Divine surprise et autres lectures

Date de publication : 21 oct. 2018 12:30:06

Divine surprise et autres lectures (1)

Dernier jour de juin… Et voilà ! Une bonne demi-année 2009 engloutie…

Je vous le dis, le proclame, le hurle même : ce 21ème siècle qu’on regardait il y a peu comme une plage immense et vierge – sachant bien d’ailleurs qu’il nous serait impossible d’en voir le bout – ne v’là t-il pas que sa première décennie va se terminer. Là, demain ou presque, au rythme où la vie passe, où le temps coule et se vide le sablier… la preuve – s’il en fallait une ? Un passage en coup de vent par la paillote du bord de route me permet de regarnir le garde-manger au moyen de deux citrons, deux salades et quelques abricots et… Et la première coucourde décorative, une simplissime cucurbite jaune d’or à peine centrée d’une touche de vert sombre.

D’ailleurs, l’interview de Claude Hagège dans un hebdomadaire enfonce le clou (il vient de publier un Dictionnaire amoureux des langues chez Odile Jacob et cite, pour illustrer l’hypallage dans son titre, un vers de l’Enéide, Ibant obscuri sola sub nocte, « Ils allaient obscurs sous la nuit seule »). La mauvaise nouvelle vient de ce qu’il a écrit L’homme de parole –, un des bouquins qui m’aura le plus marqué, accélérant ma déviance biologique, avec L’homme neuronal de Changeux – en 1985. Quart de siècle… Ach ! Le Temps, grosse malheur ! Dans le même ordre d’idées, une coïncidence littéraire de plus s’offre à mon esprit un peu ébahi par tant d’à propos fortuit. Tandis que nous regardions la veille un film non dénué de beauté plastique et de paysages amazoniens, L‘amour au temps du choléra , tiré du roman éponyme de Gabriel Garcia Marquez, je signale tout de go à Julie que c’est amusant, cette héroïne qui s’appelle Fermina, dans un livre de Marquez : ajustés l’un à l’autre, cela donne Fermina Marquez, le roman de Valéry Larbaud… mystères de la trans substantiation… le comble, c’est que je suis moi-même aux prises avec un sujet assez similaire avec mes Éditions du Cinquantenaire – le matin précisément où je narrais l’histoire du condurango (ce condor peut-être amazonien qui soignait ses morsures de serpent au moyen de la plante ainsi nommée).

A deux pas de là, d’ailleurs, je joue quelques instants avec un article de Philippe Lançon dans le Libé/Livres où il commente la sortie de l’Intégrale des Contes des frères Grimm (me plaisant même à agrandir le minuscule médaillon qui présente leurs profils accolés et si semblables). L’aîné, Jacob – aidé de son frère Wilhelm – avait eu l’idée de recueillir des fables, des récits paysans, des histoires transmises oralement qu’il pensait surgis spontanément et, de là, bâtir une théorie de l’origine divine du langage. Sans entrer dans les détails, une idée qui n’est pas sans rapports avec l’ami Hagège plus haut entrevu (les deux frères étaient eux aussi philologues de profession, et l’aîné, l’auteur d’une monumentale Grammaire de la langue allemande).

En dehors de ça, c’est le régime à la fois spartiate et opulent des jours d’été : opulent par la sauvage beauté du jardin, de l’escalier et du chemin de pierre qui serpentent sous les pins, de la masse d’eau limpide et bleue disponible à tout instant, et spartiate parce que nulle dépense bling bling – un néologisme à la mode depuis deux ans – ne vient le déparer, le grever de manière imbécile. On n’a besoin de rien, nul caprice ne vient amoindrir, fût-ce d’un fifrelin, la fusion avec la nature. Et, comme pour nous rappeler l’obligation absolue du carpe diem – puisque la mort, encore dans l’ombre, aiguise sa faux avec nonchalance –, deux aigles de Bonelli tournoient sans un coup d’aile dans le ciel immaculé de l’après-midi. À l’enseigne du condor…

Et même, à la façon d’Athos gravant Remember sur l’épaule dodue de Milady, je pourrai dire « Je me souviens ». Je me souviens de ce mardi, un jour qu’il faudra bien marquer d’une croix blanche dans mes annales et mes chroniques, un jour où j’entends presque chanter les Anges annonciateurs de félicités à venir. Comme pour son horrible et grimaçant jumeau de ce juillet d’il y a quatre ans, nous n’avons rien vu venir… censés tout juste récupérer, pour une deuxième semaine, notre Sugar… Là, on a en prime ses géniteurs. Son génome au complet. À souper, oui Madame !