22 - L'Aéronautique dans le département de l'Aube (1936)

INAUGURATION DE L'AERODROME DE TROYES

et

DEUXIEME RALLYE-BONNETERIE

( 9 juillet 1933 )

Qui pourrait dire combien il y avait de joie dans les cœurs au cours de cette inoubliable journée du 9 juillet 1933. N'est-il pas une date historique pour l'aviation dans notre cité, puisqu'elle consacre, en définitive, tous les efforts accomplis jusqu'alors pour la création, l'organisation, et, en ce beau jour, pour l'inauguration d'un terrain que notre Club a tant désiré voir instauré à Troyes.

Cette inauguration coïncide avec l'organisation de notre 2e Rallye-Bonneterie, aussi, quarante et un avions répondront à notre appel !

N'est-elle pas un sérieux encouragement, pour notre Aéro-Club, la présence de tous ces oiseaux venus de très loin en France pour nous dire combien, dans le monde aéronautique civil ou militaire, est approuvée la création de notre gare aérienne, nouvelle oasis sur les routes de l'air !

Encore une fois, la ville de Troyes a bien mérité de l'aviation; en établissant, dès aujourd'hui, ce terrain, nous estimons que notre Cité a bien préparé l'avenir, car gouverner c'est prévoir !

Le Hangar

Ceux qui, hier, étaient à la peine sont en ce jour à l'honneur, notre Président, M. Camille Marot, l'exprime fort bien dans l'allocution qu'il prononce au banquet, un banquet tout aéronautique qui a pour cadre : le hangar et les avions !

Le Maire de Troyes, M. Privé, qui préside ces agapes toutes fraternelles, aux côtés de M. le Préfet de l'Aube et de M. le Maire de Barberey, est satisfait de ce dénouement, et officiellement félicite M. Roger Renard, son collègue au Conseil Municipal de Troyes, d'avoir travaillé, de toute son âme, à l'accomplissement de cette œuvre.

M. le Maire rend également hommage aux différents services de son administration, de même qu'aux ouvriers si dévoués, dont la plupart sont en chômage, pour la noble ardeur que tous ont apportée dans l'établissement de la voie d'accès à l'Aérodrome.

Puis, félicitant les aviateurs présents, il les assure de sa bienveillance sympathie et leur dit combien il est honoré de pouvoir les saluer, en ce jour, sur l'Aérodrome municipal, désormais ouvert au service de la navigation aérienne.

Le Préfet, M. Péretti della Rocca, unit, dans une belle improvisation, la Municipalité de Troyes et l'Aéro-Club de l'Aube qui ont par leurs efforts conjugués, doté notre ville de cet Aérodrome, contribuant ainsi à rendre la France toujours plus florissante.

Le général Tulasne, représentant le Ministre de l'Air, se félicite de la création de cet aérodrome et adresse ses plus chaleureuses félicitations à toutes les personnalités qui ont été à des titres différents, mais avec le même cœur, les artisans de cette œuvre.

Le Président de l'Aé. C. A. en conversation avec M. le Général TULASNE, représentant le Ministre de l'Air.

Le banquet se termine dans une atmosphère bien cordiale, et, pour signaler que nous sommes à Troyes, capitale non seulement de la Champagne mais aussi de la bonneterie, une avalanche de bonnets de coton multicolores, aux pompons provocateurs, descendent sur le chef de chacun des convives, à la grande joie de l'assemblée.

Et la foule des grands jours continue d'affluer vers l'aérodrome, tandis que, sur la pelouse, on peut voir un beau groupe d'aviateurs civils et militaires communiant dans le même idéal. Les dames ne manquent pas, vingt-deux sont arrivées, dans la matinée, par la voie des airs, aussi aurons-nous la satisfaction de voir le challenge Camille Marot attribué à l'une d'entre elles, notre compatriote Mme Cauchois, de l'Aéro-Club de Boulogne-sur-Mer.

Au hasard des rencontres, il convient de citer la célèbre pilote Maryse Hilsz; MM. le Général Tulasne et son pilote, le capitaine Thiébaut; le Général Gérard et son pilote, le lieutenant Bourigault; le Général Cheutin et son pilote, l'adjudant-chef Zimmermann; Paul Schneider; Détré, gagnant la coupe Deutsch; Malinvaud; le capitaine Mariotte, commandant le Centre d'entraînement du Bourget et son pilote l'adjudant-chef Launois; Doret; Sadi-Lecointe; Sautereau, ancien pilote de l'Aéro-Postale sur les lignes transatlantiques Sud; Mme Delorme et M. Delorme, directeur de la Magnéto R.B.; Mme et M. Tridon; MM. Jean Moreau, de l'Aéro-Club de l'Yonne; le capitaine Cartier, du 34e Régiment d'Aviation du Bourget; le Docteur Dupêchez, " le toubib volant "; Vanlaere, chef-pilote de la Maison Caudron; le parachutiste Leclerc; Pierre Pot et beaucoup d'autres personnalités du monde aéronautique, tant des Aéro-Clubs voisins que de notre département.

L'aviatrice Maryse HILSZ (à gauche)

photographiée sur le terrain de Barberey

Sur le terrain, c'est un ronronnement sans égal de moteurs d'appareils qui offrent au public une exhibition des plus réussies. Doret exécute de remarquables acrobaties, tandis que Sadi-Lecointe s'amuse à " loopinguer " !

Bientôt les avions de tourisme s'assemblent pour le concours du 2e Rallye-Bonneterie.

Le grand Prix de la ville de Troyes est remporté par M. Lindecker, de Chaumont; M. Détré, d'Albert (Somme), gagne celui de l'Aube; le prix du Président échoit à M. Pousset, de Boulogne-sur-Mer et enfin celui des fabricants de bonneterie, à M. Moreau, de Paris.

Mais la fête s'achève. C'est l'heure des séparations. Depuis quelques temps déjà, les Généraux Tulasne, Gérard et Cheutin ont disparu en direction de l'Ouest et de l'Est. Successivement, les avions de tourisme s'élèvent dans le ciel; ils fuient emportant nos regrets et cependant, avec le souvenir d'une journée agréablement passée, ne nous laissent-ils pas l'espérance de bientôt les revoir ?...


Quelques mois s'écoulèrent après l'inauguration de l'Aérodrome de Troyes, lorsque les grands oiseaux ne tardèrent pas à revenir. En effet, le 17 septembre 1933, l'Aérodrome de Barberey présentait une effervescence extraordinaire.Nous attendions le passage des prototypes.

Une foule toujours enthousiaste accourait de toute part, et pour l'inviter à prendre patience, l'avion Nénette de Camille Marot accaparait le ciel par de nombreux baptêmes de l'air.

A 14 h. 30, deux prototypes de tourisme, le Béchereau 23 et le Mauboussin II se pose sur le terrain, quand, subitement, un point noir se révèle à l'horizon, vers le Sud-Est. Il grossit ! Les initiés reconnaissent facilement le Morane 225 de l'adjudant-chef Carlier, un pilote de grande classe, que les acrobaties les plus téméraires ne sauraient effrayer.

Cet avion de chasse peut atteindre un plafond de 10.000 mètres et une vitesse de 333 kilomètres-heure.

Successivement arrivent trois appareils; d'abord, l'avion bleu de transport Wibaut-Penhoët 360, à moteur Salmson 260 CV. Sa vitesse est de 200 km. à l'heure, avec quatre passagers à bord. Il est piloté par Ribière, accompagné de M. Chollat, secrétaire général de la Fédération aéronautique de France.

Voici le Potez 37 et le Nieuport 58 R-2, que pilotent respectivement le capitaine Duponchay et l'adjudant-chef Lacombe.

Le Bloch sanitaire arrive enfin, à son tour, piloté par l'adjudant-chef Gaussin.

A peine sont-ils descendus qu'un nouvel avion pointe dans le lointain. Il atterrit, c'est le colonial S. P. S. A. de 235 CV., que pilote l'adjudant-chef Wernert.

Et dans un indescriptible vrombissement qui ébranle les airs, se présente un avion aux proportions extraordinaires, c'est le trimoteur 1800 HP Dyle-et-Bacalan LDB 70, bientôt il plane au-dessus de nos têtes. A ce moment, nous avons la sensation profonde de voir un aigle gigantesque qui descend des aires les plus lointaines et vient fondre avec impétuosité sur un minuscule nid d'oiselets, pour y ravir sa proie.

Il atterrit, et, vers lui, c'est une ruée tumultueuse de spectateurs émerveillés.

A l'intérieur de cet extraordinaire engin, on peut admirer quatre cabines au confort luxueux, un salon spacieux, des lavabos, des soutes pour bagages et un long couloir d'accès au poste de pilotage.

Le Dyle-et-Bacalan est équipé de trois moteurs 600 CV. à réducteur Farman, il pèse neuf tonnes et demie et quinze tonnes en pleine charge. Sa vitesse moyenne est de 180 km.-heure, mais, pratiquement, il ne réalise que 150 km.-heure.

Transformé pour le transport de la troupe, plus de 70 hommes tout équipés peuvent facilement prendre place à son bord.

Cet avion, construit à Bordeaux, est destiné à l'Ecole d'Application de l'Armée de l'Air; son pilote est l'adjudant-chef Lehrt.

Ainsi, par cette présentation, ces prototypes venaient affirmer les qualités de notre matériel aéronautique. Ils accomplissaient, à Troyes, la dernière étape de cette superbe randonnée à travers la France, avant de regagner, dans la soirée, le terrain d'Orly qu'ils avaient quitté le 9 septembre.

Le " Dyle-et-Bacalan "

Ce fut encore, pour les ailes auboises, une bien réconfortante journée, toute à l'honneur de l'Aé. C. A., qui contribua à son entière réussite.

LA TROISIEME FETE AERIENNE DE BAR-SUR-AUBE

( 27 Mai 1934 )

A peine la ville de Bar-sur-Aube, dont l'attachement à l'aéronautique mérite d'être rapporté, a-t-elle constitué une section de l'Aé. C. A., qu'elle organise, avec succès, une nouvelle fête aérienne.

Favorisés par un temps idéal, le 27 mai 1934, neuf avions viennent atterrir sur le terrain, mis gracieusement à la disposition du Comité par M. Lemoine, Président d'honneur et cette section.

La Ville est en fête et les spectateurs se hâtent vers l'aérodrome, déjà occupé par de nombreuses personnalités. On y remarque MM. Villeger, sous-Préfet; Marquot, conseiller d'arrondissement; Guérin, maire de Longchamps; Gadenne, maire de Proverville; Fourrier, maire de Baroville; Guérard, maire de Fontaine; Claudet, l'éminent technicien constructeur de moteurs et carburateurs.

Quelques membres du Comité de Direction de Troyes se sont joints à leur camarades de Bar-sur-Aube et s'entreprennent d'apporter tout l'éclat désirable à cette manifestation, dont le programme, présenté au public, est des plus attrayants.

Outre le simulacre de bombardement et la chasse aux ballonnets, on passe aux exercices acrobatiques : travail sur le plan, trapèze aérien et descentes en parachute.

Quant au vols, ils sont exécutés, de la meilleur façon, par Camille Marot, Bastier et Odent, pilotes de l'Aéro-Club, ainsi que par le pilote Hougleur, de Bar-sur-Seine, et par M. Réservat, de Paris, accompagné de son parachutiste Williams.

Enfin, quelques baptêmes de l'air clôturent cette radieuse journée, qui s'écoula bien trop vite à notre gré.

Remercions Bar-sur-Aube de son heureuse initiative, elle est digne du passé. De ce passé déjà lointain où, pour la première fois, en 1869, Louis Godard tentait de s'élever en ballon, dans nos murs.

N'est-ce pas aussi dans cette ville, que le premier aviateur prit son vol, dans notre département; que les ailes baraldines soient donc de plus en plus glorieuses, aujourd'hui, demain et toujours !