7 - Le statuaire Edme Auguste Suchetet




En 1911, le Maître présentait au Salon “ Le Nid d’Amour “ en marbre, acheté par l’Etat pour la Ville de Lyon. Nous possédons dans notre musée local, deux exemplaires de cette œuvre : Le plâtre original, grandeur nature et une copie de la maquette de 0m 45 de hauteur.

C’est aussi au cours de cette même année que Suchetet conçut une maquette demeurée inachevée : “ Daphnis et Chloé “.

Je me permettrai de donner quelques précisions sur “ Daphnis et Chloé “, de même que sur le rêve de Psyché, œuvre dénommée, dans la suite, par l’auteur “Le Nid d’Amour".

Au lendemain de l’enterrement du Maître (1932), son frère Hippolyte me vendit, à Paris, la maquette plâtre original de “ Daphnis et Chloé “ et le modèle plâtre “ du Nid d’Amour “ en 0 m 75 de hauteur, c’est à dire entièrement terminé, ainsi que la maquette du “ Nid d’Amour “, en plastiline ( la plastiline est une matière composé d’un mélange de glaise et de cire, ce qui permet à un modelage de se conservé sans altération pendant un grand nombre d’années). Je m’empressai de porter cette dernière à l’Atelier du statuaire Descatoire situé en face de la demeure d’Auguste Suchetet et cet éminent Artiste fit mander d’urgence son mouleur Monsieur Delmas pour en tirer une épreuve à creux perdu ; c’est la réplique de ce moulage que je donnai, il y a quelques années au Musée de Troyes.(N° 590 Base Joconde – internet ).

Quelles sont donc les origines exactes du “ Nid d’Amour “ ?.

Tout d’abord, l’auteur dénomma ce groupe “ Le Rêve de Psyché “ ( noter que le musée de la ville de Chaumont possède l’esquisse originale du “ Rêve de Psyché “ sa hauteur, 0 m 88 environ) et c’est sous cette appellation qu’il parut, en plâtre, au Salon de 1906.

Suchetet puisa son inspiration dans les métamorphoses et il nous présente une “ Psyché “ heureuse d’être aimée ; elle se blottit amoureuse et confiante dans les bras de Cupidon qui l’étreint avec tendresse et la couvre de son aile protectrice. Psyché tient la lampe qui doit le perdre, car, dès qu’elle l’aura allumée, malgré la défense qui lui en a été faite, son beau rêve s’évanouira, puisque, selon la fable, son amant se sera enfui.

A la suite du Salon, l’auteur apporta des modifications à son œuvre qu’il baptisa le “ Nid d’Amour “.

Nous remarquons que les ailes de Cupidon furent alors modelées plus enveloppantes et bien plus gracieuses, l’expression des visages des amants révèle une tendresse plus profondes, la tête du sujet femme est bien moins portée en arrière et le dessous de la jambe droite du sujet homme n’est pas ajouré, enfin le statuaire ajouta en dessous des personnages deux colombes qui symbolisent l’Amour.

Bien que dans son ensemble, le Nid d’Amour ait conservé la forme et l’esprit du “ Rêve de Psyché “, il est indéniable que ces modifications apportées par le Maître ont bien amélioré la tenue de ce groupe que l’on peut considérer comme une œuvre de premier plan.

Aussi, Suchetet ne négligea rien pour l’exécution en marbre de cette jolie pièce qui parut au Salon de 1911, avant son transfert définitif au musée de la Ville de Lyon.

Quant à la maquette de “ Daphnis et Chloé “ en 0 m 38 de hauteur , c’est une étude assez poussée du Maître et à laquelle il travailla pendant les années 1911 et 1912. Bien que les extrémités ne soient pas terminées, ce groupe présente néanmoins un réel intérêt, en raison de la forme du mouvement et du sentiment qui s’en dégagent, là encore, Auguste Suchetet s’est tourné vers les Grecs pour trouver son sujet dans le roman de Longus.

Dans cette œuvre on sent vraiment en Daphnis, toute l’ardeur de son amour, mais une ardeur ingénument passionnée, pour sa compagne qu’il enlace tendrement de ses bras alors que Chloé semble s’abandonner, sous la chaleur d’un suave baiser, l’ivresse d’un bonheur sans fin.

Aussi, pouvons nous regretter que l’auteur n’ait pas cru devoir persévérer dans la réalisation complète de cette originale composition.

A cela, il y a un motif, le voici :

Vers l’année 1913, Suchetet négligea son Art pour s’adonner à la peinture. A ce propos et bien que je sois détenteur de quelques unes de ses études, je n’ai rien à signaler qui soit vraiment digne d’intérêt et j’en conclus que le Maître n’aurait jamais du abandonner l’ébauchoir qu’il reprit cependant en 1917, car en 1918, il exposait au Salon une allégorie : “ Le Rhin et le Médaillon “ de Jean Julion, destiné à orner une stèle funéraire au cimetière de la Ville d’Avray.

Peinture du sculpteur Suchetet

Mais Suchetet vieillissait. Atteint d’une terrible maladie, le diabète, ses forces déclinaient de plus en plus.

Avec beaucoup de philosophie , malgré tous ses déboires, il vivait retiré, au milieu de ses souvenirs, dans un appartement bien modeste composé de 3 pièces exigües au 55 de l’Avenue du Maine à Paris.

C’est là que je suis allé trouver le Maître pour l’entretenir du passé et c’est là que j’appris à connaître les moindres replis de son âme.

" Vous trouverez “, me disait-il, “ dans “ l’Exil “ que j’exposai au Salon de 1927 tout ce que mon âme déçue peut refléter de désillusion et d’amertume dont j’ai été abreuvé ici-bas. Cette figure, à laquelle j’ai travaillé irrégulièrement pendant 35 ans, représente une “ Vierge à l’enfant “ dans les déserts de l’Egypte. Elle se recommande surtout par le sentiment paternel élevé et par la grande tristesse toute enveloppée de dignité qui s’en dégagent ; c’est une œuvre que je considère comme l’exécutoire de mes misères morales et matérielles ainsi que des profondes blessures que j’ai ressenties au cours de mon existence sur ce globe où je passai comme un exilé “.

D’un geste, il semble écarter de son front le noir cauchemar qui l’obsédait et tout en me désignant “ Le Nid d’Amour “ qui occupait, sur la cheminée de sa chambre, une place d’honneur”, il ajouta, “ avec une douce résignation ; voyez-vous mon cher Compatriote, c’est encore au contact du grand sentiment qui se dégage de cette œuvre, où j’ai placé toute mon âme, que j’ai rencontré les plus grandes consolations ; oui, c’est vraiment dans l’Art d’idéaliser “ L’Amour “ que j’ai trouvé le plus grand dérivatif à mes peines, en un mot, la force morale suprême qui m’aidera à poursuivre ma route avec philosophie “.

Pour compléter la psychologie du Maître, je me permettrai de rappeler ici sa propre opinion sur lui-même :

“ Je suis un grand émotif, disait-il, rien ne me laisse insensible . Je m’isole volontiers. Tout me porte au recueillement et à la réflexion. Je vois toutes les beautés de la nature dans la rose épanouie et j’éprouve une certaine émotion en songeant au déclin si rapide de sa vie. La misère m’étreint le cœur, la beauté morale et les belles actions me réconfortent et m’ont souvent donné la force de vivre “ .

Vraiment ces pensées honore grandement la mémoire du Maître, aussi, est-ce avec de tels sentiments que l’on crée les plus belles choses. Auguste Suchetet qui avait remporté le prix du Salon, en 1880, fut dès cette année là, considéré comme hors concours.

Ultérieurement, il fut promu chevalier de la Légion d’Honneur et se vit attribuer deux grandes Médailles d’Or, aux Expositions Universelles de 1889 et de 1900.

Durant sa longue carrière, ce statuaire fut désigné comme membre du Jury, à Paris, pour les sections de sculpture et de gravure sur Médailles et sur pierres fines, pendant une période de 21 années, de 1895 à 1914. Enfin au cours de 25 Salons de la Société des Artistes français, à Paris, il exposa certaines de ses œuvres dont voici la nomenclature.

Salon de 1878 : Portrait de M. G…. buste plâtre

Salon de 1879 : Portrait de Mme TG. Buste terre cuite

Salon de 1880 : Biblis changée en Source, plâtre

Salon de 1883 : Biblis changée en Source, marbre

Salon de 1884 : Aux Vendanges, Faune jouant avec un masque, groupe plâtre

Salon de 1885 : Portrait de M. A Ruel, buste bronze à cire perdue

Salon de 1886 : Portrait de M Claude C., buste en marbre, appartient à M. Armand Jeanti

" Aux Vendanges "

Faune jouant avec un masque, marbre commandé par le Ministère de l’Instruction publique.

Léon DARSONVAL – Pilote Aéronaute

Bronze d'A. Suchetet

(Monument de la Famille DARSONVAL)

Léon DARSONVAL

(Bronze d'A. SUCHETET)

(TOUS DROITS RÉSERVÉS)

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