Accélérer

A le sens d’augmenter la vitesse, de rendre plus rapide une action [1].

Etymologie de « accélérer » :

Nous vient du latin « celer » et du mot latin composé « Acceleres », du Grec keles (κέλης [2]) qui désigne le cheval de course, un bateau rapide…

Le grec Kéllô (κέλλω [3]) nous est issu du sanskrit « kalāyati » [4] au sens de pousser… faire croître un troupeau, et porter devant soi [5].

Cette source « Kala », empreint au sens de ce mot une contrainte, avec un coté rapide, diligent, prompt. [6] et au sens de guider, élever (un troupeau) , soigner (des animaux)

Le grec « Kelomai » (κέλομαι [7]) donnera le Gothique « haldan », l’Anglais moderne « Hold » [8] au sens d’élever du bétail, soigner le troupeau, le nourrir ; puis le saxon et l’allemand « holen » et « healdan » au sens de « Behold  [9]», garder à l’œil.

Le latin Cělox désigne, lui, le vaisseau léger, comme le grec Kélès, le vaisseau rapide [10], Cf Cěler, celěritas [11].

Les « celeres » latins ou les ‘prompts’ exécutants

Le Latin « accelere » est un mot composé du préfixe « ac » et de « celere » [12], ce préfixe latin « ac » ayant le sens de « atque » (ajoutant par là, un second terme qui renchérit).

Depuis le « celero » latin, les « celeres » désignent les chevaliers, ceux qui sont prompt à exécuter les ordres…

Festus et Pline disent expressément que ceux qu’on appelait Chevaliers, de leur temps, avaient d’abord été nommés Célères [13]

Le grammairien Sextus Pompeius Festus [14] indique ainsi dans son « De Verborum » [15]

       « Celeres antiqui dixerunt quos nunc Equites dicimus, a Celere, interfectore Remi,
      qui initio a Romulo iis praepositus fuit  ; qui primitus electi fuerunt ex singulis
        curiis deni, idoque omnino trecendi fuere »

      [Les anciens donnèrent ce nom à ceux que nous appellons aujourd’hui chevaliers,
      de Celer, meurtrier de Rémus, qui, dans le principe, fut mis à leur tête par Romulus ;
      ils furent, dans l’origine choisis au nombre de dix par tribus ; ils étaient donc en
        tout trois cents.]

En les faits ces « celeres » sont ceux qui deviendront à Rome, puis plus tard dans le monde occidental,

les chevaliers, défendeurs du roi [Voir le mot Chevalier et Caballeros].

     « les Celeres étaient un corps de régiment de la garde des rois Romains, établi par
        Romulus, & composé de trois cent jeunes gens ». [16]

L’Etruscologue Dominique Briquel en pointe la provenance [17]:

       En les faits « plusieurs auteurs pensent que les chevaliers étaient les successeurs
      de Célèbes choisis par Romulus /…/ et qui tirèrent leur nom de celui de leur Chef,
      Céler, ou peut être, de la célérité avec laquelle ces vigoureurs jeunes gens exécutaient
      les ordres du roi qu’ils accompagnaient partout.

Les « celer » étaient prompts et de grande diligence

En les faits le nom des « celeres », ces chevaliers, est emprunté à la légende de ce
Romain, entraîneur de gladiateurs, nommé Quintus Métellus :

        « Ce nom vient de Celer, prompt, vite ; & et il leur fut donné ou à raison de leur
        promptitude à obéir au Roi, ou à caufe que leur premier Chef s’appella Celer,
        ou d'un autre compagnon de Romulus, & qui lui fut d’un grand fecours dans
        le combat contre Remus, & qui tua ce prince. » [18]

Plutarque expose Quintus Métellus qui reçoit le surnom de « Celer », dans son chapitre Thésée Romulus.

         « [2]… Alors, frappé, selon certains, par Romulus, ou, suivant s’autres par Céler, un de ses
          compagnons, il tomba mort à cet endroit. Faustulus périt aussi dans cette rixe, ainsi que son
          frère Plistinus qui l’avait ; dit-on, aidé à éléver Romulus et Rémus. [3]. Céler partit en Étrurie :
          c’est à cause de lui que les Romains appellent celeres les gens rapides et vifs.
          Quintus Métellus qui à la mort de son père, organisa un combat de gladiateurs en quelques
          jours seulement, reçut ainsi ce surnom de Céler, à cause de l’étonnement suscité par la
          rapidité des préparatifs.»   [19]

En les faits Plutarque réitère le pourquoi des surnoms romains, dans
les « vies Parallèles », dont ce propos sur « Celer » dans le chapître XI.4 [20]
Alcibiade Coriolan:

          [4] [21]…Un autre membre de la même famille reçut le nom de Céler [« rapide »], parce que peu
          de jours après la mort de son père, il parvint à donner en l’honneur du défunt des jeux de
          gladiateurs : la célérité et la diligence des préparatifs suscitèrent l’admiration.

Accéler : de la ‘promptitude’ à agir, au ‘mouvement’ augmenté

Accelérer possède de nos jours un sens double à la signification :

      1 - d’augmenter la vitesse d’un véhicule ou le rythme d’un organe,[22]
      2 - de rendre plus rapide une action commencée

« Accelérer » : le sens de ce mot évolue de la promptitude au mouvement augmenté :

Emile Littré dans sa traduction de l’histoire naturelle de Pline  traduit le latin celeritate par accélérer.

     « Ipsius qua tardior fluit, Diglito :
      unde concitatur,a celeritate Tigris incipit vocari.
      Ita appellant Medi sagittam » [23]

      [Tant qu’il coule avec lenteur, il s'appelle Diglito ;
      on ne commence à l’appeler Tigre que quand son cours s’accèlère :
      c’est le nom que les Mèdes donnent à la flèche]

Au XVIIe siècle cette évolution de sens, de la promptitude au mouvement est indiquée dans le dictionnaire Fabre [24]:

     « Ce mot [accéléré], ne subsiste plus que pour désigner un mouvement augmenté.
    On l’employoit autrefois pour désigner en général un mouvement prompt. »

Au XVIIIe siècle, Rousseau dans le contrat social [25] l’utilise au sens de rendre plus rapide [26]:

      « Je sais que Cicéron blâme ce changement & lui attribue en partie la ruine de la
      République. Mais quoique je fente le poids que doit avoir ici l’autorité de
      Cicéron, Je ne puis être de fon avis. Je penfe au contraire, que pour n’avoir pas
      fait affez de changements femblables on accéléra la perte de l’Etat » [27]

Et :

      « L’énorme pouvoir des Éphores qui fut fans danger tant que Sparte
      conferva fes mœurs, en accéléra la corruption commencée. » [28]

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(23 juillet,  09 septembre 2020 ; 21 avril 2021; 25 sept. 2022)
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[1]      Le Dictionnaire Érudit de la langue Française, Larousse 1979. Édition 2014. Page 12 colonne II.

[2]      Leiden Indo-Européan Etymological Dictionary Series. Etmological Dictionary of Latin and the
            other Italic Langages.  Michel de Vaan. Edited by Alexander Lubotsky. Brill Leiden 2008. Volume 7. Page 104 

[3]      Pierre Chantraine Tome II page 513 colonne II

[4]      Dictionnaire Sanskrit Français. Nadine Stchoupak, Luigia Nitti et Louis Renou.

            Paris 1959, Adrien Maisonneuve. page 181 colonne II

[5]      The Oxford Introduction to Proto-Indo-European and the proto-Indo-European World. Page 405
            Table 22.8 Activities. Convey . «  *kel drive, Latin Celer, Greek Kello, Sanskrit Kalayati »

[6]      Dictionnaire de la création Lexicale (la motivation phonémique à l’origine du langage). Pierre Marlange
            ISNN 2114-9011.Page 131.

[7]      Dictionnaire Grec Français Anatole Bailly. Librairie Hachette. Paris 1950, page 1077 colonne I. Pousser
          contraindre, invoquer.

[8]      The Oxford introduction to Proto-Indo-European and the Proto-Indo-European World. James Patrick.

            Mallory and Douglas Quentin Adams ; Oxford University Press, 2006.Page 406 , 22 Avtivities : Convey.

[9]      Source Merriem Webster's,1949, New collegiate dictionary based on New international dictionary
          second édition 1945, page 79, colonne I.

[10]     Dictionnaire etymologique de la langue Grecque. Pierre Chantraine. Paris Klincksieck, 1974. Page 513, colonne II.

[11]     Les origines Indo-Européennes ou les Aryas Primitifs. Essai de paléontlogie linguistique par Adolphe Pictet -

             Seconde partie - Paris 1863, Joël Cherbuliez, libraire, 10 rue de la monnaie. Même maison à Genève.

             La navigation, le bateau Page 181.

[12]     Dictionnaire Latin Français, Félix Gaffiot page 180 colonne III

[13]     Notices sur Rome, les noms Romains et les dignités mentionnées dans les légendes des monnaies
            impériales Romaines.  Abbé J. Marchant. Paris Rollin et Feuardent, 1869.Page 68.

[14]     Sextus Pompeius Festus Grammairien Romain, IIe siècle de notre ère. Auteur du De Verborum Significatione.

[15]      Sextus Pompeius Festus De la signification des mots. Traduit pour la première fois par M. Auguste  Savagner.

             Paris 1846, C.L.F. Panckoucke, éditeur. (De Verborum Significatione) III page 91-92

[16]     Dictionnaire universel François et Latin. Vulgairement appellé Dictionnaire de Trevoux. Tome premier.Paris 1746.

             Tome Premier.  Page 1833, colonne I

[17]     Revue de l’histoire des réligions. Presses Universitaires de France. Avril 1976. Tome 189. Dominique Briquel.

             La triple fondation de Rome Page 161. « Celer qui aurait été le véritable  meutrier de Rémus… ».

[18]     Ibidem. Dictionnaire universel François et Latin. Page 1833.

[19]     Plutarque, Vies Parallèles. Traduction d’Anne-Marie Ozanam. Quarto Gallimard 2001. Edition 2014.

             Chapitre Thésée Romulus : paragraphe X.1 Pages 97-98

[20]     Ibidem Nota Plutarque, Vies Parallèles. Le renvoi page 98 indique cf. Coriolan XI. 4.
            Il S’agit là d’un renvoi vers Celer plutôt que vers Metellus, page 433.

[21]     Ibidem. Plutarque, Vies Parallèles. Page 433 Coriolan XI.4.

[22]     Dictionnaire érudit de la langue Française, Larousse 1979. Edition 2014. Page 12, colonne II.

[23]     Histoire naturelle de Pline avec la traduction en Français de Emile Littré. Tome Premier. A Paris, 1848,
            chez J.J. Dubochet, Le Chevalier et Comp. Livre VI. Paragraphe XXXI. Page 260 colonne II.

[24]     Dictionnaire historique de l’ancien langage François depuis son origine jusqu'à Louis XIV.
            Jean Baptiste de La Curne de  Sainte Palaye . Publié par Louis Favre et Léon Pajot. Imprimé à Niort chez
            Léopold Favre. Tome 1, A-Ao. Page 39 colonne I.

[25]     Collection complète des œuvres de J.J. Rousseau, Citoyen de Geneve. Geneve, 1782. Tome Second.
            Du contrat Social.

[26]     Dictionnaire de la langue Française de Emile Littré. Abrégé par Amédée Beaujean. Editions Universitaires 1963.

             Page 21 colonne II

[27]     Ibidem Chapitre IV Des Comices Romains, page 210.

[28]     Ibidem Chapitre V, Du Tribunat. Page 214