Mettre

Étymologie de "mettre"

Le verbe latin "mittere" signifie, "envoyer", "dédier", "produire", "émettre", "jeter" et également "laisser aller", "congédier", "affranchir". Le manuel de synonymie Latin de Doderlein nous donne :"Mittere exprime l'idée générique, comme envoyer;"[1].

Ce verbe latin "mittere"[2] donnera vers l'an 950 [3]l e mot français "mettre", mais employé au sens [4] du latin "ponere" [5] signifiant "poser", déposer", "établir".

[Le grec ancien utilise un autre mot pour "mettre" le mot "tithèmi" ("τίθημι " [6]) signifiant "mettre la main sur quelqu'un"[7]. Du grec "mita" ("μετὰ " [8]) signifiant "avec" : « μετὰ παρρησίας λέγω » (Démosthene Neuviéme philippique XIII. 3 ) et « parmi », à la suite de... Ce mot est à l'origine de nombreux dérivés [9] dont "thésis" ("θέσις ") signifiant l'action de placer, de déposer (des lois)…

Par ailleurs le Grec "ballo" ("βάλλω "[10]) est à rapprocher du thème Sanskrit "galati" signifiant tomber, disparaître [11]]

Le verbe "mettre", à Rome puis au moyen âge.

Longtemps le mot "mettre" est vu comme issu du latin "mittere" mais est utilisé sens d'un autre verbe latin "ponere" (prendre) [12].

Dans Sènèque [13], "mittere" est utilisé au sens de "renoncer" :

sed adleuari recusans, Mais récusant un réconfort
secundam orbitatem judicans Persuadée de perdre une seconde fois un enfant
lacrimas
mittere. En renoncant [14] à ses larmes.

Et, pour Cicéron [15] dans Les Oraisons, "mittere", est traduit par "envoyer":

Cum Philippus pro consulibus eum se mittere dixit, non pro consule [16]

[Ce qui fit dire à Philippus qu'il l'envoyait à la place des consuls et non comme proconsul.]

Dans les lettres de Cicéron, c'est "ponere" ("transposer", "mettre en regard") qui est traduit par "mettre" :

Quid autem absurdius, hoc metuere Et y avait-il rien de plus absurde que de craindre l'un
alterum in metu non
ponere.[17] ? Et de ne pas mettre en peine de l'autre?

Mettre : "envoyer", ou "laisser en place", ou "reposer" ?

Le sens du verbe "mittere" est ainsi supplanté - dans le sens - par "ponere" :

Quanquam raro Latini mittere pro eo quod est ponere usurpent. [18]

(Bien que par ci par là des auteurs usurpent pour mittere le sens de ponere)

"Mitte gladium tuum in vaginam" [19] : mets ton glaive en son fourreau. [20]

Le sens de "mitte" ("mittere") est-ici celui de "reposer", "placer" plutôt que le sens latin de "mittere", "envoyer", "laisser" : "remettez votre épée"[21], ou "remets ton épée dans son fourreau"

"Mettre" à l'époque des Troubadours

Au moyen âge, le verbe "mettre" est "metre" et ses variantes [22]:

Au sens d'intaller, mettre en place :

Portan l'al evescat, en cadeira l'an mes. Le portent à l'évêché, en chaire ils l'ont mis.

Au sens de "établir":

S'es mes un pale enjans S'est établie une manifeste tromperie

Au moyen-âge, le mot "mes" devient le fait d'"envoyer" en un autre état :

Ales Juziens lo mes en vanda Aux Juifs le mit en vente.

Tout comme dans le code, traduit, de Justinien dans lequel "mes" est "changer d'état" :

Aquelh home que so mes en clam de crim. Ces hommes qui sont mis en accusation de crime.

Et, dans le poème sur Boèce, "mes" désigne les messagers (ceux qui envoient) et "mettre" désigne alors "changement d'état" en les incarcérant.

Fez sos mes segre ; si 'ls fez metre e preso Fit suivre ses messagers, si les fit mettre en prison.

Mettre : de la racine "mede", la "mesure", à la racine "med" et l'Anglais "meet"

En langue Saxonne, "moetan" signifie "mettre en place, comme dans le Français "mettre" [23]venant du latin "mitto", dont le sens en Anglais est "lancer", envoyer", "placer".

Nous pouvons aisément en déduire l'origine commune des mots suivants , le latin "mitto" l'Anglais "meet", et "mete" mesurer, le Français "mettre", le latin "metior" le grec "metron ("μέτρον" [24]), ou metreô ("μετρέω" [25]) , la latin "mensura", le français "mesure", le latin "modas".

En Gallois, "madu" signifie envoyer [latin "mitto"], une façon d'agir, bon et bénéfique[26].

_______________

(16 janvier 2012 ; 26 avril 2021 ; 06 sept. 2022)
_______________

Notes et références :

[1] Manuel de synonymie Latine. Louis Dodernein. Traduction de Th Leclaire. Paris Lyon Brixelles Régis
Buffet, 1865. Page 169.

[2] Dictionnaire Félix Gaffiot. Page 984, colonne I. : mitteo, mittere

[3] Dictionnaire Erudit de la langue Française. Jean Dubois. Larousse (1979) édition 2009.
Page 1151 colonne II.

[4] Dictionnaire etymologique et historique du Français. Jean Dubois, Henri Mitterant, Albert Dauzat.
Larousse (2001), édition 2005. Page 615 colonne I.

[5] Dictionnaire Félix Gaffiot. Page 1199, colonne II

[6] Dictionnaire Bailly page 1928 colonne II. "tithèmi" ("τιθημι") de futur ("thesô") poser
le fondement, déposer, mettre dans tel état…

[7] Lexique Français Grec. Fl Lecluse. Paris Jules Delalain 1844. Page 364 colonne I.
Au sens du latin "ponere" prendre.

[8] The imperial dictionary, English, technological and scientific. John Ogilvie LL.D. Blackie and son 1859.
Volume I, page xxiii, colonne II.

[9] Le préfixe adverbial grec "the" ("θε") ou "then" ("θεν") marque une idée de départ,
d'éloignement, d'origine.

[10] Dictionnaire Bailly page 345 colonne III: Ballô (βαλλω) : lancer, jetter, laisser tomber. Page 346
colonne II, à rapprocher du thème sanskrit de "Galati".

[11] Distionnaire Sanskrit Schoupack, page 226 colonne II

[12] Dictionnaire etymologique Gilles Ménage. Paris, 1694, chez Jean Anisson Page 501 colonne I.

[13] Sénèque." Consolation à Marcia".. Par Carolus Rudolphus Fickert. Leipzig 1845.Tome 3. Page 75.

[14] "Mittere" est ici utilisé au sens de "déposer", cesser" les larmes,

[15] Choix d'expression latine. H. Battifol. Delagrave Paris 1866. Page 45, colonne I, Remarques : 2.
(Cicéron "de divin" 93)

[16] Ciceron Les Oraisons. C.L.F. Panckroucke Paris Panckroucke 1840. Tome 12 page 284

[17] Cicéron, lettres à Atticus.tome IV. Liège chez C. Plomteux 1773. Livre XIV Page 304

[18] Dictionnaire etymologique Critique historique. François Noël et M.L.J. Carpentier.
Paris librairie Le Normant, 1857. Volume II, page 308 colonne II.
Citation de Charles Bouilles (De Originibus Dictionum Gallicarum)

[19] Source The Kingdom interlinear Translation of the Greek Scriptures. New World Bible Translation 1985.
Brooklyn. Issu de textes grecs du premier siècle. Page 498 verset 11 : "βαλε την μαχαιραν εις την θηκην"
( Balé ten machairan eis ten thekné, Put the sword into [his] sheath) "mettre (ou remettre, ou laisser)
l'épée en son fourreau".

[20] Dictionnaire etymologique Critique historique. François Noël ibid page 308 colonne II. La traduction de
"mitte" est proposée comme étant "laisse" ou "remet" cette épée dans son fourreau.

[21] Saint Jean traduit en Français. Bruxelles 1698. Tome IV. Page 705 colonne II

[22] Lexique Roman et dictionnaire de la langue des Troubadours. Par M Raynouard. Paris chez Silvestre
1842. Tome IV. Page 221 colonne II.

[23] The imperial dictionary. English, technological and scientific page xxiii

[24] Dictionnaire Grec Français Anatole Bailly, page 1270 colonne II : "metron ("μετρον") : l'intrument pour
mesurer, le bâton pour arpenter.

[25] Dictionnaire Anatole Bailly, page 1269 colonne II. metreô ("μετρεω") : prendre la mesure, attribuer une
mesure

[26] The imperial dictionary. English, ibid