Respect
Pour le dictionnaire Furetière , "respect" signifie "déférence", "honneur", "soummission", "considération", "égard"…
Le Littré nous donne pour respect : "considération" "motif" au sens vieilli et "égard", "relation", "rapport"[1].
Et Corneille donne un usage du mot "respect" dans la bouche de Léonor dans l'Acte 1 du Cid :
"Pardonnez-moi, madame, Si je sors du respect pour blâmer cette flamme"[2]
Étymologie de "respect"
Vient du latin "respectus"[3] qui est le participe passé du verbe "respicio" d'infinitif "respicere"[4] "signifiant se retourner, au sens de "avoir égard", prendre une situation en considération.
Le latin "respicere" est composé de "re" et "specio",
- "Re" est le préfix latin "re"[5] signifie "refaire", "faire une nouvelle fois", et "en arrière"
- "specio [6]" (ou spicio) est le verbe latin signifiant "regarder". Isssu du mot grec "skeptomai" ("ςκεπτομαι" [7]) signifiant voir, examiner, mais employé aussi en parlant de l'eprit[8].
Ces mots sont issus de la racine Proto Indo Européenne "spek"[9] (observer) qui donnera par variante "skeptomai" en grec et "specio" en latin au sens de "regarder attentivement", "examiner", "méditer", et par là "se préoccuper", mot lui même issu du sanskrit "pasyati" et de l'Avestique "spasyeiti" signifiant "voir".
Le respect : la redevence et l'égard
Le mot "respect" a le sens de "redevance" [10] vers l'an 1374 :
"Sur ce que nous evesque disions de notre droit [11] a nous appartenir un droit que
l'on dit le "respect" de S. Firmin, qui est tel que chascun bourgeois et bourgeoise de
la dite ville nous doit chascun an trois deniers parisis…"[12]
Ce même texte est repris en l'an 1390, en ces termes par l'évèque constatant n'avoir rien perdu de ce droit qui perdure :
"Sur ce que nous, évesque, disions de notre droit à nous appartenir un droit que l'on dit de "respit"
de S.Fremin qui est tel que chacun bourgeois et bourgeoise de la dite ville nous doit chacun an
trois deniers parisis…" [13]
Pour Michel de Montaigne dans les essais [14] "respect" a le sens d'égard, et de rpise en considération :
"Mais ayant respect et à l'interest universel de la cité, et à cettuy de votre maison,
j'establiray des loys, et freray sentir comme de raison, que la commodité particulière
doibt céder à la commune."
Ce passage, lu par Victor Thiéry, donne :
"Mais, ayant égard et à l'intérêt universel de la cité et à celui de votre maison,
j'établirai des lois et ferai sentir que la convenance particulière doit céder à la commune."[15]
Pour Gustave Flaubert dans "l'éducation sentimentale" [16]:
"Puis, n'ayant rien découvert, malgré les perquisitions les plus fines, elle avait été saisie
de respect, et bientôt d'amour, pour ce garçon, si loyal, si doux, si héroïque et si fort !"
Pour Guillaume Du Bellay, le respect induit la déférence plutôt que l'affection :
"Or ce respect icy sera plutôt la force, que l'amour qu'ils porteront a leur dict Général, a cause
que l'on a communément moins d'esgard a offenser une personne qui se faict aimer, que celluy
qui se fait craindre…" [17]
"Tenir en respect" ? Je m'incline devant celui qui me tient:
Le "respect", et plus articulièrement "tenir en respect" a le sens de la "sujetion de l'autre", pour Halicarnasse (Historien Grec, né durant le 1er siècle av. J.-C.) :
"Il leur parut que s'ils s'en rendoient maîtres par une bonne garnison, il leur serviroit
comme de place d'armes pour tenir en respect ceux qui voudroient remuer, et que la
famine dans Rome etoit affligée, diminuëroit de beaucoup s'ils la déchargeoient
d'une partie du peuple"[18]
Respecter
Respecter[19] signifie "éprouver du respect pour…" Donc de la "considération pour" et avoir une conduyite en rapport avec sa condition.
Le mot respect contient ainsi la notion "d'avoir une conduite de manière à conserver l'estime de soi", et par là de sa propre condition, voire subséquemment reconnaître une relation proche de celle se suzerain et vassal.
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(12 mai 2011; 1er mai 2021, 22 sept 2022)
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Notes et références :
[1] Dictionnaire Emile Littré. Edition de la fontaine au Roi. Paris 1998. Page 1027, colonne I.
[2] Pierre Corneille. Le Cid. Acte 1 scène 2 : Léonor et l'Infante. (Cité dans le dictionnaire Littré,
définition de respect.)
[3] Dictionnaire Latin Français Félix Gaffiot. Page 1352, colonne II.
[4] Dictionnaire FélixGaffiot, ibid, page 1352, colonne III
[5] Dictionnaire Felix Gaffiot, ibid page 1316 colonne II.
[6] Dictionnaire Felix Gaffiot ibid page 1463 colonne III
[7] Dictionnaire anatole Bailly, page 1757 colonne II-colonne II :
[8] Dictionnaire Chantraine. Editions Klincksieck Paris 1968. Page 1014, colonne II
[9] A grammar of modern Indo-European. Carlos Quiles, Fernando Lopez-Menchero.
Imprimé par "Indo European Language association 2007.
Page 710 : Racine PIE spekjo, -> latin Specio, -> grec Skeptomai, -> Sanskrit (s)pasyati, spasyeiti.
[10] Dictionnaire Godefroy volume VII page 110 colonne II: skeptomai ("ςκεπτομαι") examiner, imaginer
en réflechissant, dire des choses réfléchies.
[11] Les Olims ou registres des arrets rendus par la cour du roi sous les règnes de Saint Louis,
Philippe le Hardi, Philippe le Bel, Louis le Hutin et de Philippe le long. Par le Comte Beugnot.
Paris imprimerie Nationales 1839. Tome I Page 645. Arret de Louis IX en 1266 :
"Quod sum facerent major et jurati predicti, accedens episcopus Ambianensis ad dominum regem,
ex hoc conquestus fuit, esserens ipsam constumam, quam vocabat malam-toltam,
in prejudicum ecclesie sue, et in elusionem libertatis in favorem ecclesie date, que dicitur
respectus Sancti-Firmini, concessam fuisse…"
[12] Cartulaire de l'evéché d'Amiens 1374 Respectus 3)
[13] Cité dans le dictionnaire de la langue Françoise de Curne de Sainte Palaye, tome IX, page 189 colonne I.
[14] Essais de Michel De Montaigne. Paris chez Jean Servière 1793. Tome Second. livre II, page 105.
[15] Essais de Montaigne. Traduction de Victor Thiéry 1896
[16] L'education sentimentale. Gustave Flaubert. Michel Lévy Frères 1870. Tome II page 275-276.
[17] Instruction dur le fait de guerre. Guillaume Du Bellay. A Paris, chez Michel Vascofan 1548.
Tiers livre de la discipline militaire. Page 107.
[18] Les antiquité romaines de Denys d'Halicarnasse. Paris Philippe-Nicolas Lottin, 1723. Tome II.
Page 134
[19] Dictionnaire encyclopédique universel. Hachette Spadem juin 2011 1998. Page 1096 colonne III