25 - L'Aéronautique dans le département de l'Aube (1936)

AVIATION MILITAIRE

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UNE BELLE NICHEE D'OISEAUX DE FRANCE

De 1910 à 1914

NOTRE département peut s'énorgueillir d'avoir vu s'abattre, sur son sol, pendant " la période héroïque ", toute une flottille d'avions militaires que pilotaient des hommes jeunes et audacieux, au cœur fortement trempé. Bon nombre d'entre eux étaient accompagnés de leurs mécaniciens, ces héros obscurs qui, de nos jours encore, avec les équipages de l'aviation de bombardement, en particulier, partagent les mêmes risques sans en tirer, il faut bien le constater, le moindre profit matériel (1).

Et cette glorieuse phalange de pionniers intrépides sera l'embryon de notre future " Armée de l'Air ", sentinelle avancée et volontaire pour assurer la sécurité de notre beau ciel de France.

Apès consultation des journaux locaux, utilisant d'autre part mes notes et mes souvenirs personnels, j'ai eu la satisfaction de recueillir un nombre respectable d'arrivées et de départs d'avions militaires dans notre région, aussi m'est-il fort agréable d'en donner ici une liste que je me suis efforcé d'être aussi complète que possible.

ANNEE 1910

7 Août

Le lieutenant Chevreau, pilotant un biplan Wright, atterrit à Vulaines, en compagnie du lieutenant Maillols. Tous deux avaient quitté Villacoublay, à 4 h. 50 du matin.

Le lieutenant Maillols, reprenant la direction de l'appareil, descend, à la nuit, à Pont-Hubert.

Cet officier s'apprête, dès le matin du 11 août, à quitter l'aérodrome, pour regagner Chaumont, où l'attend le lieutenant Chevreau qui doit conduire, à son tour, le biplan Wright, et à Nancy.

Mais, par suite d'un faux départ, le lieutenant Maillols brise une roue de son appareil.

Le lieutenant Chevreau, inquiet de ne pas voir arriver son camarade, se rend à Troyes, dans la soirée de ce même jour, et le lendemain 12, tous deux démarrent à 5 heures du soir et se dirigent vers Creney. Ils atterrissent à la ferme de l'Espérance (route de Troyes-Brienne), afin de mettre définitivement l'appareil au point, ce terrain se prêtant mieux, aux évolutions d'essais, que celui de Pont-Hubert.

Le 17 août, le biplan réparé semble pouvoir prendre définitivement la voie des airs. Il est piloté par le lieutenant Chevreau, quand une nouvelle panne, alors qu'il suivait la vallée de la Seine, l'oblige à atterrir entre Pont-sur-Seine et Marnay qu'il quittera, quelques jours plus tard.

21 Décembre

Le lieutenant Camermann, ayant le capitaine Hogoni, comme observateur , à bord de son biplan H.-Farman, traverse le département de l'Aube, en se rendant de Bouy (Marne) à Montigny-sur-Aube (Côte-d'Or). Ce voyage de 232 km., accompli avec passager, lui octroie, provisoirement, le record du monde avec passager.


ANNEE 1911


28 Mai

Les lieutenants Chevreau et Clavenad, qui accompagnent la course Paris-Rome, atterrissent à Barberey. Le lieutenant Chevreau reprend son vol, à 3 h. 40 de l'après-midi. Le lieutenant Clavenad repart le surlendemain, à 4 h. 20.

30 Mai

Le lieutenant Yence, arrivant de Vincennes, atterrit à Saint-Lyé. Sa mission consiste, tout simplement, à venir remercier, au nom du colonel Estienne, directeur du Parc aéronautique de Vincennes, M. Grémont, propriétaire de cet aérodrome, pour la gracieuse hospitalité qu'il a accordée aux aviateurs militaires qui accompagnaient la course Paris-Rome.

16 juillet

Le lieutenant d'artillerie Yence, qui pilote un Blériot, part de Montargis, à 3 h; 45, et atterrit à Saint-Lyé, à 5 h. 50. Il reprend dans la matinée du 18, la direction de Reims.

Fin juillet, un emplacement est reconnu, à Bar-sur-Aube, pour recevoir les aviateurs de Lassus et Bretagne qui passent en cette ville, dans les premiers jours du mois d'Août.

1er Septembre

Le capitaine de Goys atterrit, sur monoplan Blériot, à 9 h. du matin, à Saint-Lyé. Cet officier, parti d'Etampes à 6 h. du matin, se rendait, par la voie des airs, aux manœuvres du 7e Corps, après avoir fait escale à Melun.

Le capitaine de Goys avait annoncé que le lieutenant Ducourneau arriverait au cour de l'après-midi, peu de temps avant la nuit. Dès 6 h. 45, on allume un grand feu, sur l'aérodrome de Saint-Lyé, mais aucun appareil n'est en vue. Pourtant, vers 7 h. 15, le ronronnement d'un moteur se fait entendre. Immédiatement, un nouveau feu est allumé et les flammes, alimentées d'essence, montent très haut dans le ciel. Quelques minutes s'écoulent, et le lieutenant Ducourneau arrive et descend sur 'aérodrome, il fait déjà nuit.

A son atterrissage, cet officier déclare avoir aperçu le premier feu, à plus de vingt-cinq kilomètres.

En cette même journée, un biplan Bréguet piloté par le lieutenant Ludmann, du 37e régiment d'infanterie, atterrit, à 8 h. du matin, à proximité du cimetière de Brienne-le-Château. Cet aviateur arrive de Châlons-sur-Marne et se rend à Chaumont (Hte-Marne).

Le lendemain, le lieutenant Ludmann repart à 6 h. du matin, mais le moteur, ayant des ratés, l'oblige à descendre dans la plaine de La Rothière, où l'appareil est démonté.

2 Septembre

Le lieutenant de Grailly, qui se rend aux manœuvres, se tue à Rigny-la-Nonneuse.

Au même moment, dans la matinée, le capitaine Félix arrive d'Etampes sur Rep, fait une chute à Payns, à proximité de la ferme de la Malmaison. Son monoplan est transporté à l'aérodrome de Saint-Lyé.

Là, on lui apprend l'accident survenu au lieutenant de Grailly. Il se rend immédiatement à Rigny-la-Nonneuse pour saluer une dernière fois son camarade et faire son enquête. En présence de ce corps meurtri et des tristes débris de l'appareil, il est en proie à une indicible émotion. Un examen très approfondi lui permet de constater que le malheureux aviateur, quelques secondes avant la catastrophe, avait débouclé la ceinture qui le retenait à l'avion, dans l'espoir de se libérer. L'accident serait dû à la rupture de tendeurs.

5 Septembre

Le sous-lieutenant Migaud, du 1er régiment de cuirassiers, accompagné de son mécaniciens, le sapeur de Kert, atterrit à Lévigny. Il repart le lendemain et atterrit à Bar-sur-Aube, près du pont de Chaumont. Il pilote un Bréguet.

Le lendemain, 6 septembre, le sous-lieutenant Migaud reprend son vol, à 5 h. 45 du matin, et se rend à Vesoul, aux manœuvres.

6 Septembre

Le 6 septembre, atterrissent à Saint-Lyé, le capitaine Echeman, le lieutenant Yence, les sapeurs Védrines et Tabuteau, ces deux derniers accomplissant, sur leur demande, une période d'instruction.

Védrines, surMorane, a quitté Yssy-les-Moulineaux, à 5 heures du matin. Par suite d'une fuite au réservoir d'essence de son appareil, il descend à Guignes (Seine-et-Marne). Réparation faite, il reprend l'air à 5 heures du soir et se pose, à 5 h. 45, entre Barberey et Riancey, pour atterrir, un quart d'heure plus tard, à Saint-Lyé.

Les deux officiers, partis de Vincennes, sur Blériot, étaient arrivés, quelques minutes avant Védrines. Quant à Tabuteau, qui a quitté Issy-les-Moulineaux, sur Morane, il descend à proximité des Rotondes de Troyes. Mais les habitants de l'endroit le mettent dans le bon chemin pour regagner Saint-Lyé, où il atterrit à 6 h. 30 du soir.

Ainsi, le hasard permit-il à ces quatre intrépides chevaliers des airs de venir chercher asile en notre ville de Troyes, et ce fut une belle occasion d'y sabler le Champagne.

Dès que l'on connut à Troyes leur arrivée, ce fut, le lendemain, une ruée vers l'aérodrome. Pendant toute la journée du 7 septembre, la foule attendit le départ des avions, mais ils ne s'envolèrent que le 8.

C'est d'abord le capitaine Echeman qui s'élance dans le ciel, à 3 h. 20 de l'après-midi, suivi, à 3 h. 25, par le sapeur Védrines, puis, par le lieutenant Yence et, enfin, par le sapeur Tabuteau.

7 Septembre

Le lieutenant de Rose, du 8e régiment de cuirassiers, atterrit, dans la soirée, au parc à fourrages de Mailly. Il arrive de Châlons-sur-Marne, venant rendre visite à ses camarades aviateurs installés au Camp.

8 Septembre

Aubrun, qui se rend aux manoeuvres pour accomplir une période de 21 jours, atterrit, à 6 h. du soir, à la ferme de Courcelles, à Bar-sur-Aube. Il reprend son vol le lendemain, à 5 h. 53 du matin, en direction de Vesoul.

18 Septembre

Deux officiers aviateurs, le lieutenant Ducourneau et le capitaine Félix, venant de Belfort, atterrissent à Saint-Lyé. Le lieutenant Ducourneau, sur monoplan Blériot, a quitté la frontière le 17, à 2 heures 30 de l'après-midi; mais, par suite d'une panne de moteur, il atterrit à Jessains.

Reprenant la voie des airs, le 18, il descend de nouveau à Courteranges, pour arriver enfin à Saint-Lyé, 6 h. 20 du matin.

Le 18, à 9 heures du matin, arrive à Saint-Lyé le capitaine Félix qui s'était précédemment arrêté à Bar-sur-Aube pour se ravitailler en essence; cet officier avait quitté Belfort, de bon matin, vers 5 h. 30.


ANNEE 1912


7 Mars

Trois monoplans, pilotés respectivement par le capitaine Echeman, les lieutenants Lelièvre et Chabert, prennent leur vol, au carrefour des routes d'Ormes-Le-Cêne et de la route Nationale, où ils avaient installé leur camp. Ils s'élèvent, vers 3 heures de l'après-midi, et volent au-dessus de Mailly pour revenir atterrir à leur campement.

Cette section d'aviation de campagne dénommée familièrement : l'aviation en roulottes, se compose de trois immenses camions hermétiquement clos. Ces véhicules transportent d'abord le personnel, puis le matériel nécessaire pour procéder au montage des appareils et à leur réparation, le cas échéant.

Cette section, placée sous le commandement du capitaine Echeman, accomplit un circuit de 6.000 kilomètres. Après avoir quitté Vincennes, le 24 février, elle campe, le 7 mars, comme nous venons de le voir, aux abords d'Arcis-sur-Aube et arrive, le 8, à Pont-Hubert, pour s'acheminer ensuite vers Ervy, d'où elle gagne les bords de la Loire, par Joigny et Gien.

A chaque arrêt, les avions sont montés (les mécaniciens mettent 16 minutes pour le faire), et évoluent, pendant plusieurs heures, au-dessus de la campagne environnante. On procède ensuite à leur démontage, pour les replacer dans les camions, et puis... en route pour une nouvelle destination !

8 Mars

Le général Maunoury, gouverneur militaire de Paris, en compagnie de deux lieutenants-aviateurs, effectue plusieurs reconnaissances en avion, à plus de 1.000 mètres d'altitude.

9 Mars

Le sapeur E. Renaux, vainqueur du Puy-de-Dôme, arrivant de Mailly, atterrit à Saint-Lyé en compagnie du lieutenant Bordage. Après avoir donné quelques baptêmes de l'air, cet aviateur repart pour Buc, dans l'après-midi.

14 Mars

Depuis plusieurs jours, des expériences d'observation en avion ont lieu à Mailly. Le capitaine Barès, les lieutenants Varin, Battini, Marzac, le caporal Irat et le sapeur Brégi y prennent part. Dans l'après-midi, le lieutenant de Rose quitte Mailly sur son monoplan, en direction de Lunéville.

Le lieutenant Camermann, premier breveté pilote militaire en 1909, vient à Bar-sur-Aube, le vendredi 15 mars, pour reconnaître des terrains susceptibles d'être aménagés en centre d'aviation militaire. On visite successivement le terrain " Paulhan ", route de Lignol, et celui de l'A. G. Aé., précédemment reconnu par Boivin, au-dessus " du Val du Thym ".

22 Avril

les sapeurs aviateurs Brégi et Irat, sur leurs appareils Bréguet et Farman, viennent atterrir sur le terrain de Pont-Hubert.

20 Mai

La première escadrille aérienne est chargée de faire exécuter, au camp de Mailly, de nombreuses reconnaissances par un certain nombre d'officiers, sous la direction du commandant Duperrier, de l'Etat-Major du 20e corps. Cette escadrille, formée depuis mars 1912, suivant la réglementation Millerand, est composé de biplans pilotés par les lieutenants Battini, Vaudain, Vercain, Buderge et le sapeur Brégi.

21 Mai

Un monoplan, piloté par un lieutenant du 46e d'Artillerie, atterrit à environ 800 mètres de la route nationale, entre Maizières-la-Grande-Paroisse et Châtre. Il reprend ensuite son vol en direction de Châlons.

28 Mai

Le lieutenant Vogoyeau, du 64e régiment d(Infanterie, sur Biplan Maurice Farman, atterrit à Sainte-Savine, près du trou à gaz. L'avion était parti de Versailles, à 4 h. 45 du matin, et avait déjà fait escale à Romilly-sur-Seine, à proximité de la route de Paris. Cet officier passait son brevet de pilote. Il repart, le 31 mai, vers 3 heures de l'après-midi, pour Versailles, mais il est obligé de faire escale à Maizières-la-Grande-Paroisse.

19 Juin

Le lieutenant Campagne, du 143e d'Infanterie, atterrit à 6 heures du matin, près de Troyes, entre la Maladière et les Noës. Dans le courant de la journée, il regagne Saint-Lyé. Le lieutenant Campagne avait quitté Buc, le matin à 4 heures, et passait son brevet militaire de pilote.

Il quitta Saint-Lyé, le 20, dans l'après-midi.

Dès les premiers jours du mois de juillet, le lieutenant Lucca, sur Biplan Farman, atterrit, dans la matinée, à Boulages, au lieudit " Croix-de-la-Pointe ", dans un champ appartenant à M. Armand Godot. Le lieutenant Lucca venait de Versailles et se rendait à Mailly.

19 Juillet

Vers 7 heures du soir, deux biplans atterrissent à Sainte-Savine, lieudit Chanteloup.

23 Juillet

A 5 heures 55 du soir, le sapeur aviateur Grivotté, sur biplan Farman, atterrit entre le château de Chanteloup et le cimetière de Sainte-Savine.

Au même moment, non loin de l'église des Noës, se pose le sapeur-aviateur Foulquier, sur biplan Farman, ces deux militaires avaient quitté Mourmelon à 5 heures 15.

2 Août

Un monoplan Rep, piloté par le lieutenant Brugnière, du 92e d'Infanterie, atterrit à Pont-Hubert, à 7 heures 30 du soir, et repart le lendemain, à 5 heures du matin, en direction de Buc.

4 Septembre

Atterrissage, sur biplan militaire Farman, du capitaine breveté d'Etat-Major Barès, accompagné de son mécanicien.

Parti de Sens, cet officier atterrit, à 5 h. 45 du matin, à 200 mètres environ du réservoir des Hauts-Clos.

16 Septembre

Daucourt atterrit, à 9 heures du matin, près du Champ des Marots et repart, à midi 45, pour Châteaufort.

29 Septembre

Vers 8 heures du matin, le lieutenant de Dragons Germain, atterrit entre la grande route de Paris et Pont-sur-Seine.

Sa famille étant fixée à Pont, cet officier va la saluer avant de se rendre à Rigny-le-Nonneuse où doit avoir lieu l'inauguration de la stèle élevée à la mémoire du lieutenant de Grailly, tué à cet endroit, le 2 septembre 1911.

Les lieutenants Cheutin, Battini et Coville, sur biplans, atterrissent égalemant dans la matinée à Rigny-la-Nonneuse. Ces officiers arrivaient d'Epinal et de Villacoublay.

6 Octobre

Un avion " Le Zodiac ", parti d'Orléans, à 6 heures du matin, atterrit, à 9 heures, à proximité de Romilly, près de la ferme des Hauts-Buissons.

Il est piloté par Pierre Debroutelle accompagné du sapeur mécaniciens Desmollières.

L'aviateur qui accomplit une période militaire, se rend au camp de Mailly.

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(1) Est-il permis de voir cette situation changer bientôt ? Nous l'espérons, et se sera justice !