Date de publication : 22 déc. 2014 16:41:03
Et, paraphrasant le papa d’Anaïs Nin en proie aux fièvres – de celles qu’on nomme tierces ou quartes mais qui sont tout bonnement de cheval –, je pourrais moi aussi, en inscrivant la date du jour, hic et nunc, à cette heure tardive, paresseuse, voire carrément velléitaire : « Déjà le 2 Janvier. L’année est finie ! ».
C’est une histoire un peu tarabiscotée, à tiroirs, tirée à hue et à dia, tout à faite apte à vous faire s’emmêler vos pinceaux mais comme je les aime.
Une séquence commencée sur le blog improbable d’un mister Tartempion lors d’une recherche sur la Toile et dont la préoccupation semble se conjuguer avec une phrase du recueil d’Andrei Makine, Le livre des brèves amours éternelles, que je suis en train de lire :
« Au lieu du grave monothéisme amoureux de l’adolescence, de ses orgues extatiques, on découvre avec soulagement la futile et multiple idolâtrie de l’inconstance ».
Mon Tartempion raconte deux rêves à lui survenus à presque dix ans d’intervalle et qu’on pourra découvrir plus loin. S’ils ont encore une signification, une place dans sa vie ?
En attendant, je suppute. Ce mot « blog », qu’es aco ? D’où sort-il ? Tant d’acronymes, d’anglo-saxonnismes désormais ! Ne trouvant rien dans mes pauvres dicos, c’est je le dépiste chez la maison Google. Il résulte de la combinaison de deux mots anglais, suivie d’aphérèse, entre web « tissu, toile », et log signifiant, entre autres, « journal de bord d’un navire ». Car log, c’était avant tout, outre Manche, une bûche, un rondin, un tronçon de bois. Et aussi, par métonymie, ce « loch » désignant chez nous l’instrument qui mesure la vitesse d’un navire.
Aussitôt, changeant la facette de mon diamant occasionnel, c’est notre loch qui m’interpelle, par son homophonie avec log justement. Et pas le « loch » du loch Ness par exemple – le mot gaélique vient lui-même du latin lacus. Non… le loch emprunté au néerlandais log – on y revient – un mot que les bataves, mais aussi l’allemand, le danois et le suédois, ont chapardé à l’anglais et nommant l’appareillage consistant en une corde munie de nœuds régulièrement espacés (1/120ème de mille marin) et attachée à une bûche. Ainsi, à celui des lampes à huile, mesurait-on la vitesse d’un bateau, au temps mis par la ligne à se dérouler.
… Mais venons-en à l’activité onirique du blogueur anonyme. Il a choisi de raconter de façon chronologique, commençant par le plus ancien. Écoutons-le :
« Un rêve œcuménique, une première. Sylvie [on comprend qu’il s’agit de la femme qui partage sa vie] se mêle à l’action. Cohabitation sans hostilité, nous passons tous les trois un examen difficile, très physique, avec au départ une espèce de parcours du combattant durant lequel je porte l’autre jeune femme sur mon dos, tellement cramponnée à mon échine que je suis sûr de garder le moindre centimètre carré de son corps imprimé à vie sur la peau. Une fille au visage plus large que le vague souvenir resté à ma mémoire mais à la carnation et à la chevelure demeurées ne varietur (j’irai vérifier au matin que la photographie d’Ellen Mac Arthur venant de remporter une transat en solitaire a dû m’influencer : élue “sportive de l’année”, elle trône à la une sans que, après coup, je ne trouve une ressemblance quelconque avec mon sac à dos nocturne). Après diverses péripéties floutées par la distance, me voilà séparé des filles dans la cohue des participants. Puis ce sont les épreuves écrites d’une durée maximum de 4h 30. J’attendrai qu’elle ait rendu sa copie, et elle arrive, furibarde, tandis que Sylvie est partie nous garder des places. Elle, la voici qui s’installe dans une cabine téléphonique, éclairant l’édicule de l’intérieur par sa seule présence de sylphide… »
Plusieurs années ont passé. Il reprend, comme ficelé par un fil invisible, un écheveau dans lequel il s’agite, ver à soie de cocon.
« Pour un peu, j’en oubliais l’irruption nocturne de la nymphe volage révélée par un aiguillon vésical intempestif. La fille – oh ! c’est la même, j’en jurerais – est installée à sa table de travail dans une petite pièce mansardée. Je l’envisage , cœur palpitant, depuis un escalier de bois qui la jouxte. N’y tenant plus, j’entre tout à coup, pour l’entendre me confier que cette fois – ça devait bien arriver un jour ou l’autre, me dit-elle – c’en est bien fini, terminé. Entends-je : basta cosi ? Elle a trouvé chaussure à son pied, autre chose tout à fait que les escarpins de Cendrillon dont elle était affublée jusqu’à présent. Non… du béton pour la vie. De la grolle de luxe, finition sellier… du croco, du serpent, que le démon tentateur l’emporte !
Mais alors, pourquoi son visage s’approche-t-il tant de moi, pourquoi son corps sulfureux se tend-il ainsi, en opisthotonos inversé, vers le mien qui oscille ? Je l’étreins, l’embrasse désespérément, goulûment, trouvant un goût de sel (de fiel ?) à sa salive mêlée de larmes. Même les seins s’égarent… même le peignoir s’entrouvre au triangle magique et secret… un geste d’abandon (ou une preuve réitérée de la rouerie féminine) l’a fait apparaître et ce que j’aperçois, sidéré, changé en don Juan de pierre, c’est bien une toison pubienne extraordinaire. Foin des bouclettes, des frisottis ou des duvets habituels des dames du commun. Mais bien une sorte de moumoute comme s’en parent ou s’en déparent les pauvres victimes d’alopécie, une pilosité ayant toutes les apparences d’un postiche cuivré tirant sur le rouge cramoisi. Lisse et peignée, elle est munie d’une flèque, sorte de banane à la Elvis. Estomaqué par cette parure fabuleuse, je reste coi.
À cet instant, les marches de l’escalier que j’avais occupé quelques minutes auparavant se remplissent d’importuns et la jeune lascive referme son négligé. »
Et messire Tartempion d’interroger : « Dites, docteur, c’est grave ? »
L’aube. Sa blancheur encore laiteuse semble palpiter au rythme d’un pouls céleste. Elle nimbe d’un opale tremblé l’opus incertum de la terrasse.