Sinus

Un "sinus" est :

- une poche ou une cavité : Les "sinus nasaux" sont des cavités bilatérales se situant dans les os du visage... , et le sinus Gallicus est un ancien nom du golfe du Lion.

- une expression rendant compte de l'amplitude ou l'expansion d'un objet comme par exemple la courbure d'un arc pour lancer une flèche, l'élévation d'un mamelon ou l’éminence d'une colline.

Le premier livre faisant référence au "sinus" comme fonction d'un angle en géométrie est le "Aryaghatiya"de "Aryabhata " rédigé vers l'an 510 apr. J.-C , considéré comme le plus agé des traités Indous de mathématiques pures.

Étymologie de sinus

Le mot "sinus" en latin désigne un petit golfe [1], une baie et désigne également le "sein".
Ce mot est issu du sanskrit "jina", désignant un arc, au sens de "courber".
Le "sine" en Persan est la poitrine
[2] .

Le sinus latin correspond lui, au grec "kolpos" ("κόλπος"[3]: le sein ou la courbe d’une anse marine) ou encore au "Stethos" ("στῆθος " [4], la poitrine).

Le "kolpos" un vètement plissé différent de l'apoptygma qui lui, est une sorte de "péplos" (πέπλος : tunique ) . Un "apoptugma" ou "apoptygma" (ἀπόπτυγμα ) est un vétement grec ample ayant un rabat et pourvu de plis [5]. Son nom vient du verbe grec "ptusso" (πτύσσω [6]) plier, recourber.

Sinus : Le "sein" de Tartuffe

"Mon sein n'enferme point un cœur qui soit de pierre" [7]

Et plus avant, de Tartuffe à Dorine [8]:

Couvrez ce sein, que je ne saurois voir.
Par de pareils objects les âmes sont blessées,
Et cela fait venir de coupables pensées.

Le "sinus" latin : le golfe

En latin le "Sinus Gallicus"[9] est le "Golfe du Lion" que l'on nommait au moyen age le "sinus Leonis" et qui pour d'Alembert devrait être nommé "Golfe de France" dans l'encyclopédie méthodique et de géographie de Monsieur Desmaret (planche 48)

Au XXe siècle avant J.-C., on note une présence humaine dans le "sinus sambracitanus" qui de nos jours correspond à la rade de port Grimaud et Saint Tropez ("Golfe de Sambratie", ou "Golfe Sambracitain")

Pour les grecs le "sinus saronicus [10]" était le golfe du Pirée ou "Piraeus" [11] ("Πειραιεύς ")

Le thorax de l'homme sain : Le sinus le giron et la poitrine

Le sanskrit "uru", une des sources de Europe, signifie "large", et le mot "uras"[12] est la poitrine correspondant au sens du mot "sine" ou "sinus" en Avestique.

Et le grec "eurus" signifie large :

Celui qui a une forte poitrine, qui a un buste fort, qui respire la santé,
celui qui est, par là, élégant, voire, aux épaules carrées.

Ludwig Döderlein, décrit le "grémium" latin comme étant le "sinus", le giron, entre la ceinture et les genoux d'une personne assise et au figuré le symbolique de la sollicitude maternelle [13].

Il y cite Cicéron :

"Aetolia … in situ pasis posita medio fere Graeciae gremio contenitur" :

[ L'Etolie, située au sein de la paix ne s'étend pas hors du giron de la Grèce.]

Le "sinus" latin correspond au sein de la mère ou de la nourrice, au pli d'un vètement, à une cavité, une vallée profonde, et décrit une sinuosité du littoral d'où le mot "golfe" [14].

Illustration 19: La baie des anges à Nice (déc. 2009)

La trigonométrie, la circonférence et le sinus

Cité par Amartya Sen [15] "Jya Ardha" ou "ardha-jya" fait référence à la conférence de Ramesh Gangolli "Asian Contribution to mathematics" [16]

Le premier livre faisant référence au "sinus" comme fonction d'un angle est le Aryaghatiya de Aryabhata vers l'an 510 de notre ére , considéré comme le plus agé des traités Indous de mathématiques puress [17]

Entre 476 et 550 apr. J.-C , en géométrie la demi-corde ou sinus est ainsi introduite par l'indien Aryabhata et sera ensuite adoptée par Al-Khwarizmi, un peu plus tard, au 9 eme siècle.

Gérard de Crémone (XIIe siècle) assimile les mots "jîba" avec "jaîb", signifiant cavité ou poche, et les traduit en latin par sinus..

Le "cosinus" en mathématiques ne sera défini et utilisé que beaucoup plus tard par l'anglais Edmond Günter. Et, outre Manche, notre "théoème de Pythagore généralisé", devient ainsi le "Cosine Rule" [18] ou "Law of Cosines".

Les fonctions trigonométriques datent de -2000 et les Babyloniens savaient déterminer les mesures d'angles ou des côtés des triangles rectangles, comme le montre la tablette cunéiforme, dite Plimpton 322 (datée de -1900 av. J.-C.) qui montre des séries de nombres suivant le futur théorème de Pythagore.

Toutefois il semblerait que les Grecs n'aient pas vraiment été saisis des richesses des sinus et de ses applications hors topographie.

Plutôt que s'intéresser à la courbure de l'arc comme le firent les hindous. Les Grecs se sont contentés d'étudier la corde qui propulse la fléche, d'en développer le modèle et l'appliquer au mieux pour les études topographiques d'abord avec Thales de Milet puis avec Pythagore.

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(19/04/2010, 12 sept 2010, 21 nov 2010, 21 mai 2011 ; 06 mai 2021 ; 16 sept. 2022)

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Notes et références :

[1] Nouveau dictionnaire Français Latin par François-Joseph-Michel Noël. Paris Lenormant 1824. Page 122

[2] Dictionnaire Persan-francais. Par Jean J. Desmaisons. Colonne II.

[3] Anatole Bailly ibid, page 1115, colonne I κολπος : sein, sein de la nourrice, ventre, entrailles,
repli ou enfoncement de la mer.

[4] Dictionnaire Alexandre, Planche et Defauconpret. Paris Hachette 1885, page 866, colonne II.

[5] Lexique Graeco-Latinum et Latino-Graecum, volume 1. ¨Gustave Pinzger. Leipzig 1825.
Page 494, colonne II : αποπτυγμα vestis sinuosa et demissa.

[6] Anatole Bailly,ibid, page 1697, colonne III πτυσσω : plier, replier, recourber, s'envelopper de…

[7] Le théâtre Français avec un nouveau commentaire. Panckoucke 1824, Tome Premier.
Le Tartuffe de Molière Acte III Scène III.

[8] Le Tartuffe de Molière Acte III Scène II

[9] "Golfe Gaulois" actuellement le golfe du Lion, sur la cote du langedos Roussillon.

[10] Dictionnaire Persan-francais. Par Jean J. Desmaisons, page 251 colonne II.

[11] F Gaffiot, page 1183 colonneI

[12] Dictionnaire Sanskrit, Gérad Huet page 111

[13] Manuel de synonymie Latine, Louis Doederlein.page 116 Librairie classique de Perisse Frères, 1865.

[14] Anatol Bailly, (Hachette © 2000 , Edition 1962) page 1115 colonne I κολπος : sein, ventre, entrailles,
plis d'un vétement, sinuosité d'un littoral…

[15] Identité et violence , Amartya Sen (prix Nobel d'économie) Odile Jacob, 2007, page 178

[16] Cité par Armaatya Sen dans son ouvrage "Identité et Violence" note chapitre 7 note 4, faisant référence
à Ramesh Gangolli "Asian contribution to mathematics", page 62, note 58 : Professor S. Nomanul Haq
suggests an alternative etymological sketch, which I prefer:
Sanskrit Ardha-jya (half-chord) -> jya (chord) -> Arabic jyb (pocket) -> Latin sinus ->English sine.

[17] Princeton university Press New Jersey 2002, page 35, Trigonometrics delighs.

[18] Le théorème de Pythagore est le "Pythagorean theorem" ou "Pythagoras' theorem"
Et outre manche, le théorème de Thalès y devient le "Aristotle's Theory".