à l'appui sans réserve de la Presse troyenne, je supplie aujourd'hui les habitants de Troyes de ne point rester indifférents aux démarches qu'entreprennent, au nom de cette même défense nationale, leurs dévoués concitoyens.

Cédant à mes dernières sollicitations, les faubourg de Troyes ont, comme Sainte-Savine, ouvert une souscription publique et comme Saint-André et Pont-Sainte-Marie, recueilli et envoyé de suite leurs contributions volontaires.

L'heure vient donc où Troyes doit, elle aussi, faire les sacrifices nécessaires. Troyes, riche par son industrie, ses métiers, ses produits; Troyes, célèbre et universellement connue; Troyes, qui renferme tant d'administrations publiques et privées, tant de sociétés civiles et militaires, qui possède une pléiade unique d'officiers de réserve; Troyes, si fière, à bon droit de son long passé; Troyes doit à sa dignité de capitale de la Champagne historique et géographique, de capitale de la Champagne quand même, de montrer qu'elle n'a pas dégénéré et qu'elle est toujours présente lorsque le pays est obligé d'en appeler à ses enfants.

Je supplie Troyes de considérer que les sacrifices de notre cinquième arme, tout comme ceux que s'impose actuellement extérieure et internationale.

Votre devoir de Troyens, de Champenois, de Français qui est avant ont un devoir national, réclama de vous le plus grand effort.

C'est un effort d'argent. Vous le voudrez digne de la ville de Troyes.

On ne peut qu'être ému en lisant ces lignes qui reflètent combien nous étions menacés de ce cataclysme qui allait prochainement ébranler le monde entier. On sent qu'il faudrait à la France, en ce moment bientôt décisif, une armature d'airain pour la protéger contre toute attaque du dehors ( L'Histoire nous dira que nous n'étions pas prêts ! !)

Et, aujourd'hui que la situation devient fort troublée et aussi angoissante qu'à cette époque que nous avons vécu, c'est à mon tour de supplier notre peuple tout entier de prendre garde !

Et puisque nous voulons la Paix, soyons forts.

Si vis pacem, para bellum !

Ce vieil adage est toujours vrai.

Le terrain de Brienne, à la suite d'une ultime réunion tenue dans cette ville en date du 14 février 1913, fut approuvé et ouvert à la navigation aérienne. ( La superficie de ce terrain est de 32 ha. )

A cette réunion assistaient M. Bonvalot, maire de Brienne, le capitaine aviateur Marconnet, M. Chanteclair, le lieutenant Pothier, commandant d'armes de Brienne (2). M. Zirnheld, représentant le Comité National ainsi que l'adjoint au Maire M. Huyard, MM. Dhautel et Vagbeaux.

Quant au terrain de Pont-Hubert, la nature l'avait sans doute placé sous une mauvaise étoile. Cette malheureuse affaire subit le sort de la balle qui rebondit de mains en mains, s'en échappe par inadvertance et roule enfin dans le gouffre !

On en discutait encore en 1914, et le 18 juin, la Commission déléguée par le ministre de la Guerre décidait, en définitive, que l'aérodrome de Pont-Hubert devait être adopté. Elle envisageait d'abattre les arbres de la route nationale ° 60 et de tracer, au centre du terrain, un cercle d'atterrissage de 100 mètres de diamètre destiné à attirer l'attention des voyageurs aériens.

D'autre part, cette commission déclarait qu'un hangar mesurant 20 m.X20 m. serait installé dans l'angle N-O de cet aérodrome et qu'il serait construit par les soins du Comité National, avec les souscriptions recueillies dans notre département.

On entrevoyait même le commencement des travaux pour fin juillet, quand survint la guerre; avec elle, ce fut l'abandon irrémédiable de tous ces projets.

Toutefois, avant ce cataclysme sans précédent dans l'Histoire des peuples, nous avions la satisfaction d'inaugurer solennellement, le 27 juillet 1913, le terrain de Brienne qui venait de naître officiellement.

(1) Pour la création en France de terrains militaires, ce Comité ouvre, en 1912, une souscription nationale. Les sommes recueillies dans chaque département et centralisés à Paris seront dans la suite remises à chacun d'eux.

(2) L'ancienne école militaire était, à cette époque, occupée par un détachement de chasseurs à pied.