4 - Léon Darsonval (Pilote Aéronaute)


Le 8 juin 1913, l’Aube, piloté par Darsonval , ayant comme passagers Herbelin, Michaut, Cosnier part de Troyes ,et atterrit à Rignoncourt (Meuse) après avoir fait un parcours de 120 km en 5 h 20 mn à 1450 m. d’altitude.

Dimanche 8 juin 1913, jour de la Saint-Médard, le nouveau ballon l'Aube n° 3, piloté par M. Léon Darsonval, caporal aérostier qui accomplissait une période de réserve à Versailles, ayant avec lui comme passagers MM. Lucien Cosnier, Henri Michaut et Edouard Héberlin, quittait, à 1 heure 55, le mail du Lycée, à Troyes, pour accomplir son premier voyage.

Le 24 août 1913, l’Aube, piloté par Darsonval, ayant comme passagers 1ère Chazelle, Soulié, Lambert, 2ème Bellemère P. fait escale à Chaudrey et atterrit à La Chaise après avoir fait un parcours de 85 km en 4 h à 1600 m. d’altitude.

“ A bord de la nacelle du ballon “ L’Aube “ je venais survoler l’Arlette à Arsonval (Aube). Comment témoignerai-je de mon indicible émotion au spectacle grandiose d’une vue incomparable sur mon doux pays d’Arlette ? Mes yeux, avec avidité, fouillaient les moindres replis de terrain, suivaient les multiples lacets blancs ou grisâtres des routes et des chemin de terre, sondaient les forêts, les profondeurs des vallons, essayant, ici, là, partout, d’exhumer les souvenirs, les chers souvenirs d’une enfance heureuse.

Et, de retour, parmi les humains, sans attendre, je traduisis mes sentiments en écrivant “ La Fontaine Arlette et Arsonval “.

Le 13 juillet 1914, l’Aube, ayant comme passagers 1ère Lambert Severin, Tenneguin ; 2ème Chazelle, part de Troyes, fait escale à Fontvannes et atterrit à Giffaumont (Haute-Marne) après avoir fait un parcours de 140 km en 16 h à 5000 m. d’altitude.

Le 14 juillet 1914, à Sainte-Savine,

Il avait eu, le matin même, ce ballon désiré, que nous attendions de Paris avec une fébrile impatience, une aventure qui faillit compromettre son départ. Grâce à la sollicitude aimable de la Compagnie de l'Est, il 69 avait pu, dès l'aube, donner cours à son inclinaison naissante au libre vagabondage, en allant saluer à Coulommiers, les premiers feux du jour.

Qu'allait-il faire en cette région nourricière de fromages crémeux et succulents, je ne sais; il abrégea, toutefois, fort heureusement, son escapade et vint se prêter, de la meilleure grâce du monde, au gonflement que dirigèrent, avec leur compétence de vieux praticiens, les sympathiques pilotes du Club Aéronautique de l'Aube.

L'équilibrage, notamment, fut une merveille de précision, et ce fut avec une aisance tranquille et majestueuse que le nouveau-né quitta la terre, danse sourire discret d'un beau soleil.

Le temps était très calme. A 380 mètres d'altitude, nous passions au-dessus de Pont-Hubert; presque aussitôt, un mouvement accentué de descente dut être enrayé par un premier jet de lest qui nous fit monter à 525 mètres.

A 2 heures 10, nous dépassons Creney et suivons la route d'Arcis que nous quittons à 2 heures 15 pour nous diriger sur Piney.

A 3 heures, nous larguons le guide-rope qui vient prendre contact avec la terre à 3 heures 03. Nous laissons Pougy à l'ouest.

A 3 heures 25, le guide-rope quitte terre; un jet de lest nous entraîne à 530 mètres.

A ce moment, le soleil se montre; la dilatation commence. A 4 heures 03, nous sommes à 850 mètres, complètement environnés de nuages, et perdons la terre de vue.

Presque aussitôt, la pluie tombe, et l'Aube se met à descendre; notre pilote jette du lest.

A 4 heures 15, le guide-rope touche à nouveau la terre. Dix minutes après, nous passons à la Rivière-en-Ruelle (Marne), en laissant Vitry-le-François à l'ouest.

A 4 heures 45, nous reconnaissons Blaize-sous-Arzillières; il pleut. Nous descendons légèrement et traversons, à 4 heures 55, à l'est de Vitry, le canal de la Marne au Rhin. Nous engageons avec les bateliers, qui s'informent de notre santé, une conversation des plus cordiales, quand une ligne électrique de courant à haute tension, masquée jusque-là par la brume, vient mettre un terme à nos propos, en nous montrant, à proximité de Bussémont, la barrière menaçante de ses poteaux et de ses câbles.

Nous l'avons aperçue trop tard pour éviter le contact avec notre guide-rope qui, malgré un jet rapide de lest, vient effleurer le réseau redoutable. Nous nous sommes groupés au centre de la nacelle, en évitant de toucher les cordages que la pluie rend conducteurs. Nous passons sans accident, et remontons à 600 mètres, pour nous retrouver dans les nuages, d'où nouvelle descente. Suivant la ligne de Nancy, nous repassons, à 200 mètres d'altitude, le canal de la Marne au Rhin, et surplombons Ponthion, à 5 heures 23. Nous apercevons Bignicourt-sur-Saulx et Le Buisson.

Quelques instants plus tard, le soleil se montre, et nous nous élevons rapidement pour atteindre, à 5 heures 45, 1.450 mètres, point culminant de notre ascension. Nous dominons de nombreux nuages et jouissons d'un magnifique panorama.

Nous côtoyons ensuite la Saulx, puis le canal et la ligne de Nancy, pour passer ensuite au-dessus de Sermaize-les-Bains. A 6 heures 15, nous franchissons Revigny et, à 6 heures 35, nous apercevons, à l'est, la ville de Bar-le-Duc.

Nous descendons progressivement pour passer, à 6 heures 50, à Ambercourt, et à 7 heures 05, à Anglecourt. Le guide-rope fait courber la 70 cime des arbres dont il fauche, en passant, quelques branches. A 7 heures 20, notre pilote ayant fait choix d'un terrain propice à l'atterrissage, nous venons nous poser doucement, grâce à sa manœuvre habile, dans un vallon bien abrité et d'hospitalière apparence, sur le finage de Rignaucourt (Meuse).

Hélas, quelle erreur était le nôtre !

Nous avions projeté, le pilote et moi, de n'effectuer là qu'une escale, pour satisfaire nos estomacs exigeants, et de continuer ensuite notre voyage, après débarquement de nos deux camarades.

Grâce à la parfaite étanchéité de son enveloppe neuve, l'Aube contenait encore une quantité importante de gaz, et il nous en eût coûté de sacrifier, dans un dégonflement prématuré, une provision si précieuse.

Or, tandis que nous attaquions nos provisions, parmi les habitants, accourus en foule, d'autres arrivèrent de Seraucourt, village voisin. Ceux-ci nous considérèrent d'un air de curiosité défiante; peu à peu, un groupe se forma autour de leur curé et de deux notables: on nous désignait en discutant avec animation. Au bout d'un instant, ces messieurs, sans doute tombés d'accord, nous demandèrent nos papiers.

Nous nous exécutons, comme c'est notre devoir, mais, ô stupéfaction, tous les titres que nous présentons, cartes de l'Aéro-club de France, cartes du Club Aéronautique de l'Aube, carte de pilote militaire breveté de notre camarade Darsonval, tous ces documents officiels, dûment légalisés, sont qualifiés de faux par les autorités locales ! Mieux encore, notre pilote, nanti pourtant d'une permission spéciale, et vêtu de l'uniforme de caporal aérostier, se voit violemment pris à partie par un forcené de l'endroit : " Vous portez les galons de caporal, lui dit-il, eh bien, vous n'êtes pas caporal, vous êtes officier !

Dès lors, notre situation est claire: nous sommes considérés comme espions. L'avant-veille, un ballon allemand est passé dans la direction inverse, et, aujourd'hui, tous ces énergumènes ont la conviction que l'Aube, portant pavillon français, et dont l'enveloppe est estampillée au nom d'un constructeur de Palaiseau et la nacelle munie des plombs de la douane française, est le même ballon allemand qui regagne la frontière.

Peu à peu, les têtes s'échauffent, la discussion s'envenime; notre pilote essaie de tenir tête à l'orage, mais en vain. Les groupes deviennent menaçants; quelques forcenés, tirant leurs couteaux, s'écrient : " S'ils essaient de repartir, nous coupons les cordes et crevons le ballon. "

D'autres, en même temps, se hissent sur la nacelle; une grappe humaine s'accrochant au guide-rope, hurle avec une joie féroce : " Qu'ils s'en aillent donc maintenant, nous les tenons ! "

Pourquoi le ciel trop clément n'a-t-il pas à ce moment, déversé sur ces têtes en délire les ondes d'une pluie diluvienne ? Hélas, à part quelques nuages épais dispersés dans le ciel clair, rien de menaçant ne surgit à l'horizon. Il ne nous faut donc compter que sur nous-mêmes. Notre pilote, comprenant le danger de la situation, prend une résolution assurément pénible, mais qui constitue la seule solution possible : il annonce que nous allons dégonfler le ballon.

Il nous semble, à ce moment, qu'un peu de dépit se lit sur les visages. Sans doute, les acharnés lorrains de Seraucourt, espéraient-ils autre chose; ils avaient affaire, il est vrai, à des hommes jeunes et déterminés, mais aussi d'un sang-froid dédaigneux de leurs attaques et indifférents à leurs insinuations perfides.

Et si ces messieurs ont tout fait pour nous rappeler le vieux dicton : 71 " Lorrain, traître à Dieu, traître à son prochain " , je ne souhaite pour punition au cœur de bon français qui bat quand même en leur sein, comme je l'espère, que le regret cuisant de cette évocation malheureuse.

Seul, ou presque, parmi cette horde barbare, un homme eut le courage de prendre notre défense, et d'aider au dégonflement. Il n'était pas, il est vrai, de Seraucourt. Et je suis heureux de renouveler à Aimé Gillet, de Rignaucourt, qui nous transporta dans la nuit, avec le matériel, à Beauzée-sur-Aire, les remerciements qu'il mérite. J'en ferai autant à l'égard de l'obligeant et aimable cultivateur - dont je n'ai malheureusement pas retrouvé le nom - qui transporta gratuitement le matériel à la gare, lundi matin, et s'occupa personnellement de son embarquement. Celui-là est un patriote; son beau-frère commande, à Troyes, le bataillon de chasseur à pied : cela suffit.

Cependant, durant ces événements tragiques, les heures avaient passé. Et ce fut avec une évidente satisfaction que nous reprîmes, à minuit, dans l'excellent hôtel du Cheval-Blanc, chez Pierre Simandoux, à Beauzée-sur-Aire, un dîner plus confortable en vérité que celui que nous avions ébauché au champ d'atterrissage, sous les menaces des Lorrains en furie.

M. Simandoux n'est d'ailleurs pas Lorrain : il est Auvergnat. Ce ne fut qu'avec une surprise modérée que nous apprîmes à sa table que, dans le pays même, la région sauvage et déshéritée où nous avions atterri porte le doux nom de Sibérie; et, bien que ses habitants ne soient point, à ma connaissance, classés comme cannibales dans l'ethnographie du globe, ils n'en ont pas moins déclaré que s'ils avaient eu la certitude que nous fussions des espions, ils nous auraient étripés.

Le lendemain, à six heures, nous prenions, à Beauzée, le train pour Bar-le-Duc, d'où nous pûmes rassurer parents et amis sans nouvelles de nous depuis le départ.

Aéronautes, aviateurs, pilotes de dirigeables, descendez en n'importe quel lieu de la terre : dans les glaces éternelles du pôle, le sahara torride ou les jungles de l'Inde peuplées de fauves cruels; n'atterrissez jamais dans la Sibérie lorraine !

E. HEBERLIN.

Une Peinture Aérienne

Le ballon " l'Aube " de l'Aéro-Club de l'Aube que son dernier raid de nuit, sous la direction de l'excellent pilote Darsonval, a mis à nouveau en " lumière ", connaîtra l'immortalité grâce au talent du maître Charles Menneret, notre concitoyen.

Le sujet particulièrement ingrat : la sphère de l'aérostat noyée dans le poudroiement d'or du ciel clair aurait rebuté tout autre que Menneret : il en a triomphé avec une réelle virtuosité.

Il sut éviter l'écueil sur lequel un moins averti aurait sombré : le soleil à l'horizon n'en éclairant pas moins le ballon à sa partie supérieure.

Jamais l'expression d'atelier " être bien dans l'air " n'aura été plus exacte pour " l'Aube " du tableau de Menneret.

Il vibre sous les rayons obliques, tourne parfaitement et de plus donne exactement l'impression du mouvement. Cette toile curieuse est exposée actuellement dans les grands magasins d'ameublement Guillou - Blanchard, rue de la République, où elle restera quelques jours avant de figurer au Congrès de l'Aéronautique à Paris.

Avec " l'Aube " notre distingué concitoyen Menneret a ajouté une nouvelle oeuvre décorative à son bagage déjà si important. Elle nous fait d'autant plus regretter son abstention au XXVIème Salon de la Société Artistique de l'aube. - V.S.

Poème de Charles Méneret


Aujourd'hui, ce n'est que voyage d'agrément

Ce pilote est soldat, fidèle au régiment

Peut-être que, Demain, ce sera pour la guerre

Qu'il devra s'élever, sans crainte du tonnerre

De la mitraille, des fusils ni des canons ;

Il s'en ira planer, suivant les bataillons,

Scrutant les creux ravins, les taillis et les plaines

Pour guider, à coup sûr, troupes et capitaines,

Stoïque, il gardera son poste périlleux,

N'ayant pas d'autre espoir qu'un trépas glorieux.

Quel est ce pavillon qui flotte à la nacelle,

Près du drapeau de France, éployé comme une aile ?

Quelles sont ces couleurs ? C'est : " d'or tranché d'azur

A la comète de huis rais sur un champ pur "

C'est d'Arsonval la vaillante et noble bannière

Qu'on ne porte jamais ni plus haut ni plus fière


Charles Louis Menneret

Sainte-Savine le 14 juillet 1914

Le 02 août 1914, l’appel aux armes, la mobilisation, l’Année de la grande guerre. La vie de l’Association du Club-Aéronautique de l’Aube va se trouver brutalement arrêtée.

Le 15 juin 1924, l’Aube, piloté par Darsonval, ayant comme passagers , 1ère Dhautel G., Dhautel père, E. Grennerat ; 2ème Dhautel fils, part de Troyes et fait escale à Bouilly (Aube), et atterrit à Chamoy (Aube) après avoir fait un parcours de 22km en 4 h et être monté à 1700 m. d’altitude maximum.

Le 6 juillet 1924, la fille de l’Aube, piloté par Darsonval, ayant comme passager Bouscarié part de Troyes et atterrit à Givrauval (Meuse) après avoir fait un parcours de 100 km en 3 h 10 mn et être monté à une altitude maximum de 2600 m.