Église

Vers le VIe siècle [1] ce mot remplace, dans la langue courante le mot "basilique" issu du substantif basiliké, (βασιλικὴ [2]) grec, désignant le “trône du roi” au sens du “basiliké stoa” (βασιλικὴ στοά [3]), désignant la "galerie à colonnade " ou "portique" où trônait le roi.

Église désignera, au moyen âge, tant l'édifice que l'assemblée des fidèles.


Étymologie de Église”.


Au sens étymologique « église » signifie "assembler par convocation".

Nous vient du latin ecclesia , issu du grec "ecclesia" ("ἐκκλησία " [4]), assemblée du peuple composée de citoyens, à Athènes.

Ce mot grec "ekklesia" désignait alors une assemblée réunissant les citoyens d’Athènes .



Église : du latin ecclesia et du grec "ek-kleô":


Le mot "ecclésia" latin est issu du grec ekklesia ("ἐκκλησία " [5]) de"ec" ("εκ") et "kaleô" ("καλέω ") désignant les appelés d’une assemblée politique , et de nos jours, tant une église que le corps des fidèles [6] .


Le préfixe grec "εκ" ou "εξ" (qui donnera le préfixe latin "ex" [7]) signifiant “hors de”, et le verbe "kléô" (κλέω) , signifie "vanter, célébrer" et "appeler, nommer" [8].

Le grec "kaléo" (καλέω [9] , du verbe "καλειν") signifie "appeler", "invoquer", "faire appel" . Anatole Bailly le réfère au latin "clamare" et "calare" que Pierre Chantraine donne comme étant de formation différente [10] et cite le sanskrit "usa kal" (le coq qui appelle l'aurore [11], du sanskrit "kal"). Le verbe grec « Kalein » a le sens d’appeler pour faire venir et, également, le sens de désigner [12].


Ainsi dans l’Anabase :

ένταῦθα ήν παρὰ τὴν ὁδὸν κρήνη ἡ Μίδου καλουμένη τοῦ Φρυγῶν βασιλέως

sur la route se trouve une fontaine portant le nom de Midas, le roi des Phrygie… [14]


Thucydide (vers la fin du Ve siécle av. J.-C.) utilise les deux sens de « Kalein » :


1 - rassembler (nommément et ensemble) avec ἐκκλησίαν

2 - désigner (une assemblée, la Pnyx) avec Πύκνα καλουμένην


Ainsi dans “La guerre du Péloponnèse”, livre VIII 97 paragraphe 1 :


ἐπὶ δ᾽ ουν τοις ἠγγελμένοις οἱ Ἀθηναῖοι ναῦς τε εικοσιν ὅμως

επλήρουν καὶ ἐκκλησίαν ξυνέλεγον, μίαν μὲν εὐθὺς τότε πρῶτον ἐς τὴν

Πύκνα καλουμένην [15]


[Quoi qu’il en soit , à la suite de ces nouvelles, les Athéniens entreprirent
d’équiper malgré tout vingt navires et
réunirent l’assemblée ; ils tinrent
immédiatement une séance , en revenant alors pour le première fois
au lieu habituel de leurs assemblées,
nommé la Pnyx. [16] , [17] ]


La forme verbale "Klètos", issue de "Kaléô" a le sens de "invité" "convoqué", "bienvenu".

Pour Pierre Chantraine [18] "L'adjectif "ekklètos" signifie "arbitre" ou à propos de procès, "susceptible d'arbitrage" avec le dénominatif "ekklèteuô". Malgré la différence d'emploi, c'est de cet adjectif qu'est issu "ekklèsia" "assemblée du peuple (convoquée) à Athènes", "communauté de fidèles".

Réunions comme à Athènes, où le "boulé" préparait les propositions de lois et convoquait l’"ekklesia", se réunissant alors dans le centre d'Athènes (le jeton de présence y sera, lorsque qu'instauré, le misthos [19] de 3 oboles pour une assemblée ordinaire et neuf oboles pour une assemblée principale ce, à l'époque d'Aristote [20]).



Église : la convocation


En grec ancien comme on le lit dans l'Anabase de Xénophon [21], "ekklésia" est une assemblée de guerriers convoqués, et non une assemblée libre et ouverte à laquelle toute personne pourrait assister.


Xénophon Livre 1.3.2:


[Cléarque ("Κλεαρχος ") se retrouve face à une mutinerie de ses troupes qui lui jettent des pierres…]


Traduction littérale:


Κλέαρχος δὲ τότε μὲν mais Cléarque là en effet

μικρὸν ἐξέφυγε μὴ καταπετρωθῆναι, échappe de peu à être lapidé

ὕστερον δ᾽ἐπεὶ ἔγνω ὅτι οὐ ensuite après s'apercevant que,
surement pas,

δυνήσεται βιάσασθαι, il ne pourrait être en mesure de
contraindre

συνήγαγεν ἐκκλησίαν τῶν αὑτοῦ στρατιωτῶν. il assembla ici nominativement
les soldats


Traduction de Eugène Talbot :

"Cléarque, le premier, [veut contraindre ses soldats à marcher en avant] ; mais ils lui jettent

des pierres, à lui et à ses équipages, au moment où il se met en marche. Cléarque courut alors

grand risque d’être lapidé. Peu de temps après, voyant qu’il est impossible d’agir de force,

il convoque ses troupes".


En ce sens Xénophon utilise le mot "rassembler" ("συνήγαγεν", "sunégagen") associé au mot "ekklesian" ("εκκλησίαν", par convocation [22]) soulignant ainsi que cette assemblée des troupes est sélective, seuls les soldats nommés y participent.


En effet, bien qu'en grec la "foule" soit souvent désignée par "laos" ("λαος " [23] source de notre "laïque"), on utilise ainsi le mot "ekklesia" au sens d'une assemblée dûment convoquée comme on le note également dans la pièce d'Aristophane "les grenouilles" [24] ("Batrachoi" "βατραχοι" [25] ) et dans la pièce "Ecclesiazusae" [26] ("εκκλησιάζουσαι", L'assemblée de femmes).



La fausse étymologie de "Ekklesia" ou "Ecclésia"


Du point de vue du sens du mot, le grec "ekklesia" (εκκλησια) signifie "assemblée convoquée", différent du mot ekkleiô" (εκκλειω ) [27] signifiant "enfermé" [28].


Église : l'édifice, la religion


Le mot "église" concerne l'édifice vers 1050, puis vers 1140, désigne "l'ensemble des fidèles d'une religion reconnaissant Jésus Christ comme son fondateur/…/ : l'Eglise Catholique, les églises Protestantes". Vers 1690, l’église désigne "l'assemblée des fidèles et de leur pasteur d'un même état /…/ " [29].


Église, "écclesiastique" et l'église d'outre manche.


"Ecclésiastique" est issu du grec "ekklesiatikos", ce qui concerne l'assemblée du peuple et pour Démosthène, la table où sont listés les noms des citoyens prenant part à l'assemblée [30], et,

Par ailleurs "Ecclésiaste" tire son nom du grec, à la fin du moyen âge, de "ekklésiastès" ("εκκλησιαστης") qui désigne un "membre de l'assemblée", "l'orateur", et "l'indemnité de présence à cette assemblée" [31].


Outre Manche, le mot "church" vient du grec "kyriakon" la maison du Seigneur, de "kyrios" (le maître)… [32] . Ce mot, provient aussi de la langue Slave, probablement Germanique (Ancien Slave Criky, Russe Cerkov). Les langues Romanes et Celtes utilisent des variantes du latin ecclesia : Italian chiese, Français église, Portugais igreja [33].



(27 avril, 05 août 2013 ; 06 mai 2015, 05 janvier 2016 ; 18 juin; 9 sept. 2020 ; 25 avril 2021 ; 31 août, 02 septembre 2022)


----------------

[1] Dictionnaire etymologique et historique du Français.
Jean Dubois, Henri Mitterand, Albert Dauzat. Larousse (2001), édition 2005. Page 319
colonne I : "qui a pris vers le VI
e siècle le sens de maison
du culte, donné auparavant par basilica, basilique.

[2] Dictionnaire Bailly page 351, colonne III, sens III subst. βασιλική

[3] Ibid Dictionnaire Bailly page 1794, colonne III et dictionnaire Etymologique Pierre Chantraine
page 1057, colonne II : rangée de colonne, portique.

[4] Dictionnaire Anatole Bailly, page 619, colonne I. εκκληςια (Ekklesia) assemblée par convocation

[5] Ibidem : Dictionnaire Anatole Bailly , page 619, colonne I. εκκληςια (Ekklesia) assemblée par
convocation, assemblée de l’Amphictionie de Delphes, assemblée du peuple à Sparte, assemblée
de soldats…

[6] Dictionnaire Webster. Page 260, colonne I.

[7] Pierre Chantraine 353 colonne I. Préfixe "εξ" devant une consonne et "ek" ("εκ") devant une voyelle.

[8] Dictionnaire Anatole Bailly, page 1100, colonne II.

[9] Dictionnaire Anatole Bailly, page 1008 colonne II: καλέω

[10] Pierre Chantraine page 485 colonne I.

[11] Dictionnaire Sanskrit Burnouf, page 117, colonne I. Usa Kala : le chanteur de l'aurore, le coq.

[12] Synonymes Grecs recueillis dans le écrivainsz des différents ages de la littérature Grecque.
M Alex Pillon. Paris Librairie de Mme Veuve Maire-Nyon, 1847. Page 382.

[13] Xenophon Anabase 5 3, 3.

[14] Xenophon Anabase 1 2 13

[15] Πύκνα καλουμέ : Nommée Pnyx

[16] Thucydide La guerre du Péloponnese. Edition Les Belles Lettres. (Robert Laffond 1990).
Texte Traduit par Jacqueline de Romilly, Louis Bodin et Raymond Weil. Page 879.
Livre III , XCVII, 1.

[17] Traduction de Jean Voilquin de ce même passage : Tout consternés que fussent les Athéniens

par ces nouvelles, ils n’en équipèrent pas moins de vingt vaisseaux et convoquèrent pour la
première fois depuis le coup d’état une assemblée devant la Pnyx

[18] Dictionnaire Etymologique de la langue Grecque. Pierre Chantraine. Tome I, A - Δ .
Editions Klincksieck, 1974. Page 485, colonne I .

[19] misthos ecclesiastikos, ("μισθος εκκλησιαστικος")

[20] Aristote : la constitution d'Athènes. Chapitre 62 paragraphe 2.

[21] Xénophon, Anabase 1.3.2.

[22] Xénophon Anabase livresI et II. Les Belles Lettres première ed. 2000. Texte et traduction
de Paul Masqueray. Chapitre III.Pages 24-25. « il convoqua l’assemblée de ses soldats ».

[23] Dictionnaire Grec Français Anatole Bailly. Librairie Hachette. Paris 1950. Seizième édition,
page 1171 colonne I.

[24] Pièce de théâtre écrite vers -405 (et jouée en première au festival de Dionysos cette même année)

[25] Anatole Bailly page 353 colonne III : "βατραχος" batrachos" grenouille.
Titre traduit en latin par "ranae", les grenouilles

[26] Aristophane, propos de Protagora, vers 183-185 : "Aujourd'hui des assemblées ont lieu.
Celui qui y reçoit de l'argent ne tarit pas d'éloges, et celui qui n'en reçoit pas juge dignes
de mort ceux qui cherchent dans l'assemblée un moyen de trafiquer"

[27] Dictionnaire Bailly, page 619 colonne I : ekkleiô (εκκλειω) exclure, interdire…

[28] Le mot "ekklesia" ("εκκλησια") n'est pas lié au mot "ekkleio" signifiant fermer (Nicolas de
Bremond d'Ars, " Philippe Simonnot, Les papes, l'Église et l'argent. Histoire économique du
christianisme des origines à nos jours " , juin 2006, document 134-81) : "p. 120,
il [l'auteur] donne comme étymologie au mot grec ekklêsia (Église) le verbe ekklêiô,
fermer (qui donnera le mot " clé ") ; la lecture du Chantraine (Dictionnaire étymologique
de la langue grecque) lui aurait évité cette erreur grossière".

[29] Dictionnaire Érudit de la langue Française. Jean Dubois. Le Lexis. Larousse (1979)
édition 2009 et 2014. Page 608, colonne II

[30] Dictionnaire Anatole Bailly, page 619, colonne II.

[31] Aristophane, Ekklêsiázousa, le triobolus, indemnité de présence de trois oboles.

[32] Dictionnaire Merriam Webster's, New collegiate dictionary based on New international
dictionary second édition 1945. Page 148, colonne I

[33] Hyper Articles en Ligne (HAL) From Latin to Romance (2015) , Eva Buchi, Jean-Paul
Chauveau. Page 6