Comme une anaphore (1)

Date de publication : 14 nov. 2017 10:27:13

Comme une anaphore (1)

Comme je m'applique sur le clavier, il m'arrive de rigoler, tant in petto qu'en moi-même : ce texte Défec(a)tion, écrit sous X voilà des années – et faisant par deux fois mention d'un nègre littéraire – voici qu'il trouve une place toute naturelle, évidente au point qu'elle en est presque aveuglante, dans ce roman en cours d'élaboration. Hasard ou nécessité... D'ailleurs – c'est la nouvelle du jour – : et si j'avais mis le point final à l'ex-OLNI (Objet Littéraire Non Identifié) ? Oh, il reste encore des tas de choses à faire, mais stricto sensu, mon histoire est terminée. Mamylène a rejoint Abilene et il n'y a rien là de paradoxal ainsi qu'on le verra par la suite.

Comme ma Jacotte a fait un rosbif en cocotte, j'en découperai quelques tranches au moyen du couteau à trancher à manche de corne ainsi que sa fourchette assortie. Deux ustensiles réapparus par l'opération du Saint-Esprit depuis l'année 2003 où nous les avions ramenés d'Alès. Mais avant, d'où pouvaient-ils bien provenir ? Mystère... J'aime à penser au siècle (au moins) de bons et loyaux services qu'ils doivent avoir à leur palmarès. Au nombre de gigots et de volailles auxquelles la lame noircie et cicatricielle a fait la fête. Elle comporte une seule inscription laconique et sobre, « Paris ». Bien obligé de me contenter de cette information aussi courte que capitale.

Comme le ciel est à demi couvert, par ce petit matin, il présente des couleurs fanées, des bleus, des roses et des bis qui délivrent une très jolie lumière un peu nostalgique.

Comme, à table, ma Fanette est face à moi, j'ai bien cru voir – mais oui, je n'ai pas la berlue – deux p'tits tétons percer, à la fois timides et insolents, sous son T-shirt.

Comme J. était défoncée total dès 20 heures, je m'interroge... tout en polissant en mon for une phrase de l'OLNI où il est question de palefroi et de haquenée. Faut dire que ma douce moitié ne s'économise guère, ce qui n'est pas le cas de tout le monde. Tout lui incombe – garde et occupation de mioche comprises –, solution des bobos de Vincent, problèmes ménagers divers, babillages au bigophone avec Ris (une demi-heure, c'est le tarif), ou soins psychologiques intensifs à sa bru.

Oui... pour ce « palefroi » auquel je donnais une signification plus guerrière que « destrier » (faux ami : dans palefroi il y a effroi), je n'ai aucune excuse, moi. C'était du domaine de l'acquis mais un acquis sans doute volatil. Equus paraveredus, « cheval de montre, de parade ou de cérémonie ».

Comme nous matons à la télé un film avec J.P Bacri dont le seul intérêt à mon sens est de me faire rechercher le mot idoine pour décrire son faciès amer et ses joues noircies de barbe, je trouve « neurasthénique ». Le mot ne me satisfait que très moyennement. Ce n'est qu'au matin qui suivra que viendra mon élu, que je cherchais en vain – mais je savais bien comment amorcer la pompe, en laissant musarder durant la nuit mes neurones abusés du côté de chez Molière, encore que je ne susse pourquoi grands Dieux. Dyspeptique, putain !

Comme, au petit lever, j'ai la surprise de tomber sur le drame de La Lune – un vénérable trois-mâts perdu corps et biens à une époque très révolue –, je me retrouve à Djidjelli en deux temps trois mouvements. Arrivé devant les fortins du petit port kabyle cher à Baboune le 22 octobre 1664, en renfort de l'expédition catastrophique sous le commandement de François de Vendôme, duc de Beaufort, petit-fils d’Henri IV et Gabrielle d’ Estrées, le navire sombrera « comme du marbre » avec 700 personnes à bord, au large de Toulon, le 6 novembre. J'ai gardé l'article consacré aux fouilles de l'épave dans l'idée d'en faire une nouvelle, et plus, si affinités. Malheureusement, en prenant des repères supplémentaires sur la Toile, me voilà bien obligé de constater que j'ai eu des précurseurs, dont un contre lequel il est impossible de lutter, Alexandre Dumas. L'autre étant ce Jean Theulé de Mangez-le tous, dans un roman récent paru sous le titre Le Montespan. Effectivement, le mari infortuné de La – celui-là même qui avait orné son carrosse d'une paire de cornes pour protester hautement contre le royal cocufiage – a participé à l'expédition punitive dans le même but que le roi des Halles, avec l'idée de regarnir à peu de frais une bourse perpétuellement béante. De son côté, le prince des romans de cape et d'épée, avait imaginé d'y envoyer (et d'y faire mourir) le vicomte de Bragelonne, le propre fils d'Athos, choisi comme aide de camp par Beaufort. La vision du romancier mulâtre n'est assurément pas conforme à mon souvenir de cette corniche idyllique mais je me laisse une fois encore emporter par son verbe puissant : « C'étaient des roches grises toutes verdies en certains endroits par l'eau de la mer, quand elle vient fouetter la plage pendant les tourmentes et les tempêtes. Au-delà du rivage, diapré de ces roches semblables à des tombes, montait en amphithéâtre, parmi les lentisques et les cactus, une sorte de bourgade pleine de fumée, de bruits obscures et de mouvements effarés. »

Il n'empêche, je me plais à rêver d'une intrigue où je croiserais les fils de ces existences historiques ou romanesques avec la mienne propre – ou du moins celle de Marie-Hélène, mon arrière-grand-mère, et la descendance issue de son premier lit dont la trace est encore visible dans les cimetières de Collo et La Calle, des petits refuges maritimes alors en concurrence avec Djidjelli pour être la cible de ce premier débarquement en terre barbaresque. Notant au passage que j'aurais pu lire cent fois Bragelonne sans me douter de l'énorme coïncidence puisque, à la fin du 17ème siècle (au tout début du règne du roi Soleil), on disait encore, à la française, Girgeri pour ce havre redevenu Jijel après avoir longtemps été la vieille Igilgili des Berbères.