Les vies d'une main par DepOngles dédoublés et vernis discrètement craquelé , voilà la première vision de ma main tandis qu'elle porte à mes lèvres le verre d'eau qui purifie le corps et surtout l'esprit des luttes nocturnes dont ne ne sors pas toujours triomphante. A réparer donc cette négligence esthétique, que mon arrachage de peaux systématique n'arrange guère. Elles deviennent maladroites mes mains en manipulant les petites porcelaines matinales, souvent elles se coupent sur les débris qui jonchent le carrelage de la cuisine à la suite d'un vol plané inexplicable... Doigts gourds... Vieillesse dont le profil courbé joue les ombres chinoises sur les murs des déprimes à vite ranger dans la malle aux horreurs, plombée et fermée à triple tours, là où j'enfouis définitivement les angoisses rabat joie quotidiennes. Puis mes mains me servent à tourner les pages du livre en cours, à caresser voluptueusement les fourrures chaudes et palpitantes de tendresse des chats, à caresser mon homme aussi lorsqu'il est à portée de moi. Je les vois tous les jours acquérir quelques cicatrices de plus, brûlures, égratignures, éraflures et autres stigmates du temps employé à tenir ensemble ce qui est le noyau central d'un foyer, finalement ce sont des mains de chef d'orchestre que nous possédons, nous les femmes n'est-ce pas ? Mes doigts deviennent savants lorsqu'il s'agit d'étaler les ombres ici et cache ombres là... Elles se salissent un peu de taupe, de noir oriental et d'anti cernes, finissant toujours par une touche de brun abricoté pour tromper la grisaille du ciel.
Lorsqu'elles cuisinent mes mains ne sont pas timides avec les,aliments, elles malaxent, roulent, farinent et huilent sans aucune fausse délicatesse ni même dégoût car elles aiment pétrir et porter à mes lèvres de quoi goûter et rectifier comme on dit en termes culinaires. Elles deviennent alors les aides et exécutrices de mes ambitions gastronomiques du moment allant jusqu'à m'étonner parfois par leur dextérité, ce n'est que dans ce domaine d'ailleurs qu'elles excellent par moment n'ayant aucun autre talent et hélas pas des mains de fée pour m'étonner moi même.
Mes mains de mère sont au chômage technique depuis le départ de " l'enfant" qui n'en était plus un depuis longtemps. Elles en sont comme vides de sens, comme déjà inutiles et figées sur la gamme des sentiments. Elles se consolent en écrivant, en mettant noir sur blanc au son des touches ou du crissement de la mine les pensées qui se bousculent souvent. Le soir arrive et je n'ai toujours pas crémé, massé orné mes doigts et ongles en souffrances, demain... Demain sûrement.
Dep
24 heures de la vie d’une main par Passerose
Le réveil sonne à 7H. Robert l’éteint avec sa main droite. Il se frotte les yeux. Il ébouriffe ses cheveux. Il va pisser, se dirige vers la cuisine. Il prend dans le placard un verre, une tasse, une cuiller et un couteau. Il allume la radio. Il ouvre le réfrigérateur. Il prend la bouteille de jus d’orange, du lait, du beurre et le pot de confiture de prunes. Il se sert un grand verre de jus d’orange. Il prépare son café. Il coupe 2 tranches de pain qu’il fait griller. Il étale du beurre et de la confiture sur les tartines. Il verse le café dans la tasse avec un nuage de lait. Il ajoute 2 morceaux de sucre. Il remue. Il trempe ses tartines dans la tasse. Il boit son café. Il s’essuie la bouche avec un sopalin. Il range la tasse, la cuiller, le couteau et le verre dans le lave-vaisselle. Il prend une cigarette et un briquet. Il allume la cigarette. Il se mouche avec un sopalin. Il se « fait une branlette » hygiénique dans la salle de bain. Il écrase sa cigarette dans un cendrier. Il soulage son intestin dans les WC et s’essuie les fesses. Il prend sa douche, se lave tout le corps et les cheveux. Il s’essuie. Il nettoie ses oreilles avec un coton tige. Il se rase et se lave les dents. Il applique une lotion après rasage sur son visage. Il vaporise du déodorant sous ses aisselles. Il se coiffe avec une brosse. Il va prendre dans l’armoire une chemise, un caleçon et des chaussettes propres. Il enfile un pantalon et une veste. Il referme la porte de l’armoire. Il met sa ceinture, ses chaussures. Il regarde les messages sur son portable. Il met son imperméable. Il enlève le sac poubelles et en place un neuf. Il éteint la radio et les lumières. Il prend ses clefs, son paquet de cigarettes avec son briquet, et son dossier. Il ouvre la porte, la referme à clef. Il appelle l’ascenseur, il ouvre la porte et appuie sur le bouton pour descendre au parking. Il ouvre la porte de l’ascenseur, la referme. Il prend dans sa poche ses clefs de voiture. Il ouvre la porte de sa voiture, met sa ceinture de sécurité. Il démarre, allume la radio. Il ouvre la fenêtre. Il prend une cigarette et l’allume. Il desserre le frein, passe une vitesse et tourne le volant. Il change de vitesse. Il arrive à son bureau, se gare, éteint la radio, enlève sa ceinture de sécurité. Il jette sa cigarette. Il ferme la fenêtre. Il prend son dossier. Il ouvre la porte de sa voiture et la ferme à clé. Il met la clef dans sa poche. Il appuie sur un bouton pour faire descendre l’ascenseur, il ouvre la porte et appuie sur le bouton du 3ème étage. Il ouvre la porte et sort. Il referme la porte. Il arrive dans son bureau, enlève son imperméable, l’accroche à un porte-manteau, il pose son dossier sur le bureau. Il ouvre son ordinateur, sert la main de sa secrétaire qui lui apporte un café, il met un sucre dans la tasse et remue avec la petite cuiller, il prend la tasse et boit son café. Il pianote sur son ordinateur. Il prend un stylo et écrit. Il va dans le couloir, prend un verre en plastique avec de l’eau et boit. Il va aux toilettes pour pisser, il se lave les mains. A l’heure du déjeuner, il sort de son bureau, ferme la porte et va à l’ascenseur, il ouvre la porte, appuie sur le bouton pour descendre. Il ouvre la porte et la referme. Il ouvre la porte de l’immeuble et la referme. Il ouvre la porte du petit restaurant, la referme. Il s’assoit à une table en tirant sa chaise.
Il prend le menu qu’un garçon lui tend. Il se sert un verre d’eau. On lui apporte un verre de vin qu’il porte à ses lèvres. Il déplie la serviette. On lui apporte son plat, il mange, il s’essuie la bouche, boit du vin et de l’eau. On lui apporte un café. Il met du sucre, remue avec la cuiller et le boit. Il donne son ticket restaurant au garçon. Il se lève, replace la chaise et sort. Il ouvre la porte et la referme. Il prend une cigarette qu’il allume avec son briquet qu’il a pris dans sa poche, il le remet. Il fait tomber la cendre de cigarette sur le trottoir. Il va acheter son journal, il sort des pièces de sa poche et les donne au marchand, il feuillette le journal. Il prend son portable et regarde ses messages, il compose un numéro et porte le téléphone à son oreille. Il jette sa cigarette et revient au bureau. Il ouvre la porte et la referme. Même processus que le matin. Il va pisser et se lave les mains. Il retourne dans son bureau, ouvre et referme la porte. Il téléphone et pianote sur son ordinateur.
A 19H il ferme son ordinateur, éteint la lumière, remet son imperméable et sort de son bureau en fermant la porte. Il serre la main de sa secrétaire et va prendre l’ascenseur. Même processus que le matin et l’après-midi.
Il prend sa voiture et va au rendez-vous qu’il a donné à sa petite amie, Clarisse.
Elle l’attend assise au bar. Il ouvre la porte du bar, la referme, enlève son imperméable et va s’asseoir au bar près de Clarisse. Il lui caresse la joue et les cheveux et pose sa main sur sa cuisse. Il commande 2 gin tonic, il prend son verre et le porte à ses lèvres, il met une olive dans sa bouche et la mange. Ils changent d’endroit pour aller dîner. Il donne sa carte bleue au barman pour payer les consommations. Il remet son imperméable et sort avec Clarisse. Il prend sa main et ils commencent à marcher en regardant les vitrines.
Passerose