5 - Léon Darsonval (Pilote Aéronaute)

Le 23 mai 1926, l’Aube, piloté par Darsonval, ayant comme passager 1er Grangran, Coudrot J. ; 2ème Renard Roger, part de Troyes, fait escale à la Vendue-Mignot (Aube) et atterrit à Mardié (Loiret) après avoir fait un parcours de 240 km en 14 h et être monté à une altitude maximum de 1300 m.

Léon Darsonval et son ballon

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Article paru dans le journal “Express de l’Aube” du 3 septembre 1926 à Troyes.

Nous avons remarqué à la vitrine de CROUZET (ancienne maison GRISIER), rue du Général Saussier un superbe dessin à la plume de Monsieur Forgeot – Tardy.

Ce dessin qui représente le ballon l’Aube et son pilote Darsonval dans son voyage de TROYES – ORLEANS, est d’une conception on ne peut plus artistique et en même temps très originale.

D’une finesse remarquable, il fait honneur à l’artiste qui l’a exécuté, Monsieur Forgeot, actuellement, âgé de 75 ans.

Présenté dans un superbe cadre offert par Monsieur Crouzet, cette œuvre ne peut faire autrement que d’être très admirée par nos concitoyens.

Un passant émerveillé ( le 4 septembre 1926 )

Le 15 août 1926, la Fille de l’Aube, piloté par Léon Darsonval, ayant comme passager Georges Dhautel part de Bully-Grenay (Pas de Calais) et atterrit à Leithum (Luxembourg) après avoir fait un parcours de 250 km en 11 h 30 mn et être monté à une altitude maximum de 700 m.

Le concours de distance

des mines de Béthune (1926)

La Coupe des Sphériques de Mines de Béthune s'est disputée pour la troisième fois le 15 août à Bully-Grenay.

Organisée par l'Association Aéronautique du Nord de la France, cette épreuve a vu le départ de six concurrents: Mme Bombardier et MM. Darsonval, Defives, Dollfus, Hette et Rebère.

Les points d’atterrissage donnent le classement

suivant :

1er Charles Dollfus, 1.200 mètres cubes, avec MM. Metzger et Haecht comme passagers. Atterrissage à Niederhausen (50 kms de Mayence).

2e Darsonval, 900 mètres cubes, passager, M. G. Dauthel. Atterrissage à Leithem (Luxembourg).

3e Mme Bombardier, 1.200 mètres cubes, passagers MM. Leleu, Minon et Verluys. Atterrissage à Sauthergem (Belgique).

4e Albert Hette, 900 mètres cubes, passager M. Debaisieux. Atterrissage à Deux-Acren, près de Lessines (Belgique).

5e Maurice Defives, 1.200 mètres cubes, passagers MM. A. Danois et De Vos. Atterrissage à Vannebecq (Belgique).

6e Rebère, 800 mètres cubes. Passagers MM. Pattou et Héron. Atterrissage à Fontenoy (Belgique).

En plus de ces performances officielles, on a pu enregistrer les départs «hors course» de M. Glorieux sur un 400 mètres cubes et de M. Fernand Faguet, aussi sur un 400 mètres cubes qui ne toucha terre que le lundi 16 août à 6 heures du matin près de Malmédy.

M. Charles Dollfus réussit à cette occasion une belle performance en effectuant par temps superbe une promenade de 400 kms en 14 heures 48 min., promenade comportant une traversée nocturne inoubliable des bassins de Mons et de Charleroi. L'atterrissage s'effectua entre Wiesbaden et Hombourg dans une clairière d'une des belles forêts du Taunus. M. Charles Dollfus devient de ce fait le tenant actuel de la Coupe Juchmès.

Rappelons que les anciens vainqueurs de la Coupe des Mines de Béthune avaient été en 1924, M. René Clarisse et en 1925, Mme Bombardier.


COUPE des MINES de BETHUNE , le 15 Août 1926

Par une belle soirée du mois d'Août à toute vapeur l'express de Lille m'emportait vers le Nord, au pays des Mines. Bercé par le rythme du train, je songeais à notre prochain départ de Bully, près de Bethune. Et certes, pour des gars de l'Est, c'est chose assez inédite que de partir en ballon dans le pays de " Ch' Nord ! ". Mon collègue, Georges Dhautel, membre actif du club aéronautique de l'Aube accompagné de Madame Dhautel m'y avaient précédé de quelques heures.

Une cordiale réception nous était ménagée par l'Association Aéronautique du Nord de la France ; également par les notabilités de Bully-les-Mines et spécialement par les ingénieurs du Puits N° 5 bis

A tous, nous adressons nos meilleurs et nos plus affectueux remerciements ! . Avec quelle ardeur les braves porions, que le Comité des fêtes mit à notre disposition, installèrent-ils nos " percots " ( O pardon ! nous voulions parler de nos sphériques ! ) dans un emplacement merveilleux qui fait l'admiration de tous !

Nous sommes par contre, au centre d'une inextricable toile d'araignée ; et Dieu sait si ces fils à haute tension sont un danger permanent pour les aéronautes ! Heureusement que des ordres avaient été donnés en haut lieu pour interrompre le courant au moment du départ. Rassurés de ce côté, le signal de gonflement est donné, et c'est avec une réelle satisfaction que nous vîmes grossir nos bulles de gaz. Il y avait des 1200; par contre le nôtre n'était que de 900 m3. Mais, bah ! nous avions confiance dans une nuit sereine, dans une stabilité parfaite dans..... notre étoile pour mieux dire !! Entre temps : Nous visitions le terrain des sports, dont l'aménagement ne le cède en rien aux plus grands stades français ; nous remarquons que dans le Nord, on fait bien les choses, et ceci grâce aux Mécènes de la région qui font tout, pour rendre la vie plus agréable aux braves porions qui sont si souvent à la peine.

Et puis, avant notre départ, nous allâmes saluer le monument que la ville éleva à la mémoire d'un humble soldat de Bully - un porion - Qui ne connaît le geste sublime du soldat Marsch dont la conduite fut digne de celle d'un héros de l'Antiquité ? Chargé de porter un pli urgent et décisif à travers les lignes et sous le feu violent de l'ennemi ; il tomba frappé, son corps à demi enseveli sous la terre. Marsch, sentant la mort venir porta bien haut... très haut de sa main droite, ostensiblement ce pli et .... la mort fit son œuvre. C'est ainsi qu'un agent de liaison trouva cet ordre, le prit de la main que lui tendait le mort, et le porta à ses chefs....

Enfin les ballons sont gonflés!.... M. Delesalle, neveu du maire de Lille, le sympathique commissaire sportif de la coupe, fait procéder au tirage pour le départ, et c'est à Madame Georges Dhautel qu'échoit l'honneur de sortir les petits bulletins qui vont décider de notre sort. Nous avons le N° 3. En conséquence, nous arrimons ; plus de temps à perdre ; l'instant devient solennel ! Une foule compacte attend impatiemment les départs. Je prends place dans la nacelle avec l'ami Dhautel un servent du ballon. Enfin, le N° 1 décolle aux accents de la Marseillaise. Puis le N° 2 et voici notre tour ! Il est 18 h. 10 exactement quand nous traversons le réseau des fils meurtriers. Notre ballon prend de la hauteur et va se stabiliser à 600 mètres au-dessus du puits 5 bis, puis nous prenons franchement la direction Est. Dhautel profite de cet instant pour fixer solidement notre baromètre enregistreur et maintenant en route !.

La ville de Lens, nous apparaît grandiose. Des puits de mines de toutes parts, jamais nous n'avions assisté à pareil spectacle ! A l'Ouest : Givenchy - Souchez - Neuville Saint-Wast ! Que de souvenirs, que de deuils ! Puis, un gros point blanc : une tour, un phare ? Notre-Dame de Lorette ! Cette colonne qui fièrement s'élance sur ce monticule à jamais célèbre, où dorment tant de fils de France nous émeut au possible ! . Un instant de recueillement et nous nous sentons plus près de ces âmes de héros qui semblent s'échapper en une lueur étincelante de ce phare symbolique! Nous ressentons plus que jamais la noblesse du sacrifice de ces hommes, et nous nous rendons compte qu'un grand peuple comme le nôtre ne saurait l'oublier!.

Et notre ballon venu des plaines de Champagne où dorment aussi d'autres héros, glissa comme une ombre vers des régions inconnues et lointaines, emportant dans ses plis quelques uns de ces rayons lumineux où venaient se mêler ceux d'un soleil couchant qui rougeoyait sur la plaine, s'étendant immense et grandiose au pied du phare de N.D. de Lorette. Nous traversons le canal de la haute Deule et la ligne de Douai à Lille. Puis, voici Orchies avec ses deux bifurcations de voie ferrée ; l'une vers Lille, l'autre vers Roubaix. Plus loin, un superbe moulin à vent nous tend ses bras décharnés. Nous le surplombons de quelque 50 mètres. Que n'eussions nous à bord Don Quichotte de fameuse mémoire, il eût certainement, à ce moment, rendu célèbre notre équipée!!...

Au Sud, nous distinguons nettement St. Amand, nous passons en vue de Conde. Quand nous traversons le frontière Belge : " Vive la France et vive la Belgique " clamons nous aux braves douaniers piqués devant leur barrière multicolore et qu'ils regrettent peut-être de ne pouvoir élever jusqu'à nous ! Mais tant pis... nous passons. - Voici Saint Ghislain, l'obscurité se fait de plus en plus grande. Mille lumières scintillent de toutes parts et, à 22 heures, nous traversons la ville de Mons dont on en distingue parfaitement la topographie ; la ville haute et la ville basse que Fée Electricité décore somptueusement .

La Belgique est en liesse c'est l'Assomption. Les symphonies, les fanfares jettent leurs plus belles notes qui montent jusqu'à nous. C'est : Valencia, la Brabançonne, sur les cîmes neigeuses du Mont-Blanc. Cette dernière semble être tellement en rapport avec notre randonnée que Dhautel, fredonne l'air avec délices. Enfin le temps passe agréablement et notre ballon continue sa route et .... quelle route ! Au-dessus de nous à 400 mètres, s'étale comme une large rivière de diamants aux mille et mille reflets - toute la campagne entre Mons et Charleroi - des cratères lancent des flammes infernales et illuminant le ciel sur une grande étendue comme en un vaste incendie.Véritablement, notre situation deviendrait inquiétante si nous ne nous trouvions à quelques centaines de mètres au-dessus de ces gouffres de feu ! Spectacle inoubliable pour nos yeux émerveillés, qui se déroula sur un parcours d'au moins 50 kilomètres.

Charleroi, cité du fer et du feu ! nous emportons de toi un souvenir durable et : " La Fille de l'Aube " peut-être fière d'avoir vu son front s'empourprer à la lueur de tes forges et de tes hauts fourneaux, les plus vastes du monde.

Il est minuit 30 quand nous nous enfonçons insensiblement dans la plus complète obscurité. Notre ballon fait bonne contenance et nous marchons grand train, quand vers 1 heure du matin à Anhée au sud de Namur, nous traversons la Meuse. La condensation se fait sentir, et au prochain vallon boisé, notre nacelle ira caresser la tête échevelée de l'un des géants de la forêt. En quelques secondes, nous sortons de cet endroit inhospitalier par un jet de lest approprié et nous continuons notre route vers l'Est ainsi que l'indique notre boussole, d'accord en cela avec l'Etoile polaire qui brille à notre gauche.

1 heure 1/2. - Nous sommes à la hauteur de Ciney, ainsi que l'annoncent quelques retardataires - une auto passe et à partir de cet instant, nous ne verrons plus âme qui vive, engagés que nous sommes sur de vastes et profondes forêts, dont le long ruban dépassera 90 kilomètres. - Impressionnante traversée, car 100 mètres à peine nous séparent de la cime des arbres. Nos oreilles s'emplissent du murmure de nombreuses cascades dont le clapotis porté par l'écho, va se répercutant de vallon en vallon. Il nous semble que Nymphes et Naïades ont choisi cette heure tardive pour prendre leurs ébats tumultueux !.

Silencieux, notre ballon s'achemine sous les pâles rayons d'une lune blafarde. Discrètement, nous nous penchons sur le bord de la nacelle pour mieux voir et, à travers les frondaisons touffues, nous surprenons les déesses de ces vastes forêts coquettement v^tues d'un long voile tout lamé d'or et d'argent !

Moment impressionnant s'il en fut et où se révèle tout l'intérêt d'un voyage en sphérique ; où seuls, avec nos pensées, nous nous berçons au milieu d'une nature sauvagement grandiose. Et c'est ainsi que nous sommes passés au Nord et à quelques kilomètres de Marche et de Laroche.

4 heures 1/2 - Nous débouchons de la forêt. Une immense mer de nuages recouvre la campagne endormie. Dans le lointain une rangée de lumières : C'est sans doute une gare. Nous apprîmes plus tard qu'il s'agissait de Limerle. Au fur et à mesure que pointe le jour, nous remarquons un paysage complètement transformé. Ce sont bientôt les sapins piqués en terre à la manière des jouets de Nuremberg ; ils sont noirs et verts foncés. Dans ce décor, nous distinguons nettement les maisons étonnantes, le tout se détachant sur un large tapis vert. Plus de doute, nous pensons être à proximité de l'Allemagne, si nous n'y sommes déjà.

5 heures 35 - Il fait grand-jour, c'est peut-être le moment de descendre ! Voici un village. Au clocher sonne l'Angélus du matin. Un coup de soupape et deux minutes plus tard, nous sommes au sol. Notre ballon dégonflé. Un jeune gars nous annonce que nous sommes à Leithum, commune de Weiswampach, à la pointe extrême Nord du Grand Duché de Luxembourg à 1 km. de la frontière allemande.

Les gens du village sont bientôt mobilisés. Avec beaucoup de complaisance, ils nous aident à plier notre matériel que nous faisons transporter à la gare de Trois-Vierges. Quel beau pays ne traversons-nous pas. De quels sites pittoresques ne jouissons-nous pas ! 15 kilomètres, nous séparent de la gare. Nous les faisons allègrement à pied. O pays de Luxembourg aux vallées Luxuriantes, aux pics élevés et abrupts que couronnent de jolis clochers ou d'antiques forteresses démantelées qu'ont immortalisées de belles et terrifiantes légendes. Nous sommes heureux d'avoir pu vous saluer ; et dans quelques années s'établira une autre légende où certain jour dès l'Aurore, une déesse de l'air : " La Fille de l'Aube " descendit en terre de Luxembourg pour y trouver sont prince !! Mais, nous reviendrons car nous ne partons pas sans espoir de retour ! .

Dhautel, reprend la route de Liège - Bruxelles et Lille ou sera déplombé notre baromètre et remis au Siège de l'Association Aéronautique du Nord le diagramme officiel de notre ascension. Quant à moi je me dirige vers Luxembourg. Notre voyage a duré exactement 11 heures 27 minutes et nous avons parcouru environ 260 kilomètres.

Nous apprîmes que sur les 6 sphériques qui prirent part à la Coupe des Mines de Bethune notre ballon " La Fille de l'Aube " remportait le 2ème Prix.

Nous sommes heureux de donner une certaine satisfaction à notre bien vivante Société " Le Club Aéronautique de l'Aube et Anciens de l'Aéronautique militaire " et nous assurons notre cher et vénéré Président : Monsieur Joanneton que nous sommes décidés à faire mieux encore si possible à l'avenir. Tout pour le ballon ! Pour un sport merveilleux que beaucoup ignorent et qui plonge notre âme dans d'inoubliables sensations - dans l'Idéal ! .

Léon Darsonval