Quantales et topos de Grothendieck, par Simon Henry (6 mars 2013)

Réalisation (prise de vue, montage et mise en page) : S. Dugowson

NdW signifie : "note du webmaster"

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Introduction :  les quantales, une piste pour aller des topos aux C*-algèbres ?

(mais on ne parlera pas de C*-algèbre dans cet exposé)

NdW : topologie non commutative

La mention des C*-algèbres fait référence à la géométrie non commutative, et plus spécifiquement à la topologie non-commutative, abordée dans la dernière partie de l'exposé à travers la notion de Q-sets. Pour situer ce type de problématiques, je recommande la lecture de l'introduction de la thèse de Hans Heymans,  "Sheaves on quantales as generalized metric spaces"

S.D.

Se passer des sites pour décrire les topos de Grothendieck.

Structures des ensembles Q associés à un topos de Grothendieck

Un topos de Grothendieck admet une borne B

NdW : à propos de la notion de borne d'un topos, et selon des précisions données par Simon Henry :

Une définition de la notion de borne d'un topos figure dans l'éléphant de Johnstone, section B3.1 (def B3.1.7). Certains parlent aussi de "progenitor" ou "object generator". Un objet d'un topos est une borne (bound) si et seulement si ses sous-objets forment une famille génératrice. En conséquence du  théorème de Giraud donnant une caractérisation intrinsèque des topos de Grothendieck, les topos de Grothendieck sont, parmi les topos élémentaires, caractérisés par le fait d'être complet et par l'existence d'une borne (voir par exemple la proposition 4 de l’appendice du Mac Lane-Moerdijk, section 4, p. 593 de l'édition de 1994 (la condition de complétude donnée est l'existence de toutes les colimites, mais par le théorème de monadicité, complétude et co-completude sont équivalentes pour tout topos élémentaire)). A noter que l'objet terminal d'un topos est une borne si et seulement si le topos est localique, c'est-à-dire qu'il est équivalent au topos des faisceaux sur une locale (Mac Lane-Moerdijk, chap IX, en particulier le théorème 1 p. 490). Ce n'est donc pas le cas pour le topos des actions d'un groupe discret, ou plus généralement pour le topos des faisceaux équivariants sur un groupoïde étale.

L'ensemble (structuré) Q=Rel(B) des relations dans B.

Propriétés 1 à 4 de Q.

(1) Un ensemble ordonné. 

(2) Borne sup. 

(3) Distributivité sur la borne inf. 

(4) Composition des éléments de l'ensemble Q 

Notation : R o S = RS, opération prioritaire sur les autres.

Propriétés 5 à 8

(5) la relation diagonale dans B, notée 1 (c'est l'égalité, neutre pour la composition)

(6) passage à la relation symétrique, noté *

(7) distributivité de la composition sur le sup

(8) Loi de modularité. Démonstration. 

Discussion : Notation *, standard ou pas ? 

Discussion (suite) : Jacques Riguet conteste l'attribution à P. Freyd de la loi de modularité. Relations difonctionnelles.

Propriétés 9 : axiome de la borne

Définition d'une quantale. 

Quantales modulaires. 

Quantales de Grothendieck.

A propos de la loi modulaire, référence donnée par Jacques Riguet d'un article de B. Coecke, ainsi qu'à ses propres travaux.

B. Coecke, ?

J. Riguet, Sur les lattices pseudo-modulaires, Comptes rendus Acad. sci. Paris ; 226 ; 1948 ; p. 1151-1153

Énoncé du principal théorème de cet exposé

Énoncé [1] : Une quantale associée à un topos de Grothendieck permet de reconstruire celui-ci.

Utilisation du lemme de comparaison de Grothendieck.

Lien avec le théorème de Giraud. 

Énoncé [2] : toute quantale de Grothendieck correspond à un unique topos.  

Références

Hans Heymans et Isar Stubbe, "Grothendieck quantaloids for allegories of enriched categories", Bull. Belg. Math. Soc. Simon Stevin 19 (2012), 861–890

Hans Heymans,  "Sheaves on quantales as generalized metric spaces" 2010 (thèse)

P. Freyd et A. Scedrov, 1990, Categories and Allegories, Mathematical Library Vol 39, North-Holland (1990). 

A. Pitts, 1988, Application of sup-lattice enriched category theory to sheaf theory, Proc. London Math. Soc. (3) 57 (1988)

Deux remarques sur l'intérêt des quantales 

Les quantales sont parfois plus puissantes que les sites pour calculer.

Les quantales ressemblent aux C*-algèbres (avec des pistes en cours d'exploration à ce sujet).

Démonstration du théorème [1]

La notion clé : la catégorie SL(T) des sup-treillis (sup-lattices) dans un topos T.

(Précisions sur ce qu'est un sup-treillis dans un topos. Rappel sur l'objet des sous-objets d'un objet, etc...)

Référence : 

Andre Joyal, Myles Tierney, An Extension of the Galois Theory of Grothendieck, Memoirs of the American Mathematical Society, Proquest Info & Learning (1984)

NdW : "topos = locale + groupoid"

A propos de l'article de Joyal et Tierney (1984)

Compared with toposes, [locales] seem a mild generalization [of (sober) topological spaces...] However, recent work of Joyal and Tierney [1984] shows that the jump in generality from locales to toposes is not so very great and can be summed up in the slogan : "topos = locale + groupoid".

A. Pitts, Applications of sup-lattice enriched category theory to sheaf theory, Proc. London Math. Soc. (3) 57 (1988) 433-480

La catégorie SL a beaucoup de propriétés similaires à celles d'une catégorie abélienne.

(1) L'objet [M,N] des morphismes de M dans N est encore dans SL.

(2) Tout objet X du topos engendre librement l'objet sup-treillis P(X). La catégorie SL est monadique sur la catégorie des ensembles.

(3) Sup-treillis opposé d'un sup-treillis. Involution fonctorielle sur SL.

(4) Produit tensoriel monoïdal M(x)N (Z. Shmuley). Applications "bilinéaires" (le sup jouant le rôle de l'addition). Adjonction avec [M,N]. 

(5) [M,N]° isomorphe à M(x)N°. Analogie avec le produit tensoriel en algèbre linéaire. Exemple avec le classificateur Ω. Catégories *-autonomous.

Catégories SL-enrichies (et poursuite de l'analogie avec les catégories additives, ou plutôt abéliennes). Deux théorèmes, dont un "théorème en quatre points" qui nous sera fort utile.

(l'additivité se rapportant à présent au sup, voir le produit tensoriel : propriété (4) ci-dessus).

Théorème : dans une catégorie C qui est SL-enrichie, la somme (coproduit) A =Σ Ai et le produit A=ΠAi coïncident, et ceci équivaut à l'existence de certains morphismes entre A et les Ai.

Morphismes entre sommes (et/ou produits) infinis d'objets. Matrices infinies.

Un autre théorème, en quatre points, qui renforce encore l'analogie avec les catégories abéliennes...

... ce "théorème en quatre points" est une version "SL-catégories" du fait que toute catégorie abélienne se plonge dans une catégorie de R-modules avec R un anneau non commutatif en général (théorème de Barry Mitchell, 1964)....

... (1) pour C une SL-catégorie et M objet de C, Q=C(M,M) est une quantale, C(M,X) est un "Q-module à droite" et on a un foncteur RM : X -> C(M,X),

...(2) si de plus C a toutes colimites, RM a un adjoint à gauche TM : Y -> "M (x)Q Y" (expression qui en soi n'a pas de sens, mais qui s'interprète en faisant appel à des matrices (en général infinies) à coefficients dans la quantale Q)...

... (3) si de plus "M est plat" (ou plutôt : "projectif"),  TM est pleinement fidèle....

... (4) si de plus M est "générateur de C", RM et TM constituent une équivalence.

Application du "théorème SL-catégorique de Mitchell'  ("théorème en quatre points") : Q donne SL(T).

Remarque : si  T est un topos (de Grothendieck), la catégorie C=SL(T) des sup-treillis dans le topos T est une catégorie SL-enrichie (les sections globales d'un sup-treillis forment un sup-treillis).

Soit donc T un topos, B une borne de T, M=P(B) le sup-treillis dans T "objet des sous-objets de B", Q=Sub(BxB)=C(M,M)=T(B,P(B)) la quantale considérée par Simon Henry au début de son exposé : on vérifie alors toutes les hypothèses du "théorème en quatre points".

On en déduit que la connaissance de la quantale Q nous donne déjà les sup-treillis de T, car SL(T) est isomorphe à la catégorie des Q-modules à droite (ou à gauche, ça revient au même, il faut juste faire un choix).

Le résultat "SL(T) isomorphe aux Q-modules à droite" suffit-il à retrouver T à partir de la quantale Q ?

Passage aux relations : on retrouve (à équivalence près) la catégorie des relations de T (mêmes objets que ceux du topos T, avec pour flèches les "relations") à partir de Q.

D'abord sans parler d'allégories...

On commence par les objets qui sont des sommes de la borne B, comme matrices (de taille infinie) à coefficients dans B.

Utilisation de relations d'équivalence partielles (transitives et symétriques mais non réflexives en général) pour recouvrer la catégorie des relations de T grâce aux matrices R idempotentes symétriques.

Le topos T et les matrices idempotentes symétriques à coefficients dans Q.

Utilisation des allégories

La construction précédente s'interprète comme complétion systémique d'une allégorie (Freyd).

Q-sets ("Ω-sets non commutatifs")

Remarque de S. Dugowson : "ensembles empiriques de Bénabou" et présentation matricielle des Ω-sets.

Récapitulatif : quelques références (sans exhaustivité)

Jean Bénabou, Théorie des ensembles empiriques, volume 17 et vol. 21 de Mezura : cahiers de poétique comparée, Publications Langues'O, 1988

P. Freyd et A. Scedrov, 1990, Categories and Allegories, Mathematical Library Vol 39, North-Holland (1990). 

Hans Heymans,  "Sheaves on quantales as generalized metric spaces" 2010 (thèse)

Hans Heymans et Isar Stubbe, "Grothendieck quantaloids for allegories of enriched categories", Bull. Belg. Math. Soc. Simon Stevin 19 (2012), 861–890

Peter Johnstone, Sketches of an Elephant: A Topos Theory Compendium, Oxford University Press

Andre Joyal et Myles Tierney, An Extension of the Galois Theory of Grothendieck, Memoirs of the American Mathematical Society, Proquest Info & Learning (1984)

Barry Mitchell The full imbedding theorem. The Johns Hopkins University Press (1964) .

A. Pitts, Application of sup-lattice enriched category theory to sheaf theory, Proc. London Math. Soc. (3) 57 (1988)

Jacques Riguet, Quelques propriétés des relations difonctionnelles, C. R. Acad. Sci. Paris, 230 (1950), 1999-2000.