Nous avons tous eu un jour un vêtement, une robe, une écharpe, qui a joué un rôle dans notre vie, marqué une journée de son empreinte, de sa couleur, une étoffe dont on se souvient pour les événements qu'elle a accompagnés....Voici les textes des participantes-il n'y avait que des femmes - à la suite de la lecture d'une page du journal de Virginia Woolf où il était question d'une certaine robe bleue. Sybille de B ...
"Pourquoi ce que les gens pensent de "Nuit et jour"me laisse-t-il calme et indifférente, alors que je m'inquiète de leur opinion sur ma robe bleue ? Virginia Woolf, journal 23 juin 1919
La petite robe noire
Je suis absolument persuadée que nous avons tous besoin d’un peu de futilité pour supporter les difficultés de la vie. C’est pourquoiparfois des choses infimes ou parfaitement superficielles restent gravées dans nos souvenirs.Ainsi en est-il de ma petite robe noire.
Je me revois encore il y a quelques annéesdans cette étroite boutique que j’adorais au pied de mon immeuble malmenant les cintres trop serrés du rayon robes. Comme d’habitude les robes colorées étaient l’objet de tous mes fantasmes.J’écoutais à peine la jolie vendeuse brune souriante et pétillante me conseillant d’essayer une petite robe noire qui sur son cintre ressemblait à un bout de chiffon triste et classiquement banal. L’occasion était de première importance. J’étais follement amoureuse d’un hommeaussi gémeau que moi, léger, charmant et insaisissable. Nous partions en séminaire en Tunisie et mon laboratoire avait prévu une fastueuse soirée de gala sur la plage. Quoi de plus romantique ? Ce soir-là je devais êtresa Cendrillon. Je m’emparais donc d’une demi-douzaine de robes du jaune citron au rouge orangé et, bien sûr, de la petite robe noire pour ne pas contrarier mon aimable vendeuse.Les robes colorées défilèrent devant le miroir en pied, jolies, attirant l’œil mais ma foi plutôt décevantes sur mon dos. Allais-je repartir bredouille ? En désespoir de cause je finis par essayer la fameuse petite robe noire.
Un buste cintré,un joli décolleté plongeant, deux fines bretelles en satin et un dos nu barré de légers rubans noirs noués croisés, une taille en fine dentelle et trois rangées de volants s’arrêtant bien au-dessus du genou.Une robe de rêve, élégante, sublime et discrète à la fois mettant bien en valeur mes épaules et mon dos bronzé, la douceur de mes jambes et la fraicheur de mon jeune visage auréolé de courtes boucles châtain. Il me fallut une seconde pour me décider : c’était la robe, ma petite robe noire.
Le grand soir venu, dans ma chambre d’hôtel, j’enfilais lentement ma robe sur quelques grammes de dentelle noire. Un soupçon de maquillage et un simple tour de cou argenté et j’étais prête pour ma grande soirée. Le miroir de l’hôtel me le confirmait. Je me sentais légère, désirable et follement heureuse.
Il était déjà là quand je suis arrivée sur la plage. Le labo avait fait les choses en grand, de longs buffets, des éclairages tamisés, une douce musique orientale envoutante et mêmedes danseuses du ventre et des souffleurs de feu. Dans la foule familière de mes collègues, tenues chics et coupe de champagne à la main, je croisais des regards mâles éloquents, des sourires sincères et une amie me lança même un clin d’oeil entendu.
Mais c’est en me penchant pour ôter mes ballerines et marcher pieds-nus dans le sable tiède que je sentis son regard sur moi comme une délicieuse brulure. Dans la moiteur tunisienne cette soirée fut tout simplement divine, un moment d’intense bonheur comme seule la passion amoureuse peut générer. J’ai vécu chaque instant comme dans un rêve sur un petit nuage amoureux et je sais que ces beaux souvenirs encore si palpables,je le dois à une simple et merveilleuse petite robe noire qui m’a donné cette confiance en moi qui rend toutes les femmes sublimes.
Coco
La robe Violetta
Dans les années 1980, des amis nous avaient invités à une soirée costumée dans leur villa en Bretagne. Je connaissais Jacques depuis quelques temps déjà mais notre relation n’était encore qu’à ses débuts. Même si j’étais toujours mariée, mon cœur avait déjà fait son choix sans encore se l’avouer.
Comment allions-nous nous déguiser ?
Je ne sais pas si mon mari était déguisé, je ne me souviens même pas s’il était à cette soirée !! Il s’agissait donc de Jacques et moi.
Ce fut vite décidé.
Jacques en tant que musicien et mélomane averti serait en chef d’orchestre avec un habit à queue et la baguette comme il se doit ; il avait bien été dans sa jeunesse chef d’orchestre de sa promotion à l’école polytechnique.
Moi, grande romantique renaissante je me voyais bien en Dame aux camélias tout simplement. J’eus très vite une idée de génie et je décidais d’utiliser ma robe de mariée. Transformer sa robe de mariée avec tout le symbole que cette tenue évoque n’est pas anodin. En avais-je seulement conscience ? Ce n’est pas évident. Quoiqu’il en soit j’étais déjà sur un petit nuage rose et blanc poussé par Cupidon et sur une lancée pas prête de s’arrêter.
A l’inverse de Violetta, l’héroïne de la Traviata, je n’étais ni cocotte, ni tuberculeuse – seulement une femme encore jeune qui redécouvrait l’Amour.
Je ressortais donc ma robe de mariée de cartons oubliés, la fit transformer par une petite couturière.
Cette robe, en organdi blanc avec des fleurs de pommier brodées et incrustées, était cintrée avec un jupon gonflant empesé, manches longues et un manteau de cour avec traîne. Elle m’avait été offerte par ma tante et c’était un modèle de haute couture copié de chez Heim jeune fille.
On coupa les manches, on fit un décolleté drapé en organdi blanc uni. Les petites fleurs de pommier ressemblaient étrangement à des camélias. J’eus la grande satisfaction de rentrer encore dans cette robe au bout de 20 ans de mariage et après avoir eu 3 enfants !!
Je me souviens encore de l’équipée avec Jacques pour récupérer la robe chez la teinturière. Il fallait l’étendre méticuleusement à l’arrière de la voiture pour ne pas la froisser.
Avec de grands gants blancs, une coiffure avec des anglaises et un vrai camélia sur l’oreille gauche, un collier de perles et les pendentifs en perles de ma mère que je faillis perdre dans le jardin de mes amis, plus un éventail en dentelles, l’effet séduisant fut remarqué toute la soirée. Avec Jacques en habit noir, chemise à plastron blanche faisant ressortir le bronzage, nœud papillon noir – en voyant les regards des personnes présentes nous détaillant des pieds à la tête, je compris que nous formions un couple magnifique et heureux de l’être.
Passerose