Stage d’Ecriture du 26/09/2015 – Ecrire la Nature.D’après la 5ème promenade des Rêveries d’un promeneur solitaire de J.J. Rousseau.Promenade au jardinC’est un matin ensoleillé d’été indien. Le soleil réchauffe petit à petit l’atmosphère. C’est un jardin sauvage mais remarquablement étudié dans le temps où le promeneur devient explorateur. La variété des plantes et des fleurs est inconnue de moi, mais j’aime bien justement leur mystère – c’est comme pour les étoiles, je n’ai pas besoin de les nommer pour les trouver belles et les aimer. A chaque pas c’est une découverte. Les anémones japonaises au rose soutenu tournées vers le sol comme si elles boudaient. La vigne vierge rouge et verte qui habille la maison. Le fagot de petit bois qui attend d’être brûlé dans la cheminée ou qui n’est là que pour « faire beau ».Ce jardin est en pente douce où se succède un dédale de labyrinthes fleuris. Ce sont des petits passages secrets conduisant à un verger où il me plaît de croquer une pomme juteuse pleine de rosée et dont la chair est ferme et craquante.Une porte barrière en acacia sépare le verger d’une grande prairie où l’herbe est drue et scintillante de rosée. On y découvre au fond la forêt de Réno sombre et gris bleuté percée par le clocher de Saint Victor de Réno pointu comme un crayon bien taillé. Le silence est total troué seulement par un son de cloche pour scander le temps qui semble pourtant être immobile et ne plus devoir passer.Quant au ciel, il n’est que bleu coupé de simples traits blancs rectilignes tracés par les passages d’avion. Un banc de bois bien placé invite au repos et à la méditation.En redescendant de la prairie, j’ai retraversé le labyrinthe, la lumière avait déjà changé et s’appuyait différemment sur les verts et les fleurs.
J’ai remarqué deux petites sculptures plantées dans un poteau et un bambou, ce sont simplement deux cœurs de feuille de palmier séchés, c’est insolite et convient bien au mystère du labyrinthe et à la créatrice de ce jardin sauvage.
Une odeur très poivrée se dégage de certaines plantes, je n’arrive pas à la définir mais elle est enivrante. J’ai l’impression d’être dans une petite jungle organisée et pourtant tellement naturelle ; je m’évade dépaysée, je fais un mini voyage dans une contrée lointaine qui se trouve bien ici.
Transportée en un rêve qui naît dans une petite goutte de rosée brillante comme un diamant et fragile comme la vie, je me laisse aller alanguie. Ce moment est plein, dense, simple et pur. Merci Catherine.
Pascale Grilliat
Une cabane d’ermite près de Saint Victor de Réno
Je m’appelle Ibraïm et je viens de ces pays en guerre dont vous avez entendu parler…
Je marche depuis des mois seul avec moi-même. Je suis enfin libre. Je ne cotoie personne sauf ceux qui acceptent de m’aider : un verre de lait, un savon, un morceau de pain, quelques vêtements. Je me lave ainsi que mon linge dans les rivières. Je me nourris de plantes sauvages. Je dors à la belle étoile, dans les grottes ou dans les cabanes de berger. L’hiver approche et je cherche un endroit sec et fermé. J’ai envie de me poser un peu, je suis fatigué.
J’ai atterri dans le Perche je ne sais pas comment. J’ai appris le français dans mon pays et je sais lire les pancartes. Je suis dans la forêt de Réno, chez moi il n’y en a pas d’aussi belle. Il fait encore chaud et l’air est doux. Je me surprends à rêver mais je ne pense pas à l’avenir, il est trop incertain, j’anticipe juste pour cet hiver. Je me dis que dans cette forêt je serai bien. La rivière est proche, il y a des fermes aux environs et les gens ont l’air d’être aimables. Je suis propre et souriant.
J’aperçois au loin une clairière ensoleillée, je m’approche et là…..je vois une cabane en bois en presque bon état. J’ouvre la porte, je rentre et je découvre une vraie pièce avec une table, une chaise, un matelas sur le sol, une cuvette, un trou dans le mur avec un tuyau qui sort permettant de faire du feu. Je suis ébahi et me dis que cette cabane m’était destinée. Elle est pour moi et je vais m’y installer – on verra bien. Je vais l’arranger, la consolider – c’est ma maison.
J’ai peut-être de la chance finalement, je verrai plus tard pour avoir des papiers et trouver du travail !!
Thème : décrire un jardin
Les herbes folles du Presbytère.
C’est un jardin au bord de l’Huisne. Le Presbytère en est le gardien. Les deux sont fusionnels dans le temps, passé et présent confondus.
C’est un désordre réfléchi de buissons et de fleurs qui débordent courageusement et généreusement sur les allées de gravier. Un grand espace descend jusqu’à la rivière où d’autres herbes folles prospèrent en ondulant sous l’eau transparente. Quelques petites feuilles suivent le courant en surface, elles descendent et surnagent sur la rivière vivante. Elles me font penser au temps qui passe. Sans elles on pourrait croire que l’eau est immobile de la même façon que ce sont les évènements de notre vie qui nous font prendre conscience que le temps passe inéluctablement.
De l’autre côté de la rivière prés et forêt s’étendent largement et la vue ne s’arrête que très loin.
On resterait des heures à regarder cette eau vive glisser inlassablement vers son but qu’elle seule connaît. C’est apaisant et on suit le courant comme les petites feuilles, on part en voyage mais nous on ne connaît pas forcément le but.
Pascale Grilliat
Thème sur l’eau
La mare de Passe-Rose
C’est une eau calme, un miroir du ciel qui lui prête ses couleurs, le peuplier devient double et les herbes s’y reflètent. C’est une réserve de vies : poissons rouges, araignées d’eau, têtards, grenouilles concertantes au printemps et bien d’autres petits êtres invisibles ; les oiseaux y viennent se désaltérer et s’ébrouer au bord, les hérons viennent y pécher sauvages et majestueux et des couples de canards viennent y faire leur cour au printemps, les nénuphars blancs la décorent et la chatte vient y boire.
Quand il y a du vent, elle devient frémissante avec de larges risées qui s’étendent en surface, elle est même agitée avec des vaguelettes qui se prennent au sérieux et chahutent le petit voilier miniature bleu à voile blanche qui vogue comme un grand.
Les soirs d’été, elle est noire comme la nuit mais éclairée par la lune qui s’y regarde hautaine et narcissique.
Et l’hiver, elle peut devenir rigide et glacée. Elle sert alors de patinoire à la chatte qui s’élance dangereusement tout en sachant très bien ce qu’elle fait.
Lorsqu’il neige, elle disparaît complètement sous l’épaisseur immaculée et scintillante au soleil de mille cristaux.
Quand il pleut, je le vois sur sa surface de ma fenêtre, les gouttes d’eau la transpercent. Elle se remplit ou se désemplit mais elle existe pour ma plus grande joie. C’est mon eau à moi, elle y reflète le temps de chaque saison.
Pascale Grilliat
Thème : Ecrire une lettre racontant une promenade dans la forêt de Réno.
Mon cher ami,
Je ne résiste pas au plaisir de vous faire partager la promenade que j’ai fait ce matin à la campagne ; vous savez que j’ai une maison dans le Perche. J’ai beaucoup pensé à vous car je suis certaine que vous l’auriez appréciée aussi. Je vais donc vous la raconter comme je l’ai vécue.
C’est une matinée à l’aube automnale je dirai même encore estivale. La fraîcheur du matin s’estompe peu à peu, je pars de Saint Victor de Réno à la découverte de la forêt de Réno en passant par les Carmutes avec la rivière de la Comeauche. Les fossés sont encore fleuris et se disputent la menthe, les marguerites, les fougères, la jambée bleue ou les molènes jaunes. Un troupeau de génisses charolaises s’élance à la rencontre du paysan nourricier qui vient leur apporter à manger.
Je suis dans la vallée baignée de soleil avec devant moi le mur de la forêt sombre dans laquelle je vais pénétrer. Je traverse les Echigneux aux jolies maisons et jardins de résidences secondaires ; il y en a une très longue complètement délaissée « dans son jus » selon l’expression consacrée, elle est à restaurer entièrement mais quel charme avec derrière sûrement une vue magnifique. Il y a quelques années, je suis sûre que vous auriez voulu l’acquérir et la remettre en état pour votre plaisir.
A la fin du village, je rencontre un homme jeune avec une brouette d’herbes et de pommes, nous nous saluons ; il a l’allure parfaite du parisien en week end qui se détend, se ressource, fait enfin ce qu’il a envie de faire : profiter pleinement de la nature loin des soucis urbains, il semble heureux et détendu. Il donne ses pommes à un cochon gris affalé dans sa cabane et qui se traîne poussivement vers les pommes qu’il déguste avec entrain. Deux chèvres dans un autre enclos me regardent passer étonnées.
J’atteins ensuite un layon touffu qui me conduit dans la forêt. Il se transforme très vite en chemin de lisière et c’est un contraste surprenant entre la forêt profonde et sombre à gauche et la vallée ensoleillée à droite.
Le chemin monte et je ne tarde pas à peiner un peu, vous savez bien que je n’ai jamais aimé les montées ! Je souffle et m’arrête souvent. Le sol est pierreux et jonché de glands, de châtaignes piquantes et étoilées lorsqu’elles sont ouvertes. Les bouleaux argentés, les chênes touffus et noueux, les châtaigniers se bousculent au-dessus des fougères, des genêts, des ajoncs et des houx rutilants. La forêt est parsemée de clairs obscurs insolites, de trouées ensoleillées qui jouent à cache-cache avec les profondeurs.
Je passe devant un gros terrier de terre blonde fraîchement creusé par un renard vraisemblablement.
Par moment, au loin dans les taillis, je crois apercevoir des formes immobiles qui ressemblent à des animaux ; mon imagination vagabonde et je reconnais un blaireau, un sanglier, un renard ou un chevreuil, mais ces formes ne bougent pas et ne sont que des souches d’arbre ; lorsque la nuit tombe, elles doivent être angoissantes pour le promeneur !
Tout est très silencieux. Ce n’est pas un silence pesant ressenti lorsqu’il va se passer quelque chose, ce n’est pas le silence de l’inconnu, c’est le silence calme de la sérénité, du lâcher prise – celui dont vous auriez besoin en ce moment. Il rend disponible malgré soi pour observer, écouter et sentir cette fraîcheur odorante de terre humide, d’humus et de champignons.
Lorsque vous irez mieux, je vous emmènerai ici, je vous le promets. Ce sera peut-être l’hiver, le printemps ou l’été mais nous y viendrons ensemble.
Je continue mon chemin de lisière et, à ma grande joie, il descend maintenant vers la vallée ensoleillée. Je passe un pont de bois qui enjambe la petite rivière de la Comeauche à l’eau vive et transparente, elle chante gaiement sa chanson d’eau et sautille sur les pierres blanches. Je passe devant un moulin restauré et termine ma promenade en revenant à Saint Victor de Réno par la petite route bitumée où je suis attendue pour déjeuner.
Mon cher ami, j’aimerais que cette lettre bucolique vous donne un peu d’oxygène, la vraie, celle de la Nature qui doit tellement vous manquer entre vos quatre murs parisiens. Qu’elle vous apporte un peu de légèreté, de beauté, d’authenticité.
Vous savez que je pense à vous et que j’existe un peu pour vous.
Je vous enverrai des photos prises au cours de cette promenade pour que vous vous en imprégniez de visu.
A très bientôt.
Je vous embrasse
Pascale Grilliat