Pendant la guerre de Troie, qui opposait les Grecs et les Troyens, la princesse troyenne Andromaque a perdu son mari, Hector. Aujourd'hui captive, tout comme son fils Astyanax, du Grec Pyrrhus, fils d'Achille, et aimée de celui-ci, elle doit répondre à sa demande en mariage. Pyrrhus exerce un chantage : il ne sauvera la vie d'Astyanax que si elle devient son épouse.
Andromaque, Céphise
Andromaque
Dois-je oublier Hector privé de funérailles,
Et traîné sans honneur autour de nos murailles ?
Dois-je oublier son père à mes pieds renversé,
Ensanglantant l'autel qu'il tenait embrassé ?
Songe, songe, Céphise1, à cette nuit cruelle
Qui fut pour tout un peuple une nuit éternelle ;
Figure-toi Pyrrhus, les yeux étincelants,
Entrant à la lueur de nos palais brûlants,
Sur tous mes frères morts se faisant un passage,
Et de sang tout couvert échauffant le carnage ;
Songe aux cris des vainqueurs, songe aux cris des mourants,
Dans la flamme étouffés, sous le fer expirants ;
Peins-toi dans ces horreurs Andromaque éperdue :
Voilà comme Pyrrhus vint s'offrir à ma vue ;
Voilà par quels exploits il sut se couronner ;
Enfin voilà l'époux que tu me veux donner.
Non, je ne serai point complice de ses crimes ;
Qu'il nous prenne, s'il veut, pour dernières victimes.
Tous mes ressentiments lui seraient asservis.
Céphise
Eh bien, allons donc voir expirer votre fils :
On n'attend plus que vous... Vous frémissez, Madame ?
Andromaque
Ah ! de quel souvenir viens-tu frapper mon âme !
Quoi ? Céphise, j'irai voir expirer encor
Ce fils, ma seule joie, et l'image d'Hector ?
Ce fils, que de sa flamme il me laissa pour gage ?
Hélas ! je m'en souviens, le jour que son courage
Lui fit chercher Achille, ou plutôt le trépas2,
Il demanda son fils, et le prit dans ses bras :
« Chère épouse, dit-il en essuyant mes larmes,
J'ignore quel succès3 le sort garde à mes armes ;
Je te laisse mon fils pour gage de ma foi :
S'il me perd, je prétends qu'il me retrouve en toi.
Si d'un heureux hymen4 la mémoire t'est chère,
Montre au fils à quel point tu chérissais le père ».
1Céphise est la confidente d'Andromaque
2trépas : mort
3succès : issue
4hymen : union, mariage
Andromaque captive, Frederic Leighton, c. 1888
Huile sur toile, 197 x 407 cm
Manchester City Art Gallery