Après lecture de "Saisons profondes" le dernier recueil de François Montmaneix - Editions La rumeur libre. octobre 2015
"Je vois revenir de partout des moments perdus de ma vie".
Dans les parfums, les sons, les rires. "Dans les regards qui cherchent un chemin entre les mots qui s'enchevêtrent" Qui s'entrechoquent Et parfois se caressent Qui osent ou qui n'osent pas le dire Dans les mains qui se nouent et dénouent des flots de sentiments, déferlants Dans les soupirs, dans les sourires, dans ce que l'on ne peut dire qu'au détours d'un rire. Oui, souvent je me prends à penser à ce propos "Quel étrange animal que celui qui vit dans les mots."
Dep
"Je vois revenir de partout des moments perdus de ma vie"
Lorsque je montais à contre courant de la foule
L'escalier menant au quai de la gare.
Perdue dans ce flux d’oppression
Je m'absentais à moi même
Prise dans un étau,sidérée,
Ma pensée se fracassait
Contre les marches à monter.
J'en oubliais même
La direction à prendre.
Evanouie et debout
J'étais hachée menue
Par la vitesse avec laquelle
On fonçait sur moi.
Seule contre tous,
Devenue une proie facile,
Je ne pouvais bouger d'un pouce.
Mon corps me lâchait et se liquéfiait,
Stoïque et immobile
Droite comme un I
Mon esprit disparaissait à vue d’œil
Je me perdais dans la marée
De la foule pressante,
J'attendais la fin du passage
Dans la solitude de l'angoisse,
Ma pensée doucement se ressaisissait
Sortir de l'inexistence et du rien
Se faire présence à soi même
Se parler et se tenir la main
Mettre un pied devant l'autre
Et voir sa trace laissée
Comme une empreinte posée
Sur un rivage maritime.
Voici le long périple pénible,
Marcher à contre courant
Et voir revenir de partout
Les moments perdus de ma vie.
MAMLAIR
Premières fois
" Dans les regards qui cherchent leur chemin, entre des mots qui s’enchevêtrent », on devine des histoires avec et sans devenir.
Charme singulier des premiers rendez-vous en tête à tête quand chacun joue à deviner l’autre pour savoir si quelque chose est possible, si tout est possible.
On s’est donné rendez-vous quelque part, dans un café, un restaurant un endroit bien neutre et fréquenté où la foule et le bruit vous protègent. On s’est faite belle mais pas trop, maquillée un peu, le regard surtout. On a les joues cramoisies, le cœur moite mais on s’est promis d’être naturelle et suffisamment détachée.
On se trouve, on se retrouve, on se salue, on se découvre. On tremble un peu d’excitation, d’hésitation. On s’épie, on s’espère, on s’amuse, on voyage d’illusion en désillusion. On rallume la flamme d’une conversation qui s’étiole, on se dévoile un peu, on en dit trop ou pas assez, on affabule, on enjolive, on exagère, on extrapole. On se tait. Les silences sont pesants, reposants et chargés d’une sexualité non dite. Les regards singent la parole, les peaux se touchent à distance, les mains se sentent inutiles, les lèvres s’épient, se mordillent, le corps s’ouvre, se tend.
On pose trop de question mais on aurait voulu en poser bien d’autres. On ose pas oser ou pas encore. On écoute à peine les réponses, on répond trop vite. On voudrait déjà tout savoir sans pour autant perdre une minute de ces moments de découverte enivrants. On a envie d’être surprise, séduite, on a peur de ne pas être à la hauteur. On ne sait pas très bien ce qu’on désire en fait mais on ne doute pas que ce soit essentiel.
On cherche les points communs ou les différences qui rapprochent. On s’imagine déjà au lit, au petit déjeuner, en famille, en vacances puis on fait marche arrière, on prend du recul, on se réfugie dans l’humour, dans le présent.
On se sent belle, séduisante, pleine d’esprit quand le regard vous cherche, quand la petite flamme est là. On est inquiète, dépitée, abusée quand il regarde ailleurs, une jolie femme qui passe ou pire encore sa montre. Mais on reprend le dessus, on s’en fiche, on en a vu d’autres. On se rassure par le passé et l’avenir, on se détache avec un sourire intérieur. La vie n’est qu’un jeu après-tout. On s’ennuie un peu d’ailleurs, on ira voir ailleurs, ce ne sont pas les candidats qui manquent. Et quand il vous regarde, soudain attentif, fort de tous ses charmes et de toute sa présence virile, on fond, on y croit à fond. Et le jeu reprend de plus belle, la vie est bien plus belle.
On va se noyer, on va faire deux pas en avant puis un pas en arrière et on va plonger. On le reverra, on l’emmènera faire un tour dans ses souvenirs, dans son avenir. On aura peur de le croiser à nouveau, peur qu’il s’accroche, peur qu’il soit lâche, peur de ne voir que le début du film. On ne sait pas, ça dépend de lui, ça dépend de maintenant et de demain matin peut-être.
On ne pense plus, on ne réfléchit plus, on se lève et les cœurs se soulèvent.
On aura eu très chaud, on aura eu trop froid mais jamais tiède et le voilà bien là le charme de ces moments éphémères qui resteront parfois des moments d’éternité.
Corinne L.N.