8 - Léon Darsonval (Pilote Aéronaute)


Le 23 juillet 1932, l’Aube, piloté par Darsonval, ayant comme passagers Chandelliez et Pitancier, par de Troyes et atterrit à Cerres-les-Nauroy (Haute-Saône) après avoir fait un parcours de 175 km en 11h 10 mn et être monté à une altitude maximum de 2800 m.

Le 15 août 1932, l’Aube, piloté par Darsonval, ayant pas de passagers, part de Bully-Grenay et atterrit à La Bassée (Nord) après avoir fait un parcours de 12 km en 0 h 15 mn et être monté à une altitude maximum de 250 m.

Palme Académique

au cimetière de Sainte-Savine

Le 24 février 1933

Le Petit-Troyen, 24 février 1933, p. 2/6

Palmes Académiques :

Nous avons plaisir à relever dans la récente promotion Violette le nom de M. Léon Darsonval, nommé Officier d'Académie pour services rendus à l'enseignement professionnel.

La réputation de M. Darsonval comme pilote de ballon sphérique n'est plus à faire. Nos concitoyens ont présents à la mémoire les valeureux exploits de cet aéronaute remarquable.

Mais, M. Darsonval ne s'est pas contenté de payer de sa personne et démontrer l'exemple, il a voulu aussi entreprendre une œuvre d'éducation et d'instruction en faveur de l'aéronautique.

Il a créé à Troyes des cours d'aérostation dont il prit la direction. Les résultats enregistrés par cette initiative furent très encourageants.

En attendant, M. Léon Darsonval qui fit sa première ascension à l'âge de 19 ans, ne parle rien moins que d'entreprendre cette année la centième ascension du ballon l'Aube. Le nouveau promu appartient au Club Aéronautique de l'Aube depuis trente années, et il fut vingt ans Secrétaire.

Nous sommes heureux d'adresser à M. Léon Darsonval nos plus vives félicitations pour la distinction méritée qui vient de lui être décernée.

Le 11 juin 1933, l’Aube, piloté par Darsonval, part de Troyes, ayant comme passagers, Perreau et Mignard, et atterrit à Vertault (Côte d’Or) après avoir fait un parcours de 47 km en 2 h 45 mn et être monté à une altitude maximum de 1350 m.

Le 13 août 1933, l’Aube, piloté par Darsonval, ayant comme passager le Docteur Dupêchez, part de Bully-Grenay et atterrit à Cap-Gris-Nez (Pas de Calais) après avoir fait un parcours de 93 km en 4 h et être monté à une altitude maximum de 1000 m.


LES SPORTS DU NORD, du 14 août 1933. Lille (Nord)

La Coupe des Mines de Béthune a été favorisée par un temps magnifique.

Sept sphériques ont pris l'envol hier, de Grenay.


Comme tous les ans, à l'occasion de la ducasse du quartier de la Fosse n° 5, une grande fête aérostatique dite de la Coupe des Mines de Béthune, avait été organisée à Grenay, dans le parc ombragé de la cité et appartenant à la Compagnie des Mines de Béthune.

Un temps magnifique favorisa la journée et l'épreuve mise sur pied avec le concours de l'Association Aéronautique du Nord, que préside M. Crombez, obtint un très vif succès.

Les meilleurs aéronautes de France y participèrent : M. Darsonval, de l'Aéro-Club de l'Aube, avec M. Dupêchez, passager; M. Spiess, de l'Aéro-Club de la Seine; M. Boitard, de l'Aéro-Club de France; M. de Vogelaere, de Bruxelles; M. Charles Dolfus, champion français de la Coupe " Gordon Bennet "; M. Charles Dupont, de Bruycker; MM. Delforge, Debaisieux, etc...

Huit sphériques ont pris part à la Coupe.

Le premier ballon, 900 m3, piloté par M. Dupont, avait pour passager M. Ritter; le deuxième, 900 m3, pilote M. Spiess, avec un passager; le troisième, 600 m3, pilote M. Dolfus, passager, M. Stoll; le quatrième, 600 m3, pilote M. de Vogelaere, passager M. Vanden Bember; le cinquième, à M. Cormier, ne partit pas; le sixième, 600 m3, pilote M. Boitard, sans passager; le septième, 1.200 m3, pilote M. Debruyker, ayant pour passagers MM. Didier et Dessoit.

Le vent soufflait de l'Est à L'Ouest, et les sphériques prirent tour à tour le départ salués par les vives acclamations de la foule et pendant que la musique donnait concert.

Ils sont partis chacun avec l'intention de gagner me Challenge " Charles Crombez " et vont tenter pour cela de parcourir la plus grande distance.


LA CROIX DU NORD 15 et 16 Août 1933

LA Xe COUPE DES MINES DE BÉTHUNE

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NEUF SPHERIQUES ONT PRIS LE DEPART



Depuis dix ans. chaque année, à l’occasion de la grande ducasse des cités V et XI des Mines do Béthune, se déroule à GRENAY une manifestation aérostatique de première importance qui consiste en un concours de distance pour ballons sphériques, couru sous les règlements de la Fédération aéronautique internationale.

Cet événement sportif qui se trouve honoré depuis sa fondation par la présence des meilleurs aéronautes de France, obtient tous les ans le plus vif succès.

Généreusement encouragée par la Compagnie des Mines de Béthune, cette compétition a été depuis 1930 dotée d’un challenge que cette administration a dénommé « Chartes Crombez », en hommage au vieil aéronaute qui préside depuis si longtemps aux destinées de l’Association aéronautique du Nord de la France.

Depuis la création de la coupe, tous les pilotes aéronautes en renom se sont classés tour à tour dans cette compétition. C’est ainsi que la coupe a été remportée en 1926 par Charles Dolfus, en 1928 par Auger, en1929 par Auger, en 1930 par Charles Dupont, en 1931 par Darsonval, en 1932 par Charles Dupont.

Pour mémoire, rappelons que l’an dernier six concurrents sur sept prirent le départ. Le septième sphérique, que devait monter

M. Liénart, de Béthune, dut renoncer à partir à cause du violent orage qui éclata au moment de se mettre en nacelle. Les six pilotes qui avaient réussi à partir furent, on s’en souvient contrariés par le mauvais temps et n’allèrent pas très loin, ainsi que la prudence le commandait.

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Cette année, neuf concurrents étaient inscrits. Ce sont :

M. CHARLES DOLFUS. de l’Aéro-Club de France, champion français de la coupe Gordon-Bennet (Amérique) en 1929. Passager du « Graf Zeppelin » dans la traversée de l’Atlantique (Allemagne-Brésil). M. Dolfus fêtait dimanche sa 200e ascension.

M. CHARLES DUPONT, jeune pilote de l’A. Aé. du Nord, détenteur du challenge de la Compagnie de Béthune en 1930 et 1932, gagnant des coupes de l’A. C. de France, prix Mallet 1931 et 1932.

M. LEON DARSONVAL, de l’Aéro-Club de l’Aube, détenteur du challenge 1931 par son voyage Grenay-Boodstedt (Allemagne), qui emmena avec lui le docteur DUPECHEZ, as de l’aéronautique dans l’aviation de tourisme, a pris part au tour de France et au tour du Maroc, bien connu dans le monde de l’aéronautique.

M. SPIESS, président de l’Aéro-Club de la Seine, un des meilleurs élèves do Ravaine.

M. BOITARD, do l’Aéro-Club de France, a pris part aux coupes Aumont-Thiéville et Leblanc, où il se classa en bonne place. Concurrent désigné par l’Aéro-Club de France en 1932, pour la coupe Gordon-Bennet. Avec son 600 m3, il fit plusieurs ascensions à Montréal et Colombus (U.S.A.), a déjà passé la Manche en compagnie d’un ancien, M. Denis

M. DE BRUYCKER, pilote champion de l’A. Aé. N., gagnant des coupes de l’Aéro-Club de France en 1930.

M. VOGELAER, aéronaute très réputé de Bruxelles.

M. JACQUET, de Paris.

M. LIENARD, de Béthune.

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C'est dans le magnifique cadre de verdure qui entoure le terrain d’honneur de l’ « Avant-Garde de Grenay» que se trouvaient réunis les neuf aérostats devant prendre le départ. Sur le sol. étaient alignées les immenses enveloppes qui, petit à petit et simultanément, prirent forme grâce à une grosse conduite de 100 m/m amenant le gaz surpressé, et sur laquelle étaient branchés les collecteurs adaptés aux ballons. Leur « tétée » dura plusieurs heures.

Les préparatifs commencèrent vers 10 h. du matin, sous la direction de M. Charles Crombez et sous le contrôle des aéronautes.

Vers 15 heures, la foule envahit le stade et s’amassa autour du terrain, maintenue par un service d’ordre parfait assuré par les gardes de la Compagnie de Béthune, sous la direction de M. Gande, chef de la surveillance, et secondés par la gendarmerie de Bully-les-Mines.

La foule s’intéresse vivement aux préparatifs du départ. Un concert de musique enregistrée, diffusé par des haut-parleurs aux quatre coins du stade, égaie la foule et lui fait prendre patience.

Parmi les personnalités présentes, nous notons MM. Charles Crombez, président de l’A. Aé. N. F.; Vannesch, Cornaert, Delesalle, membres de l’A. Aé. N. F.; Fontaine, ingénieur divisionnaire de la C. B.; Dassonvllie, ingénieur chimiste; Vuillemenot, ingénieur mécanicien; Bousser, secrétaire général adjoint de la C. B.; Clipet, Ingénieur électricien ; Gaude, chef de la surveillance; Gobert et Sécail, du service du gaz; Saudemont pharmacien; Bauchet et Tabary, organisateurs de la fête.

Mais voilà que les neuf ballons ont leur plein de gaz. Ils se dandinent doucement et n’attendent plus qu’on les libère de leur point d’attache et qu’on les laisse aller au gré des vents et de leur pilote.

Avant de donner le départ, le président de l’A. Aé. N. F. tint à parler au micro. Il remercie chaleureusement la Compagnie de Béthune pour son aide matérielle et financière dans cette compétition, ainsi que les pilotes. Il rappelle les fêtes du cinquantenaire qui se déroulèrent à Annonay le 14 Juin, pour glorifier la géniale invention des frères Montgolfier. Il retrace l’historique de l’aérostation et salue les propagandistes de la première heure : le doyen Hubert, vieil aéronaute de 73 ans qui, il y a deux ans, ascensionnait encore à Lille. Il souligne l’ampleur que surent donner au mouvement aérostatique MM. Albert et Charles Crombez, champions de France et de Belgique.


LES DEPARTS


Les sphériques sont maintenant prêts à partir. Un speaker annonce la première envolée :

C'est M. JACQUET, de Paris (hors course), qui prend le départ sur 900 m3. Au commandement du « Lâchez tout », la musique joue la Marseillaise et la foule applaudit. Le ballon prend la direction do l’Ouest.

A 16 h- 45, c’est M. CHARLES DOLFUS qui s’élève dans les airs avec son 900 m3 (Le Brampton). Il a pour passager M. André Ritter.

A 17 h., c’est ensuite M. SPIESS. sur son « Bleuet » 900 m3, emmenant avec lui Mme Spiess.

A 17 h. 18, c’est au tour de M. DOLFUS. dans son « Spirit of Saint Cloud », ayant pour passager M. Jean Stoll.

Quelques instants après, M. LIENARD (hors course), de Béthune, prend son vol, accompagné de M. Boucart, de Gagny (S.-et-O. ), et de M. Sonnet, de Brionne (Eure).

Nos amis les Belges ont voulu être présents dans cette compétition. Ils sont représentés par M. DE VOGELAERE, qui part accompagné de M. Van den Benden. Il s’envole au cri de « Vive la France », auquel la foule répond par les cris de « Vive la Belgique ». La musique joue l’hymne national belge et les aéronautes déploient à bord une large oriflamme aux couleurs de la nation sœur. Il était 17 h. 35.

A 17 h. 45, M. BOITARD s’en va seul sur « Cleveland » (600 m3).

A 17 1h. 55. M. DARSONVAL, sur l’ « Aube » (1.200 m3), est enlevé avec son passager, le sympathique docteur Dupêchez. Un coup d’œil dans la nacelle nous fait apercevoir deux ceintures de sauvetage, au cas sans doute où ils auraient à traverser la Manche, comme le docteur Dupêchez lui-même nous en a formulé l’ espoir...

A 18 h. 30. M. DE BRUYCKER prend le dernier le départ sur son « P’tit Quinquin » (1.200 m3). Il a comme passagers MM. Louis Didier et JEAN DESSOIT, de Lille, et à la toute dernière minute un troisième passager, de Merville.

Tous les sphériques ont pris la direction de l’Ouest, se dirigeant sur Boulogne.

Nous connaîtrons bientôt leur point d’atterrissage et les résultats de cette compétition.

Le 1er avril 1934, l’Aube, piloté par Darsonval, sans passagers, part d’Armentières (Nord) et atterrit à Drézeul-Saint-Dolay (Morbihan) après avoir fait un parcours de 510 km en 12 h 30 et être monté à une altitude de 1000 mètres.

Pilote : DARSONVAL Léon, sans passagers.

La ville d'Armentières si renommée par ses manufactures de toiles et de dentelles, faisait courir, le 1er avril 1934, une Coupe aéronautique de distance pour ballons libres. Aussi l'Aéro-Club de l'Aube avait-il décidé que le ballon l'Aube prendrait part à cette première manifestation de l'année.

Le dimanche matin, je retrouve à Armentières mes dévoués camarades Renard et Coudrot arrivés en auto pour me donner l'aide en pareille circonstance. Sur le terrain de départ, ce sont toujours les mêmes que l'on rencontre; les aéronautes Crombez, Dupont, Dollfus, Didier, Boitard, Spiess, Delebecque cet excellent camarade de plus de trente ans que j'ai connu au 25e bataillon d'aérostiers à Versailles.

La première parole que m'adresse l'aéronaute Dollfus n'est pas rassurante : " Très mauvais , mon cher Darsonval ! C'est la mer... il faudra ouvrir l'œil ". Et lorsqu'on parle de la mer, dans le Nord, on la voit tout proche ; à Armentières, par exemple, elle rayonne de 60 à 90 kilomètres. Ce premier avril ne paraissait pas se présenter en effet, sous un jour très favorable, car, en altitude, le vent était plutôt en direction ouest. A terre, il soufflait sud-ouest.

Le ballon l'Aube au Drézeul

Sur un coteau, l'Aube s'arrête

Près d'un joli moulin à vent,

Chez les Bretons, par la tempête,

On est bien mieux qu'en Océan !

A ton tic tac... combien je rêve !

Tourne moulin, tourne sans trêve !

C'est au Drézeul, fête en ces jours,

Vivent le cidre et la galette,

Flottez rubans, robes, velours,

Jouez biniou, fifre, musette.

Tourne, tourne, joli moulin

Au vent du soir ou du matin.

Ohé ! les gars ! dès la nuit brune,

Chantez, dansez, avec entrain,

Tant que luira la blonde lune

Sur les ailes du vieux moulin !

Tournez, tournez, valsez encore,

Près du moulin, jusqu'à l'aurore.

Une journée de gonflement est bien écoulée. Vers 16 h. 30, Crombez, président de l'Association aéronautique du Nord, donne le signal de départ. Dollfus s'élève le premier sous les rafales d'un vent très violent. Spiess le suit et voici mon tour. Il est 17 heures. L'Aube quitte le sol ; je suis seul à bord avec 300 kilos de lest. La centième ascension de notre Association plus que trentenaire est commencée.

Quel sera notre destin et vers quels rivages Eole va-t-il nous conduire. La direction est excellente. Pendant combien de temps pourrai-je m'y maintenir ? Tous mes efforts se portent vers un voyage à basse altitude afin de gagner le plus possible le direction Sud. A 18 h. 30 , je surplombe Bapaume et à 19 heures, on m'annonce que je suis à Bayonvillers. En consultant la carte je me rends compte, avec plaisir, que je suis à plus de 120 kilomètres, de la Manche. Bien que la marche du ballon ait tendance à s'infléchir vers le Sud-Ouest, je ne saurais gagner la Manche car je suis bien résolu, coûte que coûte, a ne pas me laisser prendre par l'altitude qui me donnerait une direction plus ouest avec orientation vers la presqu'île du Cotentin.

Enfin, il est 20 heures, le soleil a disparu derrière un épais rideau de nuages d'un noir sale, la brume va se faire de plus en plus dense ; la terre subitement s'estompe, je distingue assez vaguement, par ses lumières, une grosse agglomération - j'appelle - on me répond : " Breteuil ". Cette fois, la brume devient opaque, le ballon même a disparu à mes propres yeux. Trente minutes s'écoulent. Je perçois nettement des bruits importants, roulements de trains, sirènes répétées de nombreuses autos, enfin tout le brouhaha qui caractérise la présence d'une ville. Un coup d'œil sur la carte. C'est certainement Beauvais. Je suis à 600 mètres. Trouvant cette altitude un peu élevée, je me laisse descendre an 400 mètres et je règle ainsi mon ballon. Plusieurs heures se passent dans une " crasse " de première classe. Les bruits qui montent jusqu'au sphérique m'avertissent que je suis toujours au-dessus de la terre ferme ; du reste, pendant la majeure partie de la nuit, je n'éprouverai aucune inquiétude, connaissant mon angle de route et la vitesse de marche du sphérique.

Entre temps, j'essaierai de faire quelques sondages, jusqu'à 100 mètres, de façon à reconnaître mon orientation exacte, dès que je puis, à travers cette brume apercevoir pendant 10 ou 20 secondes le sillage blanc d'une route.

A minuit 45, le ballon étant à environ 80 mètres du sol, je perçois franchement le bruit que font les sabots d'un piéton marchant sur le macadam d'une route. Je l'appelle : Ici un ballon ! Renseignez-moi ! Dans quel département ? quelle ville ? La réponse ne se fait pas attendre : " Vous êtes dans l'Orne, à 20 kilomètres d'Argentan ". Dieu soit loué ! Avec quelle joie reçois-je ce message, perdu que je suis dans cette immensité noire et brumeuse.

Ce renseignement me suffisant, je balance quelques poignées de lest pour aller me stabiliser dans mon perchoir tout ouaté à 400 mètres. Demeurer plus bas serait imprudent, car il faut songer aux collines, aux clochers, aux lignes à haute tension qui se présentent à l'improviste. A cette altitude, j'ai tout le temps nécessaire de repérer ma route (l'électricité ne manque pas à bord) en prolongeant la ligne de marche de mon ballon, sur la carte bien entendu. Je me rends compte que je me dirige vers l'Atlantique et que j'en atteindrai le rivage à 5 heures 1/2 du matin, en admettant que vitesse et direction du vent soient constantes. C'est donc encore au moins 3 heures de tranquillité relative tout en prêtant l'oreille aux bruits terrestres. Vers 4 h. 30, il me semble percevoir le roulis des vagues de l'Océan. A vrai dire, c'est un remue-ménage identique. A ce moment, je ne crois réellement en mer. J'éprouve une vive émotion car en ballon, il n'y a pas de moteur à bord pour faire machine arrière.

Après dix bonnes minutes passées dans une réelle anxiété, le chant d'un coq me rappelle tout à coup que je suis toujours au-dessus de la terre ferme, je venais en effet de traverser une vaste forêt.

Toutefois cinq heures approchent et avec elles, la proximité de l'Atlantique. Je décide de me rapprocher du sol, à 100 mètres environ. Soudain, à travers l'épais brouillard et tout en prêtant la plus grande attention, j'aperçois vaguement une longue étendue d'eau que je traverse, puis une ligne noire mal définie que je juge être la rive. C'est l'estuaire de la Loire, pensé-je en moi-même. Mais le vent m'entraîne à une vitesse folle, quand, dans l'opacité de cette brume mortelle se profile devant moi une masse sombre, fantomatique. Cette vision prend des proportions démesurées dans mon esprit, un esprit inquiet devant cette course effrénée vers l'océan. nul doute, ce doit-être un phare, il en a la forme et derrière.... la mer immense ! Je ne puis donc aller plus loin. Le faire c'est m'exposer aux pires aventures. Par un coup de soupape, j'invite le ballon à descendre. La réaction se fait sentir au bout de quelques secondes et, dans la plus complète obscurité, je rentre sans coup férir dans un bois de pins. Je ne puis mieux tomber. Allégé, je rebondis au-dessus d'une prairie étroite en contrebas d'une route. Touchant terre, j'arrache le panneau de déchirure. L'Aube, instantanément, agonise, le filet accroché sur la plus haute branche d'un gros hêtre et la nacelle fichée avec son propriétaire, comme un nid, sur une haie touffue dans ce chemin creux.

Cet atterrissage mouvementé n'était pas passé inaperçu. Les habitants, malgré l'obscurité, accouraient en toute hâte, et quand ils arrivèrent dans le petit chemin creux, j'avais déjà quitté mon panier où j'abandonnai à regret près de 160 kilos de lest. Quand je pense que si j'avais eu une direction plus Sud j'aurais certainement atteint les Pyrénées et qui sait.... mais en ballon, c'est l'imprévu et l'on ne sait jamais !

J'étais donc dans le Morbihan, au Drézeul, à 7 kilomètres de La Roche-Bernard, et à une vingtaine de kilomètres de l'Atlantique ; il était 5 heures du matin. La large étendue d'eau que je venais de prendre pour l'estuaire de la Loire, puisque je n'avais aucun moyen de contrôle en raison de cette exécrable brume, était la Vilaine, qui, débordée, s'étendait sur un lit de plus de 3 kilomètres de largeur. Quant au phare, c'était un moulin à vent perché sur un monticule, le fameux moulin, je pense, du " Meunier sans souci ". Dans tous les cas, il me donna du fil à retordre, et c'est avec une respectueuse curiosité que je lui rendis visite quelques heures plus tard, alors que ses ailes immenses tournoyaient dans l'espace, rythmant un " tic tac " des mieux cadencés.

Ainsi, le ballon l'Aube venait d'accomplir, en terre bretonne, son centième atterrissage, après un parcours de plus de 500 kilomètres à vol d'oiseau et d'au moins 600, d'après le trajet réellement effectué.

J'ai, en Bretagne, rencontré le meilleur accueil, aussi conserverai-je de sa sympathique population le plus cordial souvenir.

M'est-il permis de conclure, en faisant cette agréable remarque, que de jeunes et charmantes jeunes filles de l'endroit recueillirent précieusement, en souvenir de l'atterrissage, un peu de lest tombé de la nacelle. Aussi soyez assurés qu'au Drézeul, de longtemps, toutes les filles trouveront mari, le petit sachet de sable du ballon l'Aube porta bonheur ?

Léon DARSONVAL, Pilote Aéronaute