Introduction au programme de Langlands et relation avec la théorie de Caramello

par Laurent Lafforgue

 27 février 2013

Réalisation (prise de vue, mise en page) : Stéphane Dugowson

La numérotation des sections utilisée par Laurent Lafforgue au cours de son exposé est indiquée ci-après sous la forme : [§1], [§2], etc...

Introduction

Le but de l'exposé est de poser cette question (inspirée par la théorie de Caramello) : l'indépendance de  l de la cohomologie l-adique et la correspondance de Langlands sont-elles des équivalences de Morita entre topos classifiants ?

A qui s'adresse cet exposé ?

[§1] Rappels sur les topos classifiants. 

Théories (géométriques) du 1er ordre.  

Catégorie des modèles d'une théorie dans un topos. 

Un théorème (extraordinaire et trop peu connu) de Joyal-Reyes. Topos classifiant.

Modèle universel.

Site syntactique. 

Interprétation du passage d'une théorie syntactique à son site puis au topos associé comme passage de la logique au contenu mathématique.

Différents sites, donc différentes théories, peuvent avoir des topos classifiants équivalents.

Équivalence de Morita

Première partie : représentations l-adiques.

[§2] Variétés algébriques et schémas.

F : corps de type fini sur son corps premier = corps de fractions rationnelles sur un schéma intègre S de type fini sur Z.

XF, variété quasi-projectives sur F.

Corps globaux (= "corps de nombres", c'est-à-dire Q ou une extension finie de Q, ou bien "corps de fonctions", c'est-à-dire corps des fonctions algébriques F=F(S) sur une courbe algébrique connexe S sur un corps fini)

Variétés quasi-projectives XF vus comme fibres génériques de schémas quasi-projectifs plats S'  

Question d'André Weil visant à "algébriser les théories cohomologiques" : comment associer, à la fibre XF, des espaces de cohomologie sur un corps de caractéristique 0, sur lesquels agisse le groupe de Galois de F, et qui redonnent la dimension des espaces de cohomologie singulière habituels dans le cas des nombres complexes.

[§3] Site étale et groupe fondamental d'un schéma 

Grothendieck exposant au SGA                     

Verbatim

"Avec Grothendieck, tout est toujours très catégorique..."(L. Lafforgue)

                    

(Une réponse de Grothendieck à la question de Weil)

Définition algébrique des morphismes étales entre schémas. Stabilité de la notion.

Site étale d'un schéma X, et topos étale associé 

Revêtement fini étale. Groupe fondamental d'un schéma noethérien connexe X. 

Théorème : la catégorie des revêtements finis étales de X est une catégorie galoisienne, et  il y a équivalence entre celle-ci et la catégorie des ensembles finis agis par le "groupe fondamental" du schéma X (au point géométrique de base choisi) :   (SGA 1)

[§4] Faisceaux l-adiques et cohomologie l-adique

(Une réponse de Grothendieck à la question de Weil, suite)

X, schéma noethérien, l nombre premier.

Définition des faisceaux l-adiques sur X (et justification de cette définition "bizarre").

Catégorie des faisceaux l-adiques.

Faisceaux lisses. 

Pour X schéma noetherien connexe, la catégorie des faisceaux l-adiques lisses sur X est équivalente à celle des représentations continues du groupe fondamental de X dans des Ql espaces vectoriels.

Faisceaux l-adiques constructibles.

Pour (p:X->S) schéma quasi-projectif plat sur un schéma intègre S, on définit les faisceaux de cohomologie l-adique sur S comme limite projective de faisceaux étales (avec des coefficients de torsion).

Théorèmes : ces faisceaux sont constructibles. Si (p:X->S) est projective lisse, ces faisceaux sont lisses. 

Formule des points fixes de Grothendieck-Lefschetz. Élément de Frobenius, générateur du groupe de Galois du corps associé à un point fermé de S.

Théorème : la somme alternée des traces des éléments de Frobenius est indépendante de l.

Chaque l premier engendre une théorie cohomologique qui répond à la question de Weil.

"Définition de travail" visant, grâce aux représentations l-adiques géométriques, à unifier les théories cohomologiques pour tous les l (ce que suggère de faire le théorème sur la somme des traces).

Remarque : une condition nécessaire pour être géométrique.

[§5] La question de l'indépendance de l.

Plusieurs conjectures et questions fondamentales ouvertes à propos de l'équivalence entre catégories de représentations géométriques pour deux nombres premiers différents. Cas des représentations irréductibles ou semi-simples. Conjecture de Fontaine-Mazur dans le cas des corps de nombre, etc...

Les invariants numériques suggèrent qu'il y a une structure à découvrir, en l'absence de laquelle on se trouve dans une situation "déplaisante".

Problème : associer à un groupe pro-fini une catégorie Q-linéaire factorisant les foncteurs de cohomologie l-adique (théorie des motifs). 

La piste des topos classifiants : la théorie (formelle) des représentations l-adiques du groupe devrait être formulable au premier ordre. Cas des représentations semi-simples géométriques. Finalement, la question serait d'établir que ces possibles topos classifiants des représentations l-adiques semi-simples géométriques associés aux différents nombres premiers l seraient équivalents, ce que Laurent Lafforgue conjecture ici.

Deuxième partie : représentations automorphes.

Introduction de la deuxième partie : indépendance de l et théorie des représentations automorphes

[§6] Corps globaux et adèles. 

Ensemble dénombrable des places associées à un corps global F (normes ultra-métriques et normes archimédiennes).

Complétion Fx de F pour une place x : si x est une norme ultra-métrique, le quotient de la boule unité fermée Ox par la boule ouverte est un corps fini; si x est une norme archimédienne,   Fx est R ou C (=> F est un corps de nombre).

Définition de l'anneau AF des adèles de F. Plongement de F dans  AF. 

Propriété : le produit des normes d'un élément non nul de F est égal à 1. 

[§7] Représentations irréductibles automorphes du groupe linéaire (*) GLr( AF.).

Définition.

(*) Plus généralement, dans ses notes, L. Lafforgue considère la représentation des groupes réductifs.

Toute représentation automorphe irréductible de  GLr( AF.) s'écrit comme produit tensoriel de représentations des GLr(Fx).

Ces dernières sont presque toutes non ramifiées (existence de vecteurs invariants par les matrices à coefficients entiers). 

Stabilité pour l'action de l'algèbre (de convolution) de Hecke sphérique. 

Théorème de Satake. 

Caractères. Description des représentations non ramifiées de GLr(Fx) par les familles de r nombres complexes (modulo les permutations).

"Énorme famille" de paramètres numériques associée à chaque représentation automorphes de  GLr( AF.). Cette famille caractérise la représentation dans le cas "atomique" des représentations cuspidales.

[§8] La correspondance de Langlands : une relation surprenante entre représentations l-adiques et représentations automorphes.

Conclusion : de solides raisons de s'engager sur la piste des topos.

On devrait pouvoir définir un topos classifiant des représentations l-adiques semi-simples géométriques de rang r.

Il y a la difficulté que la théorie des fonctions automorphes est a priori d'ordre 2, mais également de solides raisons de penser que les représentations automorphes devraient pouvoir être classifiées par un topos de Grothendieck.

Questions

Le cas r=1. Isomorphisme du corps de classes.

Dualité algèbre/topologie. Représentations à coefficients dans un topos.

Références (en ligne)

Textes de Laurent Lafforgue 

"L'indépendance de l de la cohomologie l-adique et la correspondance de Langlands sont-elles des équivalences de Morita entre topos classifiants ?" (notes de l'exposé du 27 février 2013 au séminaire CLE, Paris 7)

"La théorie de Caramello : un cadre en construction pour des correspondances du type de celle de Langlands  ?" (IHES, 14 février 2013)

Introduction à la théorie des fonctions automorphes et au principe de fonctorialité de Langands (2012) 

Textes d'Olivia Caramello

Articles et pré-publications d'O. Caramello : 640 pages disponibles sur son site et sur Arxiv.

Voir ici les vidéos de son cours de janvier 2013 à Paris 7, en particulier le cours d'introduction aux topos classifiants du 15 janvier 2013.

SGA

Revêtements étales et groupe fondamental (SGA 1), dirigé par A. Grothendieck (1960-1961)

Théorie des topos et cohomologie étale des schémas (SGA 4), dirigé par A. Grothendieck (1963-1964)

exposés 1 à 4 (tome 1)

exposés 5 à 8 (tome 2)

exposés 9 à 19 (tome 3, par erreur intitulé "tome 1") 

(à propos de l'édition de SGA 4, voir cette page).

Autres textes...

 (selon le choix totalement subjectif et assumé tel du webmaster)

Sur la conjecture de Langlands

"Introduction à la fonctorialité de Langlands", par Jean-Pierre Labesse 

朗蘭茲綱領, 维基百科,自由的百科全书

תוכנית לנגלנדס

Sur les topos et la cohomologie étale

Histoire, mises en perspective

"petite histoire des conjecture de Weil", in Grothendieck et les topos, thèse de Mathieu Bélanger (2010)

"Grothendieck et la cohomologie étale", par Luc Illusie

Quelques idées maîtresses de l'oeuvre d'Alexandre Grothendieck, par Pierre Deligne (1998)