L'Ascension du ballon l' " Aube "

le 14 juin 1931

Le Petit Troyen,

du 17 juin 1931

Léon Darsonval, Charles Favet et M. Coudrot,

à l'atterrissage.

Le programme du Concours International d'Horticulture, organisé à Troyes, comportait, le dimanche 14 juin, à 11 heures, le départ du Ballon " l'Aube ".

Dès le matin, sur le mail du Lycée, des membres de notre plus ancien Club local d'Aérostation procédaient au gonflement du Ballon. M. L. Darsonval, le consommé pilote de l'Aé. C. A., jetait un dernier coup d'œil sur les préparatifs, et à 11 heures 15, prononçait le sacramentel " Lâchez tout ".

IL était accompagné de M. Coudrot, trésorier de l'Aé. C. A., aide pilote, de MM. Chaumont, membre actif et Ch. Favet, Ancien de l'Aéronautique.

Aux accents de la " Marseillaise ", exécutée avec brio par l'excellente " Harmonie Ouvrière de Sainte-Savine ", l'Aube s'élevait rapidement au-dessus du Lycée, en présence d'une foule nombreuse saluant de la main de départ de l'immense globe.

Une pluie de fleurs, fournie par M. Ffain, le sympathique Président des " Amis des Roses " tombait de la nacelle et dans un ciel limpide, le ballon prenait son essor magnifique. Autour un Morane évoluait gracieusement piloté par M. Joly de l'Aé. C. A. également.

Les Aéronautes suivent la rue de Preize, puis, coupent au-dessus du Pont-Vert le canal, à une altitude de 40 mètres. La Seine et le Canal s'étendent a leurs pieds, avec des tonalités allant du vert le plus pâle au vert foncé le plus accentué. Une crête blanche coupe la Seine; c'est le déversoir de Fouchy. L'altitude augmente jusqu'au dessus du Melda qu'ils coupent près de Culoison. La direction suivie, qui était Nord-Ouest devient alors franchement Nord; et ils suivent la route d'Arcis, sillonnée par de nombreuses autos. Au-dessus des bois s'étendant à proximité de La Chapelle-Vallon, l'altitude est de 650 mètres. Puis une légère descente s'opère, qui permet, en face de voué, de parler à des cultivateurs qui étaient occupés dans leurs champs. Ensuite, la direction suivie par l'Aube, a coupé la route d'Arcis, la Ferme de la Belle-Idée, et la vallée de l'Aube est traversée à 600 mètres environ. Les sinuosités de la rivière font contraste avec les grandes lignes droites de la route nationale Troyes-Châlons et les champs alternent sous leurs pieds en rectangles verts ou gris, car le sol est pauvre. Ensuite, ils survolent Torcy-le-Grand, laissant Arcis à l'ouest. La traversée de l'Aube a provoqué une légère condensation, mais, échappant à l'ombre des nuages, le vallon, par suite de la dilatation provoquée par le soleil brûlant, s'élève rapidement à 800 mètres, puis à 900 mètres. Au-dessus du Chêne, la direction devient Nord-Est; ils longent un moment la route du Chêne à Grandville, au-dessus de ce dernier pays, ils suivent la vallée de l'Huitrelle. A Trouan-le-Grand, les passagers parlent à des personnes et leurs demandent de souhaiter le bonjour à un habitant du pays de leurs amis; du sol, une voix monte, qui leur répond : " Compris ". Puis, c'est le Camp de Mailly, dans toute sa désolation et sa solitude. Le lest diminue, et le Pilote lance le guide-rope; il guide-rope un certain moment, et un premier contact avec le sol s'établit : un jet de lest, et le ballon s'élance à nouveau dans l'atmosphère. Bientôt, le guide-rope touche à nouveau le sol, le soleil se cache, la nacelle, une seconde fois, touche la terre, mais le vent poussent le ballon vers de grands arbres, et personne n'étant en vue pour aider à l'atterrissage, un nouveau jet de lest est opéré. Le rideau d'arbres est franchi et l'on décide d'atterrir. " L'Aube " prend une dernière fois contact avec le terrain : le vent, très violent, qui soufflait au sol entraîne quelque peu la nacelle, mais la science de l'émérite pilote Darsonval empêche tout incident.

Et le ballon, le panneau de déchirure tiré, se dégonfle rapidement, comme une immense outre crevée.

Cent mètres plus loin, c'étaient des réseaux de fils multiples, sillonnant le terrain, dans de nombreuses directions. Il était 13 heures.

Une heure et quart avait donc été nécessaire pour accomplir un peu plus de 50 kilomètres. Le point d'atterrissage était à 1.200 mètres environ à l'Est de Poivres entre les lieux dits l'Orme et le Petit Orme.

Après avoir rapidement rangé dans la nacelle, les différents objets, les Aéronautes gagnèrent pédestrement Poivres où, après un apéritif hâtivement pris, ils se mirent en quête d'un endroit pour déjeuner.

Lorsque la chaleur fut tombée, Mme et M. Hatat, les accompagnèrent avec une voiture; le matériel soigneusement plié fut chargé sur la voiture et ils regagnèrent Poivres.

Le pilote Darsonval demeura dans ce pays jusqu'au lundi matin, d'où il fit transporter la nacelle et le ballon jusqu'à la gare de Mailly.

Quant aux autres passagers, ils étaient partis le dimanche soir par le train de 20 heures 51, de la Gare de Mailly (le-Camp), où M. Poncelet, charron à Poivres, les avait obligeamment conduits.