Fête commémorative du passage de Jeanne d'Arc à Troyes

et

ASCENSION DU BALLON l'AUBE

Le Petit Troyen

du 9 juillet 1929

Malgré les appréhensions qu'avaient pu faire naître les dispositions prises par le parti communiste, la journée de dimanche s'est déroulée dans le calme, à peine troublée, dans la matinée, par quelques légers incidents, lors de la formation du cortège et au cours du défilé en ville.

De neuf heures 30 à 10 heures, les sociétés d'Anciens Combattants et Victimes de la Guerre qui participaient à cette fête patriotique, les associations sportives catholiques se massaient boulevard Victor-Hugo, dont les abords étaient gardés par d'importantes forces de gardes mobiles, de gendarmes et de la police locale.

Ce service d'ordre était dirigé par M. le chef d'Escadron Bucquoy, de la gendarmerie, et par M. Pupet, commissaire central.

Quelques groupes, d'ailleurs peu nombreux, furent refoulés, et dispersés, sans résistance, dans les rues adjacentes; et, à 10 heures, le défilé encadré de gendarmes et de gardes à cheval, se mettait en route pour la Cathédrale, où avait lieu une première cérémonie religieuse.

Place Jean-Jaurès, un groupe de contre-manifestants s'étant reformé, derrière le cortège, entonna l' " Internationale ". Cette manifestation fragmentaire n'eut pas de suite, ceux qui l'avaient amorcée s'étant éloignés en voyant les gendarmes faire demi-tour. - Quelques coups de sifflets stridèrent, çà-et-là; et par la rue Emile Zola, place des Anciennes Boucheries, rues de l'Hôtel-de-Ville et de la Cité, le cortège gagna la Cathédrale.

Quelques manifestants ayant tenté de se rendre place Saint-Pierre, par la rue Urbain IV, ne purent y réussir, leur mouvement ayant été déjoué par les gendarmes.

A 10 heures 30, une cérémonie religieuse que présidait le cardinal Binet, archevêque de Besançon, réunissait à la cathédrale une foule nombreuse. Après l'exécution d'un programme musical de choix, Mgr Grente, évêque du Mans prononça un éloquent panégyrique de l'héroïne, dont on fêtait, de façon solennelle, le souvenir.

La messe a été célébrée par Mgr Feltin, évêque de Troyes. M. Saint-Pé, organiste de la cathédrale, a su produire sur le merveilleux instrument, avec la réplique des trompettes, de sensationnels effets d'orgue.

AU BANQUET

A midi 30, un banquet d'une soixantaine de couverts réunissaient à Troyes pour la circonstance, les membres du Comité de la Fête, de la Société Académique de l'Aube, organisatrice de la journée, et quelques invités.

A la table d'honneur, présidée par M. André Viguié, préfet de l'Aube avaient pris place : à droite de M. le Préfet : le cardinal Binet, le commandant de gendarmerie Bucquoy; Mgr Grente, évêque du Mans, MM. Armbruster, sénateur, Boisseau, député, Jules Babeau, président de la Société Académique; de la Perrière, vice-président, de la Boulaye, etc...

A gauche : M. de Saint-Maurice, secrétaire du Comité Central des fêtes de Jeanne-d'Arc, de Paris; Mgr Feltin, évêque de Troyes; MM. Doé, président du Comité de la fête; Copel-Devillard, Cabrières, commandant la Compagnie des Sapeurs-Pompiers. Remarqué également : MM. Gris, président de la Société artistique; Surchamp, conservateur des Eaux et Forêts; Lesaché, conseiller général; Roche, conseiller municipal; Bernot, avoué; Hennequin, Henri Babeau, avocats; Morel-Payen, conservateur du Musée; Morin, sous-bibliothécaire; Bugeand, secrétaire de Mairie; Gilbert et Loiselet, membres de la Chambre de Commerce; Piétresson de Saint-Aubin, archiviste; abbé Saillard, ancien officier de cavalerie, etc...

LES DISCOURS

A 15 heures 20, la musique de l' " Alerte " exécute la Marseillaise, puis M. le Préfet donne la parole à M. Jules Babeau, dont les haut-parleur vont diffuser la voix de toutes parts.

Il appartenait à la Société Académique de l'Aube, détentrice des grands souvenirs de la région, dit en substance M. Babeau, de fixer de façon durable la mémoire du passage de Jeanne d'Arc dans cette ville. Et une plaque commémorative devait, de préférence, être fixée à la cathédrale, car, du bref séjour de Jeanne à Troyes, un fait est assuré, c'est qu'elle a franchi ce portail, et que, dans cet édifice, elle a prié pour le couronnement du roi et le salut de la France.

M. de Saint-Maurice, délégué du Comité National des fêtes de Jeanne d'Arc dit combien il est heureux de représenter, dans sa ville natale, le Comité National qui a pleinement approuvé la manifestation de ce jour. Elle célèbre une épopée qui n'a d'égale ni dans l'histoire du monde, ni dans celle de la France. Aussi ce n'est pas sans émotion que l'on voit l'union de tous pour célébrer la chevauchée, que celle dont l'orateur retrace les diverses étapes ! M. de Saint-Maurice rappelle de quelle énergie, de quelle clairvoyance, de quelle confiance Jeanne fit preuve, tout au long de sa campagne, et ceci l'amène à évoquer le souvenir d'un homme qui sut, à des heures difficiles relever les courages : le maréchal Foch, loyal et grand français !

Puis, M. Doé prononce, au nom du Comité local, un discours très documenté, où il étudie la situation de la France, au cours de la triste période qui va de 1422 à l'épopée de Jeanne. Puis, en quelques pages de haute érudition, il retrace les étonnantes péripéties de la chevauchée de Jeanne, de Chinon à Reims. Nos lecteurs ont déjà trouvé dans ces colonnes le récit succinct de ces faits, d'après les chroniques auxquelles s'est référé l'orateur.

M. Doé, en terminant ce discours, fit ressortir à quel point Jeanne semble avoir été le bon génie de la France : le jeune roi Charles VII, qu'elle avait fait sacrer à Reims, et qui avait jusque là médiocre, se révéla plus tard presque comme un grand roi, " et la transformation que subirent la mentalité française et le caractère du roi, après la mort de Jeanne, a toujours été un sujet d'étonnement pour les historiens... "

" En cette fête d'Union Nationale, dit en terminant M. Doé, où tous les cœurs français battent à l'unisson, notre plaque est remise aux représentants de l'Etat et de la ville. Nous la plaçons, en même temps, sous la sauvegarde des habitants de notre cité troyenne... "

Enfin, notre collaborateur, José Leconte, dit, avec toute son âme, une poésie qu'il avait composée pour la circonstance; l'une des belles parmi les meilleurs de ses œuvres.

La cérémonie officielle est terminée.

Le vaste vaisseau de la cathédrale se remplit rapidement, et une seconde cérémonie religieuse se déroula sous les voûtes de l'antique monument. Au cours de la cérémonie, une allocution fut prononcée par le cardinal Binet, archevêque de Besançon.

Puis ce fut la dislocation, et la foule, très nombreuse, qui avait pris part aux diverses cérémonies de la journée, se dispersa lentement, et sans incident, dans les rues ensoleillées; cependant que le service d'ordre était levé.

Léon Darsonval prêt au départ

ASCENSION DU BALLON l'AUBE

A l'occasion des fêtes commémorant le passage de Jeanne d'Arc à Troyes, un départ du ballon " l'Aube " avait été organisé par l'Aéro-Club "

Il est presque superflu de dire que cette partie du programme avait attiré, sur le Mail du Lycée, une foule extrêmement nombreuse.

Les opérations du gonflement se poursuivirent sous la direction de M. Darsonval; qui devait piloter le ballon.

L' " Aube " avait à bord un appareil de T.S.F., avec lequel il dut tenter de se tenir en relations avec la terre, au moyen d'ondes courtes. L'ascension de dimanche est la première réalisée dans notre ville, par un ballon muni d'un appareil de T.S.F. Il nous est agréable de signaler que l'Aéro-Club ne néglige nulle initiative, qui peut être profitable aux progrès de l'aérostation.

A 18 heures 10, le gonflement est terminé, et, sous la direction de M. Darsonval, les dernières opérations de gréement sont terminées. Le beau sphériques de 1.200 mètres cubes, tout pavoisé de drapeaux, oscille sous la brise un peu fraiche, et vive.

A 18 heures 15, les passagers prennent place dans la nacelle, à côté de M. Darsonval. Ce sont, MM. Gauthier, pilote aviateur et M. Fleury, industriel, rue des Tauxelles, remplaçant M. Jeannet, maire de Ruvigny, empêché. Et à 18 heures 20, légèrement en avance sur l'horaire fixé, l' " Aube " s'enlevait rapidement, en un superbe départ, et prenait la direction Sud-Est, salué des applaudissement de la foule, et aux accents de la Marseillaise, jouée par la musique de l' " Alerte ".

A Fouchères, le ballon atterrit, et déposé ses passagers. Après une escale d'une heure, M. Darsonval reprit le départ. Il a atterri le lendemain matin, à 6 heures 15, à Autreville-sur-Rène (Haute-Marne), près de Chaumont.

Autour de la cérémonie

Au cours de la nuit de samedi à dimanche, des inconnus ont tenté de compromettre la solidité de l'estrade, édifiée en face de la cathédrale, en en sabotant la charpente.

On s'est aperçu, à temps, de cette tentative, et le nécessaire a été fait aussitôt pour qu'elle n'eût pas de suite regrettables.

Au cours de l'après-midi, vers 16 heures 30, un nommé Devalland, 52 ans, manœuvre, demeurant 13, rue Surgale, qui avait insulté grossièrement, rue de la Cité, le secrétaire de police Loiseau, a été conduit au poste, puis, relâché aussitôt, nanti d'un procès-verbal pour outrages.