Texte de Voltaire sur l'utilité du marchand, alors que la Société d'Ancien Régime trouve que le travail doit être réservé aux êtres inférieur.
Le commerce, qui a enrichi les citoyens en Angleterre, a contribué à les rendre libres [...] ; de la s'est formée la grandeur de l'État. C'est le commerce qui a établi peu à peu les forces navales par qui les Anglais sont les maîtres des mers. Ils ont à présent près de deux cents vaisseaux de guerre. [...]
Tout cela donne un juste orgueil à un marchand anglais, et fait qu’il ose se comparer, non sans quelque raison, à un citoyen romain. Aussi le cadet d’un pair du royaume ne dédaigne point le négoce. Mylord Townshend, ministre d’État, a un frère qui se contente d’être marchand dans la Cité. Dans le temps que Mylord Orford gouvernait l’Angleterre, son cadet était facteur à Alep, d’où il ne voulut pas revenir, et où il est mort.
Cette coutume […] paraît monstrueuse à des Allemands entêtés de leurs quartiers ; ils ne sauraient concevoir que le fils d’un pair d’Angleterre ne soit qu’un riche et puissant bourgeois, au lieu qu’en Allemagne tout est prince ; on a vu jusqu’à trente altesses du même nom n’ayant pour tout bien que des armoiries et une noble fierté.
En France [...] quiconque arrive à Paris du fond d’une province avec de l’argent à dépenser, et un nom en ac ou en ille, peut dire : Un homme comme moi, un homme de ma qualité, et mépriser souverainement un négociant. Le négociant entend lui-même parler si souvent avec dédain de sa profession qu’il est assez sot pour en rougir ; je ne sais pourtant lequel est le plus utile à un État, ou un seigneur bien poudré qui sait précisément à quelle heure le roi se lève, à quelle heure il se couche, et qui se donne des airs de grandeur en jouant le rôle d’esclave dans l’antichambre d’un ministre, ou un négociant qui enrichit son pays, donne de son cabinet des ordres à Surate et au Caire, et contribue au bonheur du monde.
Voltaire - Les Lettres philosophiques
Lexique :
orgueil : fierté
un citoyen romain : un homme libre de l'Antiquité romaine
le cadet d'un Pair de France : le plus jeune fils d'un noble
négoce : activité commerciale
facteur : agent commercial
coutume : habitude
entêtés de leurs quartiers : fiers de leur titre de noblesse
armoiries : emblèmes présents sur les écussons, les calèches des nobles
Questions
Quelles activités sont désignées par le mot « commerce », selon vous ?
Que fait un marchand ? Que fait un noble ? Relève les phrases qui l'indiquent dans le texte.
Les marchands sont considérés différemment par les nobles en Angleterre, en France et en Allemagne. Complète le texte suivant :
Un noble français ou allemand méprise ___________________________. Il parle _________________ de ces hommes qui _______________________ pour vivre. Un noble anglais estime le marchand comme son ____________________________, car le marchand comme le pair ______________________________ pour le ___________________ de son pays.
Reformule l'idée que défend Voltaire sur le commerce.
« Le commerce qui a enrichi les citoyens en Angleterre a contribué à les rendre libres (…) de là s'est formée la grandeur de l'État » (lignes 1 et 2). Relève l'exemple précis qui illustre cette idée.
« Tout cela donne un juste orgueil à un marchand anglais, et il faut qu'il ose se comparer, non sans quelque raison, à un citoyen romain ». Relève les exemples du texte qui illustrent cette idée. À quoi servent ces exemples, selon vous ?
Retrouve les arguments de Voltaire en numérotant dans l'ordre logique les arguments suivants :
La puissance de l'État s'appuie sur son commerce.
Le commerce est utile à la société.
Un négociant enrichit son pays.
Le prospérité d'un pays repose plus sur l'activité du négociant que sur celle d'un noble.
À quelle conclusion aboutit Voltaire ?
Un peu d'écriture : le commerce équitable vise à créer des relations commerciales durables entre des pays développés et des pays producteurs situés dans les pays en développement. Rédige un paragraphe argumenté qui pourrait accompagner l'image qui suit. Expose d'abord ton argument principal, puis développe-le en l'expliquant, enfin, illustre-le par des exemples.