Sujet

Le personnage qui subit, celui qui est à subir, et ce qui constitue le thème, voire le motif d’une activité.

Étymologie de sujet

Le "sujet", celui qui dépends, est ‘littéralement’ celui qui est "établi dessous"(du latin sub- jacere), ou "subjectus", celui qui est sous l'autorité et par là, soumis.

Si l'infinitif du verbe "jacere" latin a le sens de jeter, il désigne aussi ce qui est établi, installé, érigé. Le "sujet" est issu du latin subjectum qui est le participe de "subjicio" [1] et ce même latin subjicio est composé de "sub" (sous) et du verbe latin jacio (jeter).

[En Latin il existe deux infinitifs "jacere":

1- L'un venant de "jaceo" signifiant être étendu, être couché, être stagnant
2- L'autre venant du latin "jacio" jeter, envoyer, semer]

Le latin "subjicio"[2]signifie lui, "Jeter" ou "mettre sous", "jeter de bas en haut" et "mettre à la place de"..., "ajouter".

Pour les latins "subjacere [3]", est "être situé dessous, dépendre de…"

En Grec le sujet, celui qui est tributaire, est "upekhos" venant du verbe "upekho"("ὑπέχω " [4]) et "upekoos" (En Grec "upékoos" "ὑπήκοος ") [5] est celui qui est obéissant, docile, capable de s'humilier voire être soumis par conviction [6]. A Athènes ces "Upékoos [7]" étaient les villes dépendantes des villes "autonomoi" ("αυτόνομοι "), villes qui se régissent par leurs propres lois.

Cette notion de dépendance se retrouve dans le Sankrit "upasarjana" qui désigne un acte de dépendance, une imposition, ou "upasarga" qui sésigne un malheur, un assujettissement, à rapporter au mot sanskrit "upasrjati"[8] signifiant soumettre, faire subir.

L'autre sens du "sujet", (le motif, l'objet) vient du latin "subjectus [9]", "ce qui est soumis aux sens", "soumis à la vue", "exposé", "livré".

En ce sens le sujet ou le thème en grec est "upothésis" ("ὑπόθεσις " ce que l’on met dessous, base, fondement [10]) ou encore, plus couramment le "logos".

[Au moyen âge], le rapport qui survit à l'affranchissement n'est pas celui de patron à l'affranchi, mais celui de seigneur justicier à "sujet" [11] et celui de propriétaire à tenancier.

Extrait des ordonnances du roi Henri VI d'Angleterre pour la réforme des abus en Normandie (31 janvier 1433): [12]

"…extorquer de eux grans et indues sommes pour deffaulx et aultrement ;
prendre nos povres
"subgiés" et les battre et les justicier à leur voulenté,
en les mettant en prisons fermées, etc. En conséquence, le régent…
"

En ce sens le "subgié" est celui qui est sous le joug…et assujetti.

Le fait de "Subir" est emprunté au latin. "subire", (sub-ire, "aller sous"[13]), qui au figuré signifie "se charger de", "supporter", "subir", "supporter une peine", "supporter un outrage"

Pour Quintilien [14] le "cognituram maledicendi subire", est " accepter le rôle de diffamateur", et "subir une peine"est en latin le "poenam subire"…

Pour Cicéron dans "les dialogues de l'orateur" [15]:

Senatum servire populo, cui populus ipse moderandi
et regendi sui potestatem, quasi quasdam habenas tradidisset ?
[Le Senat, à qui le peuple a remis le pouvoir de diriger, doit-il être
assujeti à ce même peuple?
[16]]

Le "sujet", "assujetti", celui qui subit.

Au moyen âge le système des "patronat" latin n'a plus raison d'être [17], car la transition entre le servitude et la liberté n'a pas besoin d'être ménagée là où, d'une part le lien se relâche et où d'autre part la population libre est tenue dans un rapport d'étroite sujétion.

Aussi voyons nous, dès les premiers siècles du moyen âge, le patronat romain remplacé par le "mundeburdium", pouvoir qui s'étend sur les hommes libre de naissance et, le langage du droit se modifiant, l'affranchissement est appelé "ingenuitas".

Etienne de La Boétie (1548) "De la servitude volontaire":

« Il n'est pas croyable [18], comme le peuple, deslors qu'il est assujetty,
tombe soudain en un tel profond oubly de la franchise,
qu'il n'est pas possible qu'il s'eveille pour la r'avoir,
servant si franchement, et tant volontiers, qu'on diroit à le voir,
qu'il a, non pas perdu sa liberté, mais sa servitude
. » [19]

« Il n’est pas croiable, comme le peuple, des lors qu’il est assujetti,
tombe si soudain en un tel et si profond oubly de la franchise,
qu’il n’est pas possible qu’il se resveille pour la ravoir,
servant si franchement et tant volontiers, qu’on diroit a le voir,
qu’il a non pas perdu sa liberté, mais gaigné sa
servitude. » [20]

Une version modernisée de ce passage est :

« Il n’est pas croyable que le peuple, dès lors qu’il est assujetti,
tombe soudain en un si profond oubli de l’indépendance
[21]
qu’il ne pourra plus se réveiller pour la reconquérir :
il sert alors avec une telle indépendance et si volontiers qu’on dirait,
à le voir, non pas qu’il a perdu sa liberté, mais qu’il a gagné sa
servitude. [22]»

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(29 juillet 2010, 11 Janvier 2011, 31 mars, 25 mai 2012, 21 mai 2020, 24 juillet, 09 septembre ; 06 mai 2021 ; 16 sept 2022)
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Notes et références :

[1] Dictionnaire Latin Français Félix Gaffiot. Librairie Hachette, 1958. Page 1493 colonne II : subjicio

[2] Felix Gaffiot ibid, page 1493 colonnes II et III : Subjectum, subjectus

[3] Félix Gaffiotibidem, page 1493 colonne I Subjaceo : subjacere, être couché dessous, être soumis,
être subordonné à…

[4] Anatole Bailly, dictionnaire Grec Français, Hachette seizième édition 1950, page 2011
colonne III υπεχω: tenir sous, placer sous

[5] Anatole Bailly, ibid, page 2012 colonne I. A Athènes les sujets étaient : "oi upékooi", les soumis.
[6] Philippiens 2.8 : "υπήκοος μέχρι θανάτου", obéissant jusqu'à la mort

[7] Du grec "upocheirios" (ou upo-chérios "υποχειριος") signifiant "tributaire", litteralement "celui qui
est sous le pouvoir de la main de". Du grec "cheirios" ("χειριος") qui est "entre les mains de",
venant du mot grec "cheir" ("χειρ") la main.

[8] Dictionnaire Sanskrit Français Huet, 2005, page 73 colonne II.

[9] Le supin latin de "subjicio", "subjectum", signifie conduire auprès de, soumettre

[10] Anatole Bailly, dictionnaire Grec Français, Hachette seizième édition 1950, page 2021,
colonne I, ὑπόθεσις [upothesis] ce que l’on met dessous, base d’un raisonnement, pensée fondamentale,
ce que l’on soumet aux autres, dessein.

[11] Gabriel Demante. Observations sur les actes d'affranchissement du cartulaire de Notre-Dame de Paris.
In : Bibliothèque de l'école des chartes. 1855, tome 16. pp. 36-42.

[12] L'émigration normande et colonisation en Normandie, Léon Puiseux, page 50. Edition 1866

[13] Félix Gaffiot page 1491, colonne II Subeon subire, aller sous, aller en s'approchant de bas en haut,
venir en remplacement

[14] M. Fabii Quinctiliani De institutione oratoria libri duodecim

[15] Œuvres complètes de Cicéron: Dialogues de l'orateur. Par Marcus Tullius Cicero, adressés à Quintus
frère de Cicéron . Paris F Fournier rue Poupée 1816. Traduction de J B Levée, tome II Page 504.

[16] Cette traduction de J. B. Levée peut être comparée à celle proposée par François Andrieux.
Panckoucke (Chez Panckroucke 1830, Page 172) Voir "Populisme".

[17] Gabriel Demante. Observations sur les actes d'affranchissement du cartulaire de Notre-Dame de Paris.
In: Bibliothèque de l'école des chartes. 1855, tome 16. pp. 36-42.

[18] Etienne de La Boetie, De la servitude volontaire ou le contr'un (1548) publié avec les notes de
monsieur Coste et préface de Félicité Robert de la Mennais. Paul Daubrée et Cailleux,
Paris 1835 (page 89)

[19] Œuvres Complètes de Félicité Robert de la Mennais. Bruxelles, Société Belge de Librairie Human
et Compagnie, 1839. Tome Deuxième ; page 694, colonne 1.

[20] De la servitude volontaire ou Le Contr’un. suivi de sa réfutation par Henri de Mesmes.
Edition et présentation de Nadia Gontarbert. Collection Tel Gallimard, 1993. Impression 2014.
Page 95.

[21] Etienne de la Boétie. Discours de la servitude volontaire, suivi de « de la liberté des anciens
comparée à celle des modernes … » . Librio, texte intégral. Editions j’ai lu, août 2013. Page 19
et si profond oubli de la
franchise… »

[22] Etienne de la Boétie. Discours de la servitude volontaire, suivi de « de la liberté des anciens comparée
à celle des modernes … » Version modernisée par Romain Enriquez. Librio texte intégral.
Edition E.J.L. 2018. Page 21