2014-12-D'Aigremoine en Staphysaigre

Date de publication : 15 déc. 2014 09:33:12

À l’occasion d’une recherche dans le dico, je tombe par hasard sur l’aigremoine et l’azerole, dont les noms m’interpellent.

Aigremoine n.f ; du latin agrimonia, altération du grec argemoné « pavot », avec influence de aigre. Plante astringente, de la famille des Rosacées, tribu des Sanguisorbées. « Les fruits sont des akènes qui restent inclus dans la coupe dont les parois restent sèches. » La tribu comprend, entre autres les Pimprenelles.

« On corrobore les entrailles avec les trochisques d’aigremoine », (A. Paré)

Une espèce est appelée aigremoine eupatoire…

« Aigremoine est appelée eupatorium, d’Eupator roi, qui le premier, la mit en réputation », (O. de Serres)

Azerole n.f ; de l’espagnol acerola, emprunt à l’arabe az-zou’-roûr ; c’est le fruit de l’azerolier, une variété d’aubépine dite épine d’Espagne ; sa cousine l’aubépine alba « blanche », spina « épine » et lui sont tous deux des Rosacées, du genre Cratægus et l’azerolier est plus connu sous le nom de Buisson ardent : c’est le pyracantha.

« Une blanche aubépine, une fleur, comme lui

« Dans le grand ravage oubliée », (Victor Hugo)

Le mot aigremoine sinue pendant la nuit dans mes réseaux limbiques et mon subconscient au travail me fait cadeau au réveil d’une pêche qui, sans être miraculeuse, me fait passer un agréable moment botanique encore… l’heureuse élue de mes synapses est la staphisaigre – dont l’aigre n’a rien de commun avec celui de l’aigremoine (et ni l’un ni l’autre de rapport étymologique avec une quelconque âcreté ou acidité). La plante revient de mes circonvolutions comme si souvent avec son nom latin attaché : Delphinium staphisagria .L. Le genre Delphinium (ou dauphinelle) appartient à la famille des Renonculacées et la staphisaigre est une cousine proche du glorieux aconit…

Staphisaigre n.f (1556 ; stafizégre ,13ème) du latin Staphis agria, mots grecs, proprement « raisin sauvage ». Le y a sauté de manière apparemment anormale ; en réalité, le latin ayant « romanisé » les deux mots grecs – Staphus devenant Staphis -, l’ensemble a été récupéré tel quel en ancien français ; à la différence des mots savants créés au 18ème – comme staphylin « qui appartient à la luette » (à cause de sa forme en grappe de raisin) – où l’on a transposé le u grec en y. Cette variété de dauphinelle a des graines toxiques ; connue et utilisée dans l’Antiquité et le Moyen-âge, elle est reléguée en médecine populaire. La poudre obtenue en pulvérisant les graines a des propriétés parasiticides, d’où son nom populaire d’herbe aux poux et d’herbe aux pouilleux ; elle entre dans la composition de la poudre de capucin avec la cévadille (une liliacée voisine du colchique), le persil et le tabac. L’alcaloïde contenu dans les graines est la delphinine utilisée, avec beaucoup d’accidents – elle a quelques effets secondaires charmants, peut donner des convulsions, des paralysies, de la diarrhée, des vomissements, jusqu’à conduire à l’asphyxie et à l’arrêt du cœur en diastole – comme succédané de l’aconitine.

La plante a un cousin bien moins violent et ombrageux, le Delphinium ajacis ou pied d’alouette qu’on cultive dans les jardins ; avec ses fleurs violettes aux pétales pointus et leur éperon droit ou incurvé vers le haut, elle ressemble beaucoup à l’ancolie.

« Herbe aux pouilleux, en latin, staphisagria, veut estre en bonne terre cultivée et arrousée, non trop soleillée », (O. de Serres)

Extrait de Sentiers botaniques (2011)