10 - Léon Darsonval (Pilote Aéronaute)


Comte rendu journalistique du Mans du 11 mai 1936 :

- 15 heures, le maire du Mans prend la parole devant le micro et prononce les paroles suivantes qui s’adressaient aux aéronautes :

Madame, Messieurs,

Avant que vous ne quittiez nos Jacobins, je veux vous saluer une fois encore au nom de toute la population mancelle, fière de vous avoir vu venir à elle, heureuse de pouvoir vous faire sentir sa sympathie, de vous prouver par son empressement à venir vous acclamer combien elle apprécie la manifestation dont vous êtes les précieux artisans.

Réunir pour une coupe de printemps – la plus importante que la province française ait vu se créer depuis la guerre – 14 aéronautiques dont tous les noms figurent au palmarès des grandes compétitions aérostatiques ; avoir la rare fortune de pouvoir accueillir à la fois, en présence du président de la Ligue aéronautique de France, M. le colonel Watteau, l’éminent savant, l’audacieux aéronautique qu’est M. le professeur Piccard, un des maîtres du ciel, comme le capitaine Demuyter, dont le regretté roi Albert pouvait écrire que “ ses victoires réitérées dans la Coupe Gordon-Bennet des sphériques où par quatre fois, avec un éclat grandissant, il a fait triompher les couleurs de sa Nation, aux prises avec l’élite des aéronautes du monde entier, ont consacré définitivement sa réputation de navigateur aérien, en même temps qu’elles honoraient son Pays “ ; des personnalités comme Mme Paulette Weber ; MM. Georges Rodichat, Albert Boitard, Lucien Boucard, Charles Dolfus, Georges Blanchet, Eugène Boiteux, de Bruycker, Pierre Jacquet, Léon Darsonval, Maurice Vernanchet, Georges Didrée, Roger Lallier, Robert Filippini ; la collaboration active de Georges Suire, si sympathique à tous ; l’assistance du “parleur inconnu” sans qui maintenant les épreuves sportives, perdraient de leur éclat. C’est avoir réalisé un tour de force que d’aucuns croyaient impossible, dont doivent être remerciés et délicité ceux qui furent les animateurs de la manifestation, celui qui en eut l’initiative : M. Robert Planchon et celui qui, à ses côtés, s’est dépensé sans compter, pour aplanir les difficultés, surmonter les obstacles, M. Maurice Ramade.

La ville du Mans, Madame, Messieurs, s’est fait un devoir de doter cette compétition d’une coupe spéciale. Chacun de vous est digne de la conquérir, de la conserver. C’est à vous tous, qu’au moment du départ, je l’offre, en formant au nom de tous ceux qui se trouvent ici nos vœux pour que votre randonnée à travers l’espace vous laisse le meilleur souvenir de l’accueil que la ville du Mans a pu vous faire.

Le professeur Piccard succède à Mr. Geneslay

Toujours simple, le grand physicien belge se contente de souhaiter à tous ceux qu’il considère comme ses camarades, “un bon voyage et une magnifique randonnée “.

Mais voulant aussi les faire profiter de sa longue expérience, le sympathique savant poursuit :

- N’oubliez pas que le vent vous pousse vers la mer. Que le meilleur gagne, certes, mais que la témérité ne vienne pas gâcher le désir que vous avez de faire une belle randonnée.

Et puisque nous en sommes au chapitre des allocutions au micro, anticipons quelque peu et disons que, par la suite, M. Gasnier-Dufresne président de l’Aéro-Club de l’Ouest, qui fit, lui aussi, de brillantes ascensions, et le colonel Watteau, président de l’Aéro-Club de France, sont venus au cours de l’après-midi, tout en félicitant les organisateurs, dire toute leur joie de la complète réussite de cette manifestation.

Mais voici que tous les aéronautes sont réunis autour du sphérique n° 1 prêt à partir et sont présentés aux officiels. Compliments, vœux de voyages et déjà Henri Rodilhat est à bord de sa nacelle.

On “pèse” le ballon. C’est-à-dire que les mains des jeunes soldats , qui ont prêté aux aéronautes un concours aussi dévoué qu’intelligent et effectif sont priées de se lever. Le ballon s’élève doucement. Il est trop lourd, un sac de lest est descendu. Le professeur Picard, commande la manœuvre “ Lâchez tout “.

On s’écarte, doucement le sphérique quitte terre, le voici à cinq mètres, à dix mètres. L’aéronaute lâche encore du leste, le voici au-dessus des maronniers fleuris. Les bras s’agitent. Bientôt Rodilhat sera hors de vue.

Le professeur Piccart préside à tous les départs, apportant sa contribution personnelle, montant même aux agrès pour corriger un défaut de montage ou mettre au point un détail avec la minutie et le souci de précision qui est le propre de l’homme habitué à se promener à travers le dédale des sciences exactes.

Mais à côté du savant et de l’homme de science il y a aussi l’homme tout court : un homme original et serviable.

Retenons au hasard cette petite scène dont nous avons été le témoin.

Un opérateur de cinéma qui a filmé le départ de Rodilhat a “loupé” – gêné qu’il est par la foule entourant la nacelle – le lâchez tout “ du professeur. Il s’approche et demande à l’as de la stratosphère de “ refaire le geste “ pour lui permettre de composer “ un raccord.

Le professeur Piccard regarde son interlocuteur et refuse catégoriquement. – Non. Monsieur, dit-il, ceci n’est plus du reportage, mais du….. théâtre.

Et voici la haute silhouette qui se dirige vers le sphérique n° 2 à bord de la nacelle duquel prennent place Mme et M. Albert Boitard.

Un moment d’émotion…, le ballon qui s’est élevé correctement, paraît redescendre rapidement après avoir franchi la cime des arbres.

- Du lest, du lest, crie-t-on de la piste.

M. Boitard en effet vide un sac de sable et le voici parti.

Grosse affluence autour du ballon de Dolfuss qui emmènera non seulement ce dernier mais encore M. Georges Hiret, président de la Chambre de commerce du Mans et de la Sarthe et MM. Spie et Claude Vincent.

Notre photographe saisit le professeur Piccard grimpant aux cordages et le ballon est amené au centre du terrain d’où il prend son essor.

On applaudit encore, les amis de M. Hiret lui font fête et c’est au tour de M. Boucard qui part seul.

Seul également M. Blanchet se laisse enlever dans les airs, trainant à sa nacelle un poste émetteur de T.S.F., qu’il lui permettra de se tenir en liaison avec le poste auxiliaire de météo, installé dans un terrain des Maillets.

Encore un autre moment d’émotion , l’antenne du poste s’accroche au départ dans le filet du ballon de Mme Paulette Weber. Enfin le filin brise et tout se passe bien.

Voici le “bon papa “ Boiteux qui s’envole à son tour, seul mais très applaudi. Puis c’est le tour de M. Pierre Jacquet qui en guise d’adieu nous lance du ciel, un joyeux coup de sifflet.

On amène le ballon de M. Darsonval, “ notre ballon “ allions-nous écrire. M. Roger Perreau, trésorier de l’Aéro-Club de l’Aube, prend place à bord. Il y a aussi une toute petite place au bord de la nacelle pour quatre pigeons voyageurs appartenant aux sociétés colombophiles du Mans. Les petits messagers ailés nous apporteront-ils rapidement de bonnes nouvelles de ceux que saluent nos vœux particuliers ? Soyons patients.

Mais voici Mme Paulette Weber qui distribue avec autant de grâce, baisers et sourires. Les photographes mitraillent à cœur joie la charmante petite femme qui est à sa soixante-dix-huitième ascension. Les caméras tournent, tournent. M. Georges Suire, l’un des actifs commissaires sportifs fait les gros yeux……

- Attention à vous, ne vous occupez pas des photographes, lâchez du lest, partez.

Mais avant de disparaître Paulette Weber tiendra à lancer sur le terrain quelques-unes des belles fleurs qui lui ont été remises au départ.

Il ne reste plus sur le terrain qu’un ballon. Celui qui servira à la reconstitution de la première ascension en ballon à gaz, aux Tuileries, le 1er décembre 1783, par Charles et Robert.

Et, en effet, tandis qu’on chante au micro “ Dans la nacelle d’un ballon “ un cortège de marquises et marquis, réglé par le chansonnier Jem, conduit vers la nacelle bleue, en forme de vaisseau, l’actif commissaire sportif Roger Lallier et M. Filippini qui, en costumes de l’époque, figureront deux des ancêtres de l’aérostation : Charles et Robert.

Le ballon, salué par la foule, s’élève majestueusement, paraît rester longtemps au-dessus de Pontlieue et finalement va atterrir à un kilomètre de Mulsanne, à gauche de la route de Tours, à proximité du château de la Rochère.

De nombreux automobilistes qui s’étaient élancés à la poursuite des deux aéronautes, se sont mis à leur disposition pour les ramener en ville.

Et l’assistance lentement s’est écoulée du Quinconce des Jacobins. Nous sommes persuadé qu’elle emporte le meilleur souvenir de cette belle manifestation, qu’elle revienne à nombreuse à l’occasion, et qu’elle porte loin, comme les ballons – les petits et les gros – la bonne renommée de la grande cité mancelle.

Ce sera le dernier de “ nos propos en l’air “ – F. BOCAGE (Journal la Sarthe du 11 mai 1936)

Rappelons qu’avant l’envol de Mr. Darsonval, il a passé au micro la communication qu’on va lire :

« Nous sommes heureux de faire savoir que Mr. Léon Darsonval, pilote de l’Aéro-Club de l’Aube qui prend maintenant le départ de la Coupe de Printemps à bord du ballon N° 9 battant pavillon du journal « La Sarthe » est l’auteur d’un très intéressant volume intitulé l’ « Aéronautique dans le département de l’Aube du XVIIIème siècle à nos jours ».

C’est ouvrage achevé d’imprimé le 15 avril 1936, et qui vient de paraitre est préfacé par Mr. Laurent Eynac, ancien ministre de l’Air et est consacré à l’histoire de l’Aéro-nautique depuis l’An 1536, où Denis Bolori, le premier homme volant de France, s’élança des tours de la cathédrale de Troyes, jusqu’à nos jours .

Il ne manquera pas d’intéresser tous ceux – et ils sont nombreux – que captivent les choses de l’air car il a été écrit par un homme qui, depuis plus de trente ans, s’est consacré à l’aérostation.